Unilatéralisme de Donald Trump, blocage de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ruptures technologiques : ces thèmes d’une actualité brûlante seront au menu du 5ème Mondial des conseillers du commerce extérieur de la France (CCE), marqué cette année par la commémoration du 120ème anniversaire de cette institution, et qui doit rassembler plus de 1 150 participants les 4 et 5 octobre à La Mutualité à Paris, soit bien davantage que pour les précédentes éditions de Bali l’an dernier, et surtout de Deauville en 2016, qui n’avait pas atteint le cap des 1 000 participants.
« Nous refusons du monde au dîner de gala », se félicitait Alain Bentéjac, son président, l’avant-veille de l’événement. « Cette commémoration et ce rassemblement à Paris permet de montrer que l’institution a une certaine permanence et qu’elle garde une certaine pertinence », ajoute-t-il, avec un brin d’ironie.
Une institution rénovée
De fait, les CCE restent une institution unique au monde, qui a traversé trois siècles. Le statut avait été créé en 1898, au même moment qu’un Office national du commerce extérieur auquel elle avait été rattachée, pour contribuer à redonner le goût de l’international à des Français encore abattus par la défaite contre la Prusse en 1870…
Ils sont aujourd’hui 4 000 en France et à l’étranger. Hommes et femmes d’affaires bénévoles nommés par décret du Premier ministre sur proposition du ministre en charge du Commerce extérieur, ils s’engagent sur trois ans dans des missions de conseil au gouvernement et à ses émanations sur les questions de commerce extérieur, mais aussi de partenaires du dispositif public d’accompagnement à l’export pour du parrainage de PME ou de la formation.
Leur comité national, le CNCCEF, que préside Alain Bentéjac depuis 2014 après sa réélection en mars 2017, est une association loi 1901 autonome, qui a été créée par la suite pour les rassembler. On y adhère moyennant une cotisation annuelle de l’ordre de 700 à 800 euros.
Rénovée et redynamisée ces dernières années*, affirmant son positionnement en faveur d’un commerce international libéralisé mais régulé et maîtrisé dans un cadre multilatéral, elle joue davantage son rôle de conseil et de partenaire des pouvoirs publics et de leurs opérateurs, notamment dans le cadre de conventions de partenariat. Elle a aussi poussé et soutenu les réformes qui ont été engagées ces dernières années pour simplifier les différents dispositifs d’accompagnement à l’export, qu’il s’agisse du transfert des garanties publiques de Coface à Bpifrance ou des nouveaux « guichets uniques de l’export » en cours de déploiement grâce au rapprochement de Business France, des Chambres de commerce et d’industrie (CCI) et des Régions, « le vrai sujet » rappelait le président des CCEF au Moci en juin 2017.
« On a l’impression d’une fin de cycle »
Mais au-delà des 120 ans, c’est d’abord les tendances actuelles du commerce international qui seront au programme, la première journée étant ouverte aux non CCE, la deuxième leur étant réservée. L’autre monde, les nouveaux territoires de l’entreprise, la gouvernance pour la mondialisation, « France is back », autant de thèmes qui font référence aux bouleversements actuels du monde sur lesquels plancheront de nombreux chefs d’entreprises et les experts et hommes politiques têtes d’affiches (Jean-Yves Le Drian, Jean-Baptiste Lemoyne, Pierre Moscovici, Gary Shapiro, Pascal Lamy, Pascal Cagni…).
Les inquiétudes des CCE pointent dans les pays voisins des États-Unis, en Chine mais aussi en Europe, ou le ‘Brexit’ approche. « On a l’impression d’une fin de cycle : 1999, la création de l’euro ; 2001, le début du cycle inachevé de Doha et l’entrée de la Chine à l’OMC ; 2002, l’année du dernier excédent commercial de la France, résume Alain Bentéjac. Vingt ans après, beaucoup de questions sont posées par l’unilatéralisme américain, le blocage de l’OMC, les révolutions technologiques, les nouveaux risques géopolitiques. Cela ne veut pas dire que c’est la fin de la mondialisation mais nous allons vers quelque chose de différent, avec des chaînes de valeur sans doute moins complexes ».
« Nous voulons être partie prenante de la plateforme de solutions »
En dehors de cette contribution aux réflexions sur les transformations du commerce international, les CCE plancheront aussi, lors de leur conclave à huis clos, sur leur feuille de route pour être pleinement associés à la refonte en cours du dispositif d’accompagnement à l’export. Avec la volonté de tenir leur rôle de conseil au gouvernement et d’être associés pleinement aux nouvelles « Team France export » que Business France met en place avec les CCI et les Régions, avec un CRM commun et des plateformes de solutions communes en ligne.
« Nous voulons être partie prenante de la plateforme de solutions », précise Alain Bentéjac. « Nous souhaitons proposer une prestation gratuite, formatée et normée, de conseil et d’échanges aux PME : l’idée est que cela soit proposé en option à toute entreprise qui sollicite la plateforme par les CCI et Business France ». Une contribution concrète à la sensibilisation et à l’information des exportateurs débutants par du conseil de pair à pair.
Autre axe de réflexion : la relance d’un projet de think tank sur l’économie internationale qui mûrit depuis le précédent Mondial des CCE, en commençant par récolter des témoignages sur des expériences concrètes d’entreprises et de politiques publiques menées ailleurs pour s’adapter aux transformations en cours. Vaste chantier qui devrait donner du grain à moudre pour longtemps aux conseillers…
Christine Gilguy
*Lire sur ce sujet le dossier spécial du Moci publié à l’occasion du Mondial de Deauville de 2016 : A quoi servent les CCEF ?