Nicole Bricq, ministre du Commerce extérieur, a présenté le 12
septembre en conseil des ministres une partie de son plan d’action pour
l’export. Un plan plutôt radical pour le dispositif de soutien au commerce
extérieur, car il met fin au leadership d’ Ubifrance et des chambres de
commerce pour mener la mobilisation des PME à l’export et donne le rôle central
aux régions dans le dispositif, avec l’appui de la future Banque publique
d’investissement. Dans un entretien exclusif obtenu peu avant, Nicole Bricq détaille
sa stratégie et explique pourquoi elle met ainsi fin à la carrière de l’ex «
Equipe de France de l’export »
Le Moci. Le plan d’action export que l’on attend pour octobre sera-t-il un de plus ? Que préparez-vous de nouveau ?
Nicole Bricq. J’ai présenté une stratégie au Premier ministre, la veille du conseil des ministres de rentrée, avec un objectif chiffré qu’il a ensuite fixé au gouvernement : ramener la balance du commerce extérieur hors énergie à l’équilibre d’ici cinq ans, ce qui représente un effort de 26 milliards d’euros. C’est un objectif ambitieux mais qui est à notre portée. Cela implique d’avoir, chaque année, 2 % de plus d’export que d’import.
Comment s’y prendre ? Le commerce extérieur de la France fin 2011 c’est 430 milliards dont 30 milliards pour les grands contrats et 400 milliards pour le commerce courant, dans lequel vous avez des secteurs excédentaires et des secteurs déficitaires. Soit vous doublez les 30 milliards de grands contrats, mais ce sont de gros projets d’infrastructures ou d’équipements, parfois politiques, qui sont longs à voir le jour ; soit vous jouez sur les 400 milliards de commerce courant. On fera sans doute un peu des deux mais cette dernière partie est intéressante parce que c’est là que nous avons notre objectif numéro 1 qui va se décliner en priorités d’action en octobre : les PME et ETI. C’est dans la masse du commerce courant qu’elles se situent essentiellement, même si l’on sait que les filières qui font les grands contrats comme l’aéronautique ou le nucléaire font travailler de nombreuses PME et ETI.
Le Moci. On peut se réjouir d’avoir un ministre de plein exercice au Commerce extérieur mais ces dernières semaines, tout le monde s’est emparé de ce sujet : M. Moscovici, M. Montebourg… et même M. Fabius qui a lancé le mot d’ordre de la diplomatie économique dans le réseau diplomatique. Etes-vous la vraie patronne du Commerce extérieur ?
Nicole Bricq. En tout cas je me sens comptable de l’objectif qu’a fixé le Premier ministre. Mais le message que je veux faire passer, c’est que je n’y arriverai pas toute seule. Il y a des choses que moi je dois faire, car elles dépendent de mon autorité, et il y en a d’autres qui doivent être faites par mes collègues ministres, avec mon aide. C’est pour cela que je parle souvent du pack économique du gouvernement.
Le Moci. Quelles sont les premières priorités qui se dégagent ?
Nicole Bricq. Là où on peut aller vite et fort ! La première priorité d’action, c’est la structuration des filières à l’export, avec grands groupes, moyens, petits, etc. J’y travaille avec mon collègue Arnaud Montebourg (ministre du Redressement productif). Il faudra faire cette démarche de structuration y compris dans des filières nouvelles et innovantes. L’innovation est un aspect très important. Une entreprise qui innove à trois fois plus de chance d’exporter. Dans ce domaine, j’avance par exemple avec Fleur Pellerin (ministre déléguée, chargée des PME, de l’Innovation et de l’Economie numérique), qui travaille beaucoup sur le numérique. Un exemple intéressant à citer est la mécatronique, qui met en jeu une triple alliance entre mécanique – domaine dans lequel nous avons toujours été bons – électronique et informatique.
D’autres secteurs nouveaux et porteurs dans le monde peuvent être cités comme les écotechnologies, ou encore les biotechnologies. Il y a des filières où on est bons, qui sont porteuses, mais où chaque année on perd des parts de marché comme l’agroalimentaire : il faut bouger pour apporter de la valeur ajoutée. Dans les transports, on est très bons mais j’observe qu’il y a une concurrence importante. Je vais recevoir bientôt les patrons du transport urbain, du transport ferroviaire…
Le Moci. Cette approche filière va être couplée avec une approche marché…
Nicole Bricq. J’ai commandé une étude au Trésor qui me permettra de coupler ce travail sur les filières et leurs réseaux, donc sur l’offre commerciale française, avec un travail sur les besoins des pays. Tout ne pourra être fait d’un coup, cela prendra du temps. Il s’agit de voir, de la façon la plus rationnelle possible, à la fois là où on peut faire progresser l’offre commerciale, en s’appuyant beaucoup sur les ETI, et dans quels pays les besoins sont les mieux identifiés et les plus rapides à satisfaire. On a déjà des intuitions à ce sujet : les pays émergents, notamment d’Asie, les pays en croissance et aussi l’Europe, où nous perdons des parts de marché.
