La Commission européenne a ouvert le 9 février l’appel à candidatures de son Alliance industrielle européenne visant à développer les Small Modular Reactors (SMR) sur le Vieux Continent. Objectif : encadrer la coopération entre acteurs européens pour renforcer la chaîne européenne d’approvisionnement. Les entreprises françaises de la filière sont sur les starting-blocks.
Vaste sujet de débats entre les Vingt-Sept, les SMR ont finalement été reconnus comme faisant partie des technologies de décarbonation de l’industrie européenne dans le cadre de la loi sur l’industrie « zéro net » (ou NZIA, pour Net-Zero Industry Act), pendant industriel du Green Deal (Pacte vert). Le 6 février, la communication de la Commission intitulée « Assurer notre avenir. L’objectif climatique de l’Europe pour 2040 et la voie vers la neutralité climatique d’ici 2050, la construction d’une société durable, juste et prospère » les reconnaît comme tels et annonce lancement de l’Alliance industrielle européenne.
Sur le modèle des autres alliances déjà lancées par l’UE (batteries, hydrogène vert, carburants alternatifs, photovoltaïque et nucléaire conventionnel), cette dernière entend d’abord identifier « les technologies les plus prometteuses, les plus avancées, sûres et rentables » de SMR et de réacteurs modulaires avancés, les RAM (Advanced Modular Reactors). Si leur principale différence est que les seconds ne sont pas refroidis à l’eau, ces deux grandes familles de technologies offrent le même avantage : ces réacteurs de petite taille et modulaires pourraient être fabriqués en série en usine avant d’être acheminés et assemblés sur site. Ils permettraient ainsi de se substituer au charbon.
Un plan d’actions stratégique attendu début 2025
Avec cette alliance industrielle, l’Europe entend également identifier les obstacles à l’investissement, sensibiliser les industries à forte intensité énergétique et les producteurs d’hydrogène, cibler les sujets de recherche et renforcer les échanges entres les régulateurs pour harmoniser les cadres légaux ou encore coopérer avec les ONG et les organisations internationales. Bruxelles, comme elle l’a fait pour les batteries, constitue une filière européenne et souhaite soutenir des projets d’envergure pour assurer la souveraineté de sa chaîne d’approvisionnement.
Cette première phase d’identification achevée, l’alliance présentera « début 2025 » un plan d’action stratégique pour développer la filière des SMR et AMR. Elle fournira « le cadre pour coordonner les différents acteurs européens, mener des analyses harmonisées, partager les bonnes pratiques et développer des projets communs ».
Les entreprises françaises dans les starting-blocks
En attendant, cette inscription du nucléaire dans la politique de Bruxelles pour réaliser sa transition énergétique est en soi une petite révolution selon la Société française d’énergie nucléaire (Sfen). « Le 6 février 2024 est à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire du nucléaire en Europe, triomphe un article de La revue générale nucléaire, publication de cette association à but scientifique. Alors que la Commission a historiquement boudé l’atome, malgré sa contribution à la neutralité carbone, les commissaires ont finalement donné toute sa place à l’énergie de fission. »
Spécialité française, le nucléaire, a effectué un retour aussi spectaculaire qu’inattendu dans les priorités du secteur de l’énergie en Europe. En France, huit projets de SMR et d’AMR sont en cours dans le cadre du plan France 2030 et la le secteur a fait l’objet d’un contrat de filière en 2019. Plus récemment, le quotidien Les Echos a annoncé que le site de Marcoule avait été retenu pour accueillir le premier prototype de SMR français, le Nuwad, que développe un consortium composé d’EDF, de TechnicAtome, de Naval Group, du CEA, de Framatome et de Tractebel.
Le Gifen (le Groupement des entreprises françaises de l’énergie nucléaire) évalue à 3200 le nombre de sociétés intervenant à toutes les étapes de la filière, pour un chiffre d’affaires annuels de 47,5 milliards d’euros. 85 % sont des TPE, des PME ou des start-up et elles sont plus de 50 % à travailler à l’international.
Sophie Creusillet
Pour participer à l’appel à candidatures (avant le 12avril) de la Commission européenne, cliquez ici !