À la veille des congés estivaux et des départs de nombreux vacanciers français à l’étranger, l’Institut de recherche anti-contrefaçon de médicaments (IRACM) lance une campagne nationale pour sensibiliser le grand public aux dangers des médicaments contrefaits.
« La contrefaçon de médicaments se développe. Ce n’est pas uniquement un problème de propriété intellectuelle, mais une menace pour la santé publique et l’État de droit », indique au Moci Bernard Leroy, directeur de l’IRACM.
La campagne de l’IRACM vise à informer les patients sur les dangers liés à cette pratique frauduleuse et leur donner des conseils sur l’achat des médicaments en ligne et des informations pour préparer leur voyage à l’étranger. Cette campagne se décline sous la forme d’un livret de 16 pages, intitulé Le faux médicament, késako ? Celui-ci est accessible en ligne depuis le 1er juillet sur le site Internet www.le-faux-medicament-kesako.com et disponible dans les salles d’attente des médecins généralistes, gynécologues et pédiatres. Ce livret aborde, infographies ludiques à l’appui, les différentes thématiques liées à la contrefaçon de médicaments (« Les médicaments en voyage » ; « En cas de doute que faire ? » ; « Si j’achète sur Internet ? »…). Cette campagne de prévention doit se prolonger jusqu’à la fin de l’année avec une diffusion du livret, à partir du 31 octobre, dans les 300 salles d’attente des hôpitaux parisiens de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (APHP).
Fondé en 2010, l’IRACM qui siège à Paris, est un organisme international indépendant de lutte contre la contrefaçon de produits de santé. L’IRACM alerte sur le fait que les médicaments « contrefaits » sont des « médicaments falsifiés », qui contiennent un principe actif en teneur diminuée, voire nulle. La falsification est l’« action d’altérer volontairement (une substance ou tout autre élément) en vue de tromper », précise l’IRACM. Les contrefaçons peuvent donc contenir des principes actifs en surdosage, sous-dosage, ou des substances toxiques. Au-delà des problématiques de propriété intellectuelle (médicaments de marque copiés en Chine) qu’ils soulèvent, les faux médicaments peuvent entraîner des échecs thérapeutiques, voire la mort.
Un phénomène grandissant
L’interception de médicaments contrefaits par les Douanes françaises a doublé en 2014, année record en termes de saisie par les douanes françaises. Parmi les 8,8 millions d’articles contrefaits interceptés (un chiffre en hausse de 15,4 %), 2, 58 millions sont des médicaments, soit près de deux fois plus qu’en 2013 (1,35 million). En février 2014, 2,4 millions de médicaments de contrefaçon avaient été interceptés, lors d’une saisie record réalisée au Havre. Ces faux médicaments étaient cachés dans deux conteneurs en provenance de Chine.
Un trafic Nord-Sud
Entre 50 % à 70 % des faux médicaments proviennent d’Inde et de Chine. « C’est un trafic Nord-Sud », explique Bernard Leroy. Les médicaments falsifiés (antipaludiques, vaccins, etc.) sont fabriqués principalement en Asie, en Chine ou en Inde, et circulent ensuite jusqu’en Afrique, leur destination finale, où ils sont commercialisés de manière illicite. C’est-à-dire sans autorisation de mise sur le marché. Bien que le trafic de faux médicaments soit un fléau planétaire, l’Afrique est le continent le plus affecté. Les taux de médicaments falsifiés y varient entre 30 % et 70 % selon les pays. Le coût des importations de médicaments frauduleux entrés ces dernières années en Afrique de l’Ouest est estimé à 150 millions de dollars par an.
Face à ce fléau, l’IRACM s’est joint à l’Organisation mondiale des douanes (OMD) pour effectuer des opérations de saisies de faux médicaments en Afrique. Menée le 1er avril 2013, l’intervention douanière « Biyela » a permis de saisir, en 10 jours, quelque 550 millions de doses de médicaments illicites et contrefaits dans 23 pays africains. Une nouvelle opération « Biyela 2 » a été menée du 21 mai au 4 juin 2014 dans 14 pays et 15 ports d’Afrique permettant l’interception de 113 millions de produits pharmaceutiques illicites et ou contrefaits.
