Dans la zone MENA (Middle East North Africa), l’étape de post-confinement se met progressivement en place. « La plupart des pays vont se rouvrir en utilisant la période du ramadan pour relancer le plus possible leurs capacités de production à la fin du mois », estimait ainsi Pascal Cange, chef du bureau MENA de DS Avocats, lors d’un webinaire sur l’impact du Covid-19 dans la région, organisé par le cabinet français le 7 mai.
La veille, Medef International tenait sur le même sujet une réunion à huis clos. D’après nos informations, le secteur privé français se déclarait plutôt optimiste. Et pour cause. D’abord, les gouvernements, notamment dans le Golfe, ont pris des mesures à court et à long terme. Des plans d’aides aux entreprises ont ensuite été lancés.
Enfin, les réserves financières, en dépit du faible niveau des cours du baril, demeurent conséquentes. Sept des 15 plus grands fonds d’investissements sont ainsi concentrés dans la région MENA, ce qui devrait aider certains États à conduire une politique de diversification ambitieuse.
Des secteurs porteurs : énergies renouvelables, e-commerce
Même si les entrepreneurs français sont conscients de l’impact négatif du Covid-19 sur les comptes publics et la réalisation des grands projets dans la zone, ils estimeraient que certains secteurs ne devraient être que peu touchés. A commencer par les énergies renouvelables, en particulier le solaire. Et, bien sûr, dans la distribution, l’e-commerce est en forte expansion comme sur le reste de la planète.
Cette certitude repose aussi sur le fait que les gouvernements de la région MENA ont mis en place des dispositifs pour soutenir leur économie. Les mesures y sont assez variées : report de remboursement de prêts, offre de garanties, baisse des taux d’intérêt, suppression des droits de douane sur les denrées alimentaires et les dispositifs médicaux, accélération du remboursement de la TVA, report des pénalités, baisse des taxes à payer, etc.
Parmi les dispositifs de soutien au secteur privé, l’Arabie saoudite promet d’agir rapidement. Même si les restrictions de dépenses publiques sont inévitables. Le 2 mai, le ministre des Finances – et ministre par intérim de l’Économie et du plan – Mohammed Al Jadaan, a annoncé que des mesures « douloureuses » pour assurer l’équilibre des finances publiques allaient s’ajouter à la réduction de 5 % des dépenses budgétaires déjà annoncée le 18 mars.
D’après le Service économique à Riyad, Mohammed Al Jadaan « a déclaré que les projets d’investissement seraient affectés par ces réductions et que des programmes de la Vision 2030 ne seraient pas épargnés, sans préciser lesquels ».
EAU : un plan d’aide ambitieux et de grands projets
De leur côté, les Émirats arabes unis (EAU) avaient réagi très tôt, puisque dès la mi-mars, un plan de relance économique de 380 millions d’euros en faveur des entreprises était annoncé pour les trois mois suivants. Développé par le gouvernement de Dubaï, le plan de relance comprend 15 initiatives axées sur le secteur commercial, la vente au détail, le commerce extérieur, le tourisme et le secteur de l’énergie.
L’économie des EAU devrait, néanmoins, se rétracter de 3,5 % cette année, selon le Fonds monétaire international (FMI).
D’après la plateforme de la Team France export dédié au Covid-19, « les chantiers en cours se poursuivent, malgré les difficultés engendrées par les mesures de précaution sanitaire, les cas de Covid-19 qui se déclarent, l’arrêt des vols et certains problèmes d’approvisionnement » et « on constate quelques reports mais assez peu d’interruptions de procédures pour les projets déjà au stade des appels d’offres ». Preuve en est que le consortium mené par EDF vient ainsi d’être désigné soumissionnaire préféré pour le projet Al Dhafra, portant sur la réalisation d’une centrale photovoltaïque de 2 gigawatts au nord d’Abu Dhabi.
P. Cange : « Je me demande si la baisse des prix du pétrole ne sera pas bénéfique »
Selon Pascal Cange, les pays du Golfe devraient pouvoir poursuivre leur diversification économique. Certains secteurs sont ciblés, comme le tourisme et la logistique, mais, pour lui, la priorité doit être à « la création de valeur ajoutée en aval de l’industrie pétrolière ».
« Je me demande si la baisse des prix du pétrole ne sera pas bénéfique à long terme », s’interrogeait-il aussi, citant, comme exemples d’intégration possible, la fabrication de polymères dans les EAU, en Arabie saoudite ou à Oman.
IDE : Alger a assoupli la règle 51/49
Dans la zone MENA, le Covid-19 devrait aussi pousser l’Algérie à poursuivre ses efforts pour accueillir des investissements directs étrangers (IDE). En grande difficulté financière, après des mois de forte contestation sociale et politique, l’Algérie, qui refuse l’aide du FMI, doit aussi faire face à la crise du coronavirus et la chute des prix du pétrole
Dans la loi de Finances 2020, la règle dite 51/49 réservant la majorité aux intérêts locaux dans tout projet avec un investisseur extérieur, a déjà été abandonnée pour les secteurs non stratégiques. En l’absence de liste définitive encore établie, cette règle serait uniquement maintenue pour les domaines suivants, considérés comme stratégiques : défense, énergie, ressources naturelles, y compris hydrocarbures et mines, distribution d’eau et d’électricité, infrastructures, banque et assurances.
Les pays du Golfe comme l’Algérie sont confrontés tous les ans à l’arrivée sur le marché du travail de nombres jeunes sortant de l’université. Les IDE sont autant d’opportunités d’emplois indispensables aujourd’hui pour leurs diplômés.
Pascal Cange estime, par ailleurs, que les États du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord doivent conclure des accords de libre échange, bilatéraux ou multilatéraux, à l’instar de l’accord du Maroc avec l’Union européenne. Baisser les droits de douane, c’est aussi un atout en matière de compétitivité à terme.
François Pargny