Pour son premier voyage en Afrique subsaharienne depuis le début de sa présidence au Medef, Pierre Gattaz se rendra, du 4 au 8 octobre, au Nigeria, à la tête d’une délégation de 40 entreprises. Il s’agit de la première économie continentale (522 milliards de dollars en 2014) devant l’Afrique du Sud, et, malgré la chute des cours du baril de pétrole, le géant africain (1,8 million de barils produit en 2014) s’oriente cette année vers une croissance économique de 5 %.
« Les hydrocarbures ne représentent que 15 à 20 % du produit intérieur brut, ce qui n’est pas considérable. En revanche, ils apportent 80 à 90 % des devises au pays », soulignait Guy Maurice, directeur Afrique Exploration-production de Total, ancien patron de la filiale nigériane, lors d’un déjeuner de presse, le 29 septembre, organisé par Medef en présence de Pierre Gattaz, qui était aussi accompagné de Patrick Lucas, vice-président et président du comité Afrique de Medef International (notre photo).
Les 3 D : Développement économique, Démocratie, Démographie
La délégation française se rendra à Abuja où une rencontre est prévue avec le nouveau président, Muhammadu Buhari, élu fin mars aux dépens du chef d’État sortant Jonathan Goodluck, « une alternance pacifique », s’est plu à rappeler le patron des patrons français pour lequel le Nigeria répond aux 3 D : Développement économique, Démocratie et, enfin, Démographie. Cet État de 185 millions d’habitants, dont la population devrait être portée à 450 millions en 2050, enregistre chaque année cinq millions de naissances, soit autant que l’ensemble de l’Union européenne. De quoi aiguiser les appétits des spécialistes de l’urbanisation, de la ville durable, de l’agriculture, des infrastructures ou de la santé.
La principale incertitude consiste dans la capacité des élites politiques à gérer un pays gigantesque (924 000 km2), au taux de pauvreté élevé (75 % de la population), tiraillé entre le nord musulman et le sud chrétien. Miné par la criminalité et la corruption, le voilà encore frappé par le terrorisme de Boko Haram, présent sur 15 à 20 % du territoire dans le nord. Au Moci qui faisait remarquer qu’étaient ainsi réunis les ingrédients d’une bombe politique et sociale, Pierre Gattaz, sans nier la réalité du risque pays, a répondu que « c’est une raison de plus pour la France d’accompagner ce pays » dans une démarche de « développement durable » et non pas de « coups ».
Naissance de la classe moyenne et demande de modernité
A cet égard, Patrick Lucas a fait valoir le rôle positif que pouvait jouer une classe moyenne émergente, « de l’ordre de 16 à 18 millions d’habitants avec une exigence de démocratie », a précisé Guy Maurice. Refusant une photographie trop sombre du Nigeria, le dirigeant de Total a cité l’exemple de l’État de Lagos, où sont construits « ponts, routes, écoles…». Pour autant, la grande nation de l’Ouest africain n’est pas un eldorado facile. La concurrence y est forte. Mais, face aux Chinois notamment, « nous avons la French Tech, la French Touch, le French Design », a argumenté Pierre Gattaz, qui a martelé qu’après « les Trente Glorieuses » en France, il fallait « sortir des Trente Piteuses » pour « se lancer dans les Trente Audacieuses ». Or, le Nigeria peut répondre à cette ambition. « C’est un pays avec beaucoup de dynamisme et de demande de modernité », selon Guy Maurice, qui a affirmé que les stations service de Total au Nigeria – plus de 500 – sont « toutes aux mêmes normes et au même niveau de qualité qu’en France ».
Pour ce patron français, « la vraie difficulté pour les PME, c’est de comprendre le Nigeria pour ne pas se faire tondre » et « c’est compliqué », a-t-il averti. D’abord, parce qu’il y a « une vraie complexité administrative au Nigeria ». Ensuite, parce qu’il y a « des gens honnêtes et d’autres pas ».
François Pargny