Le Moci. Vous avez évoqué le rôle que vous attendez des grands groupes. Comptez-vous dédier un budget, une structure à cette promotion du portage ?
Nicole Bricq. Les grands groupes sont d’une manière ou d’une autre soutenus par la puissance publique soit par des financements (via Coface ou encore la Réserve pays émergents), soit fiscalement, soit au travers des pôles de compétitivité où ils sont présents, soit encore à travers des appuis politiques dans certains pays lorsque de grands contrats sont en jeu. Une fois qu’on a défini nos priorités, il s’agit de les mobiliser. Mon collègue Arnaud Montebourg parlerait de patriotisme économique, moi, de façon plus modeste, je fais appel aussi à leur intérêt. Les grands groupes ont intérêt, dans leur filière, à porter ceux qui sont derrière et à faire un effort pour leurs fournisseurs. Quand un groupe est installé dans un pays, il doit pouvoir aider ses fournisseurs à obtenir des marchés auprès d’autres entreprises. On peut peut-être même aller jusqu’à une certaine conditionnalité dans l’aide qu’on leur fournit pour les pousser dans ce sens.
Le Moci. Comment comptez-vous organiser la mise en œuvre du plan d’action ?
Nicole Bricq. Pour tout ce qui concerne les grands contrats, c’est plutôt au niveau central que cela se passera, quoiqu’on puisse envisager que cela se fasse en relais avec les régions. Mais c’est avec les PME et ETI qu’on a un gros facteur de progression en nombre et en capacité d’exporter. Il y a un gros travail à faire pour les accompagner vers l’export et faire en sorte qu’elles y restent.
Un gros effort d’organisation est à fournir en amont, et je ne le ferai pas toute seule, pour bien identifier les entreprises qui ont des potentialités d’exportations et leur apporter, en face, les financements qui correspondent à leur taille et à leurs besoins. Et c’est là où les régions ont un rôle à jouer. Je compte beaucoup m’appuyer sur les régions. Puisqu’elles ont déjà la compétence du développement économique, je milite pour qu’elles aient la compétence sur l’innovation et sur les décisions d’investissement en fonds propres. D’où l’intérêt pour moi que la Banque publique d’investissement (BPI) ait dès le départ la fonction export dans son objectif. C’est très important.
Le Moci. Que vont devenir les chartes régionales signées par votre prédécesseur avec un certain nombre de présidents de régions ?
Nicole Bricq. Ce n’est pas parce qu’on signe une charte qu’on a avancé. Il y a beaucoup d’intervenants sur le territoire français, c’est confus. Les PME, PMI, ETI ne s’y retrouvent pas. Il faut donc bien clarifier le paysage, il faut qu’il y ait un pilote. Pour moi, le pilote ou le chef de file, appelez le comme vous voulez, ce sont les régions. Pourquoi ? Parce qu’elles connaissent bien le tissu productif, elles ont des agences de développement économique, elles soutiennent l’innovation, elles financent les pôles de compétitivité et elles ont cette vision de leur territoire. A elles d’organiser les acteurs de l’export, l’essentiel c’est que les entreprises s’y retrouvent.
Le Moci. Quel serait, pour vous, le rôle de la BPI en matière d’export ?
Nicole Bricq. La BPI aura un volet export c’est à dire des financements adaptés aux besoins des entreprises, tant en fonds propres, qu’en crédits innovation et en crédits courants. Je pense aussi que cette banque doit avoir une capacité d’expertise, de conseil et d’accompagnement. Dans les régions, où sa présence sera assurée par ce qu’on appelle les « comptoirs unifiés », il me paraît important qu’il y ait ce volet export et quelqu’un d’identifié pour conseiller les entreprises.
Le Moci. La BPI va-t-elle reprendre les dispositifs gérés jusqu’à présent séparément par Coface et Oséo ?