En Afrique, les médicaments falsifiés sont vendus sur les marchés de rue. Dans certains pays, les médicaments, en particulier thérapeutiques comme les traitements contre le VIH, le paludisme ou la tuberculose, s’achètent sur les marchés ou dans des pharmacies non homologuées.
À cela, s’ajoute le fait que les contrefacteurs s’immiscent dans des niches très rapidement et proposent des contrefaçons qui sont des leurres. « Les trafiquants, avertit Bernard Leroy, réagissent très vite, ils sont capables en quelques semaines de mettre sur le marché des médicaments falsifiés pour soigner la grippe aviaire ou Ebola ». Au lendemain de l’épidémie Ebola, l’IRACM a constaté la mise sur le marché de vaccins contre le virus Ebola illicites qui étaient proposés dans les pays concernés touchés par la contamination : Guinée, Liberia et Sierra Leone. C’est le cas pour toute nouvelle maladie infectieuse manquant de façon cruelle de traitement efficace.
L’émergence de nouvelles pratiques : reconditionnement de produits périmés et vol dans les circuits licites
L’opération « Pharmatraffic » a permis d’arrêter dans plusieurs régions d’Italie (Campanie, Calabre, Lombardie, Ligurie, Toscane et Sicile) 50 pharmaciens, propriétaires et exploitants de médicaments en gros, agents commerciaux et transporteurs routiers impliqués dans un vaste trafic international de produits pharmaceutiques volés.
Les produits étaient dérobés dans les hôpitaux ou lors de leur transport, puis reconditionnés et intégrés dans la chaîne d’approvisionnement légale pour être ensuite revendus en Italie et à l’étranger. Ces affaires signent la montée en puissance de la mafia italienne dans ce type de criminalité.
L’IRACM observe aujourd’hui l’apparition de nouvelles pratiques, comme le reconditionnement de produits périmés ou encore le vol dans les circuits licites avec réintroduction ultérieure dans les mêmes circuits. En Italie, les cargaisons des camions de médicaments sont dérobées, puis reconditionnées pour être ensuite revendues dans le circuit traditionnel licite, dans les hôpitaux mais également dans d’autres pays européens.
Les limites en matière de droit
La contrefaçon se développe sur fond de crime organisé et permet des gains financiers conséquents ; toutefois, la majorité des États atteints par ce fléau ne dispose pas de mécanismes de contrôle réglementaire puissant. De plus, à l’heure actuelle, il n’existe pas de procédure d’entraide judiciaire internationale qui permette de remonter les filières. « Il faut aider les États à se doter des outils juridiques pour lutter contre la contrefaçon de médicaments. L’immense majorité des États sont très en retard. Ils n’ont pas de législation appropriée à la contrefaçon de médicament », commente Bernard Leroy. Toutefois, la législation est en train de bouger, mais les peines sont encore inadaptées.
« Les gouvernements ont du mal à faire que leurs juges et fonctionnaires de police fassent respecter la législation sur la contrefaçon de médicaments, car il faudrait une loi qui définisse ce que c’est qu’un médicament falsifié et prévoir des peines dissuasives », estime Bernard Leroy.
Face à l’ampleur d’un fléau en perpétuelle mutation, aux techniques et tactiques toujours plus sophistiquées utilisées par les trafiquants pour dissimuler leurs marchandises, l’IRACM finance des opérations de formation des agents douaniers. « Depuis 2010, 1 800 personnes ont été formées par l’Institut dans une soixantaine de pays », renseigne Bernard Leroy.
L’IRACM effectue des actions de sensibilisation pour détecter les conteneurs qui renferment des médicaments illicites et former les agents à la fouille de ces conteneurs. Car sur un bateau transportant 3 000 conteneurs comment trouver les trois qui contiennent des médicaments contrefaits ?
Parallèlement au trafic physique, un autre trafic (Nord-Nord) via Internet s’étend. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) un médicament sur deux vendu sur Internet serait contrefait.
Venice Affre
Pour en savoir plus :
– Consultez le site Internet de l’IRACM : www.iracm.com
– Le livret Le faux médicament, kézako ? est consultable au lien suivant : www.le-faux-medicament-kesako.com