Nicole Bricq. Ce qui est sûr, c’est qu’elle va les distribuer. Si on veut être opérationnel assez vite, on n’a pas tellement le temps, une fois que la loi sera formalisée et votée, de se lancer dans de grandes réformes. Il faut regarder s’il n’y a pas de redondances. Par exemple en matière d’aide à la prospection, Oséo et Coface ont deux produits un peu concurrents : un financement aux primo exportants pour l’un, l’assurance-prospection pour l’autre. Il serait peut être plus malin d’en avoir un seul. Il faut aussi trouver le produit adéquat pour les ETI. Et puis il y a Ubifrance qui a aussi un produit d’accompagnement à l’export. Il faut regarder notre gamme actuelle et faire en sorte qu’elle s’étende. Ce qu’il faut, c’est que l’entreprise trouve auprès de la BPI un interlocuteur qui l’oriente vers les solutions dont elle a besoin.
Le Moci. Le « comptoir unifié », c’est un peu le « guichet unique » que votre prédécesseur avait tenté et qui devait mettre fin à la multiplicité des chapelles…
Nicole Bricq. Ce que l’entreprise veut, c’est la bonne porte d’entrée, le bon conseil, le bon produit.
Le Moci. Et l’accompagnement à l’international ?
Nicole Bricq. Un chiffre m’interpelle : sur 100 entreprises nouvellement exportatrices, seules 30 restent l’année d’après. Ubifrance, opérateur de l’Etat, accompagne les entreprises à l’étranger, nos services économiques régionaux aussi : il faut que cet accompagnement se fasse dans la durée. C’est très bien d’être sur des salons, mais c’est encore mieux de suivre trois quatre ans l’entreprise pour qu’elle ne soit pas isolée… C’est à ce niveau que le couplage offre commerciale/pays va nous permettre de mieux organiser notre réseau à l’étranger. Dans la toile mondiale, il y a certainement des redondances et des mailles dans le filet. Il faudra se concentrer sur l’offre commerciale et les pays qui ont, dans le court et moyen terme, le plus de chances de se développer. Prenons un exemple : on nous prédit un boom de la consommation de produits laitiers. Dans la Chine rurale, la consommation est de 2 kg/personnes contre 100 kg en France. Il y a donc une énorme marge de progression en Chine dans un secteur où on est bon. C’est pour cela qu’il faut s’inscrire dans la durée. Mais cela suppose aussi que les dirigeants des PME et ETI aient l’esprit d’entreprise pour trouver un partenaire local ou reprendre une entreprise existante.
Le Moci. Comment voyez-vous la clarification entre les missions d’Ubifrance, celles des chambres de commerce à l’étranger, voire les missions des structures privées de conseil…
Nicole Bricq. À l’extérieur on a le même problème qu’à l’intérieur : on a pas mal d’acteurs, dans certains pays ils se marchent sur les pieds et dans d’autres, il n’y a personne. Moi, je ne peux travailler que sur mon périmètre. Ubifrance, c’est dans mon périmètre, c’est pour cela que le couplage offre commerciale/pays est très important car il va nous permettre de réorganiser un peu nos forces. Mais je n’oublie pas nos Services économiques. L’important c’est de ne pas être dans la concurrence, c’est nuisible à la France. Il faut être dans la complémentarité. Et pourquoi pas, là où c’est une chambre de commerce qui fait très bien le boulot, on fera en sorte qu’elle ait une délégation de service public. C’est l’efficacité qui doit primer. On ne peut pas se payer le luxe de querelles de territoires.
Le Moci. Donc pour vous, les éventuelles clarifications, c’est plus de dialogue ?
Nicole Bricq. Je ne suis pas un caporal, mais je peux être une animatrice. C’est un travail de conviction, il faut faire appel à la responsabilité et à l’intelligence, et démontrer, preuve à l’appui, que tout le monde a sa place. Mais ce n’est pas la peine de faire, dans la même semaine, une manifestation dans une grande ville du monde et de faire, parfois la même semaine, une opération sur le même thème à côté… On n’a pas les moyens. Même les chambres de commerce et d’industrie ont une partie de leur financement assis sur un financement public.
Pour celles qui sont à l’étranger, j’observe que ce n’est pas non plus très pratique de trouver parfois, dans un même pays, deux chambres de commerce franco-quelque chose. Une anecdote à propos d’un pays d’Amérique du Sud que je ne citerai pas : quand j’ai visité Planète PME, il y en a une personne qui m’a remis sa carte en me disant que la chambre de commerce française, c’était lui, et un peu plus loin, un autre m’a dit « ce n’est pas la bonne, celle-là, c’est avec moi qu’il faut travailler ». L’entreprise de ce pays qui veut investir en France, comment voulez-vous qu’elle s’y retrouve ?
Le Moci. Vous avez déclaré être favorable à ce que la BPI fasse du financement export, c’est-à-dire finance non pas les entreprises exportatrices en direct mais les clients de ces entreprises. Il y a eu un retrait des banques françaises de ce type de financement. Est-ce une réponse à cette réalité ?
Nicole Bricq. Oui, c’est une nécessité. La banque est un milieu que je connais bien. J’étais tout à l’heure avec mon homologue anglais, Lord Green. Vous connaissez les Anglais, leur appétence pour la finance et la banque. Et bien, ils veulent créer une banque publique d’investissement. Je lui ai demandé pourquoi. Et il est parti d’un constat que je partage. Avec les règles Bâle III et les ratios prudentiels qui deviennent plus élevés, avec la crise financière, le modèle économique des banques va changer. Cela ne veut pas dire que les banques privées ne financeront plus les entreprises, mais peut être vont-elles se concentrer sur les entreprises qui pourront avoir accès au marché financier. Il faut vraiment que les PME et ETI aient un outil qui leur soit dédié. Cela ne doit pas masquer l’effort qu’on doit faire sur la compétitivité de nos entreprises. Et là, on aura besoin de tout le monde. Le travail que Louis Gallois remettra en octobre est important.
Le Moci. Que va devenir le Commissariat général à l’internationalisation des entreprises ?
Nicole Bricq. A partir du moment où les régions auront cette mission de repérage, d’accompagnement affirmée, qu’elles le fassent en s’appuyant sur les chambres de commerce ou d’autres acteurs, à partir du moment où elles seront d’une manière ou d’une autre présentes dans l’organisation de la BPI, c’est cette orientation là qui primera sur une structure centrale. Il faut se rapprocher du territoire. Nous avons des personnels nous aussi, une centaine d’agents dans les DIRECCTE, qui peuvent être mis à contribution et travailler avec les régions. C’est quelque chose qu’ils font déjà, du reste, et pourquoi pas ne pas mettre des agents à disposition des régions.
Le Moci. Et plus de structure interministérielle comme le Commissariat général à l’internationalisation des entreprises…
Nicole Bricq. Vous l’avez dit vous-même tout à l’heure, il y a une ministre du Commerce extérieur de plein exercice, il y a un objectif qui a été fixé par le Premier ministre, il y a un pôle économique ici, à Bercy, où chacun sait ce qu’il a à faire.
Propos recueillis par Christine Gilguy
Projet de Réglement européen sur les marchés publics
Le Moci. En matière de politique commerciale, on vous a vu entreprendre toute une tournée européenne pour défendre deux positions, l’une sur la réciprocité dans les marchés publics, et en particulier le projet de règlement de la Commission européenne sur ce sujet, et l’autre sur les accords de libre-échange. Sentez-vous un ralliement aux positions françaises ?
N. B. J’ai deux objectifs qui relèvent du court et du moyen terme. Le premier, c’est de tout faire pour que le projet de règlement mis sur la table par la Commission concernant l’accès aux marchés publics des pays tiers aboutisse dans son parcours législatif et au sein des institutions européennes. Je suis allée à Bruxelles le 3 septembre pour cela, rencontrer le Commissaire au commerce Karel De Gucht et le Commissaire au marché intérieur et aux services Michel Barnier. Aujourd’hui, c’est la seule arme dont nous disposons pour peser dans les négociations avec les pays tiers, notamment pour les accords de libre-échange. Le Parlement européen a aussi une compétence législative sur ce sujet et fera partie du trilogue Conseil-Parlement-Commission par lequel le règlement doit passer. J’ai donc vu aussi le président de la Commission Commerce Internationale du Parlement, Vital Moreira, comme le rapporteur : ils veulent que ça avance. Ce règlement est un outil d’autant plus important qu’il y a des projets d’accords de libre-échange sur la table. Quand on regarde les trois pays qu’ils concernent (Canada, États-Unis, Japon), qui sont très demandeurs, l’accès à leurs marchés publics est très étroit, c’est le moins que l’on puisse dire !
Le Moci. Comment ont été reçue les quatre conditions posées par la France à de tels accords ?
N. B. J’ai parlé au commissaire Karel de Gucht de ce qu’on attendait des accords de libre-échange et des quatre critères qui détermineront la position de la France. Le premier, c’est l’emploi. Nous voulons connaître l’impact à long terme de ces accords sur l’emploi en France. Je ne nie pas que nous ayons des problèmes de compétitivité mais il ne faut pas nous prendre pour des sots. Si on se bat, c’est pour l’emploi, et c’est un problème qui se pose dans tous les pays européens, y compris l’Allemagne, même si celle-ci à ses méthodes comme le chômage partiel pour le gérer.
Ensuite, deuxième critère, nous voulons la réciprocité : si moi, Européen, j’ouvre mon marché, vous, en même temps, vous ouvrez le vôtre. Il y a eu une grande vogue du bilatéralisme mais quand on regarde les accords de libre-échange passés, ils sont déséquilibrés. Mais je sais que la réciprocité ne sera pas le concept le plus facile à faire avancer.
Le troisième critère, qui n’est pas le plus difficile et qui est en plus porteur de croissance, c’est l’exigence sociale et environnementale. Ce point concerne plus particulièrement les pays qui ne respectent pas les règles de l’OMC et les normes sociales du BIT (Bureau international du travail).
Le dernier critère, c’est la progressivité de l’ouverture, notamment tarifaire, qui est en générale cadrée sur plusieurs années, et la surveillance effective des échanges de marchandises. Nous avons bien vu que l’accord de libre-échange passé avec la Corée nous a posé des difficultés.
Le Moci. Où en est-on sur ce dernier point ?
N. B. J’ai interrogé le Commissaire sur la demande de mise sous surveillance des importations automobiles en provenance de Corée du Sud et lui ai rappelé la position de la France. La Commission est en train d’étudier le dossier.
Réciprocité
« On ne peut pas priver nos entreprises des armes qu’ont les autres »
Le Moci. Vous dites que le concept de réciprocité est le plus difficile à faire passer. Pourquoi ?
N. B. Cet après-midi (7 septembre) j’ai rencontré le président de la chambre de commerce américaine, un conservateur, républicain. Evidemment, ils sont très favorables à un accord de libre-échange. Je lui ai fait part de notre position, notamment sur la réciprocité. Alors que les trois autres critères n’ont posé aucun problème, mon interlocuteur américain m’a demandé de lui expliquer ce qu’était la réciprocité ! Alors j’ai pris l’exemple des marchés publics : nous Européens, nous ouvrons nos marchés à hauteur de 90 % contre 38 % pour les Américains. Je lui ai dit : nous, on ouvre, vous vous ouvrez en même temps, parallèlement.
Avec le Japon, qui veut faire un accord de libre-échange, la Commission est très allante mais on ne peut pas exporter notre bœuf dans ce pays depuis 2001, il ne veut pas non plus de nos médicaments, de nos additifs alimentaires… Il faut qu’il nous donne des signes d’ouverture.
L’accord de libre-échange avec les Etats-Unis est un enjeu très important parce qu’il implique deux grandes puissances économiques et commerciales. Ce que l’on va faire ensemble constituera une référence pour le reste du monde. Il faut donc l’aborder sérieusement, pas de manière précipitée.
Tout ceci fait partie de mon travail. Mais je n’aime pas trop les positions flamboyantes où l’on se retrouve tout seul à la fin… Je n’ai pas le complexe de Cyrano. Moi je préfère convaincre, trouver des points d’appui. Nous sommes 27 Etats-membres, je préfère que nous trouvions des compromis : je sais que je peux compter sur l’appui des Espagnols, des Italiens, j’ai vu mon homologue anglais Lord Green, et j’irai voir les Allemands et les Européens du nord.
Le Moci. Ce serait presque la fin de l’OMC en tant qu’organisme gestionnaire et animateur de grands traités…
N. B. Le multilatéralisme est en panne. Ce qui fonctionne bien à l’OMC c’est l’ORD (organe de gestion des différents). Je suis allée voir Pascal Lamy à Genève, c’est l’un des premiers que j’ai rencontré. L’OMC a bien marché dans la période où les barrières politiques sont tombées, après la chute du mur de Berlin. Mais depuis lors, le monde a profondément changé, l’OMC ne s’est pas renouvelée et le cycle de Doha s’est enlisé. Je suis favorable au multilatéralisme, bien sûr. J’observe aussi que de grands blocs régionaux sont en train de se constituer, comme avec le projet d’accord Transpacifique, avec les Etats-Unis, ou les évolutions de l’Asean (Association des nations d’Asie du Sud-Est). Mais on ne peut pas priver nos entreprises des armes qu’ont les autres.
Il faut que la France trouve sa place dans la mondialisation, je pense qu’elle a les moyens et les atouts pour le faire. C’est ça l’enjeu, ce n’est pas d’avoir des débats théoriques sur pour ou contre la mondialisation car elle est là. Je préfère qu’elle se fasse sur des bases dont nous sommes proches.