Pour rester compétitifs dans l’ombre de leur grand concurrent parisien, les aéroports régionaux se spécialisent. Focus sur Marseille-Provence, Lyon Saint-Exupéry, Châteauroux-Centre et Nice-Côte d’Azur.
Marseille : matériel pétrolier et gazier
L’aéroport Marseille-Provence a concentré ses efforts sur l’express et les matériels pétroliers et gaziers. Sa cible : la Méditerranée occidentale, de Malte à l’Algérie, en passant par le Maroc, Chypre et bientôt la Mauritanie. « Nous sommes le deuxième aéroport français derrière Aéroports de Paris pour le fret avionné [NDLR : transporté par avion]. Avec 7 % de croissance en 2010, nous avons battu notre record historique pour la troisième année consécutive », se félicite Jean-Marc Boutigny, responsable fret de l’aéroport. Les atouts de Marseille-Provence : la mise en place d’une organisation de travail performantes, pour gagner en rapidité au bénéfice des opérateurs extérieurs, la création d’un entrepôt MP Express qui facilite le transbordement bord à bord en zone sous douane et évite un surcroît de manutention et la construction de nouveaux parkings cargo. Ces efforts ont payé, puisque le hub provençal a pris des parts de marché sur ses concurrents du sud de l’Europe, Rome et Barcelone. L’objectif de l’aéroport est de développer les liaisons vers les champs pétroliers et gaziers de l’Algérie, la Mauritanie, voire la Libye, quand la situation politique sera stabilisée. « On mise sur le sur-mesure. Nous sommes confiant en l’avenir, car il y a du potentiel de croissance sur nos deux segments », assure Jean-Marc Boutigny.
Lyon : fret express en hausse
Selon Éric Burdin, responsable cargo du hub lyonnais, les atouts de Lyon Saint-Exupéry résident dans « une localisation géographique au cœur des flux de fret et dans des réseaux routiers et ferroviaires efficaces ». L’année 2010 a été positive en termes de fret, avec une hausse de 13 % du trafic avionné (37 207 tonnes), dont l’express (+11 % à 28 642 tonnes) est la composante majeure.
Lyon Saint-Exupéry participe au projet Euro Carex qui doit à terme relier Charles-de-Gaulle à plusieurs hubs européens (Amsterdam, Liège, Londres et Lyon) par des TGV dédiés au fret. Sans oublier une réserve foncière considérable, puisque Cargo Port, la zone de fret, n’occupe que 50 hectares sur 150 potentiellement aménageables. Lyon s’est par ailleurs spécialisé sur le trafic camionné (transport de fret aérien par un véhicule routier sous couvert d’une lettre de transport aérien), qui a totalisé 100 000 tonnes en 2010. À Lyon, « les opérateurs considèrent Cargo Port comme un site de massification important », se félicite Éric Burdin. En effet, le site a entrepris des travaux pour fluidifier la circulation des poids lourds au départ du hub et vers le hub. De nouveaux parkings vont permettre aux gros porteurs de type Boeing 747 400 et Antonov d’atterrir dans cet aéroport. Pour le responsable cargo, « la région Rhône-Alpes est la seconde en termes de croissance économique. Nous croyons au potentiel de développement de l’activité fret ».
Châteauroux : formation et maintenance
Châteauroux-Centre, il a misé sur trois activités : le fret, la formation des pilotes et la maintenance aéronautique. « Nous sommes d’abord un aéroport industriel, ce qu’on appelle un « cargo friendly airport ». Nous sommes bien connectés au réseau autoroutier européen et le site est opérationnel 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. L’aéroport peut aussi accueillir tous types d’avions, y compris les très gros porteurs Antonov 124 et 225, avec six parkings dédiés », précise Martin Fraissignes, directeur de la stratégie et du développement à de l’aéroport de Châteauroux.
Autre atout, le hub vient de doubler sa capacité d’entreposage frigorifique et envisage la construction d’un nouveau hangar pour la maintenance. Par ailleurs, Châteauroux-Centre est un des rares aéroports agréé en tant qu’agent habilité (1). Une procédure qui lui permet de proposer aux chargeurs, transporteurs et transitaires un service « sûreté du fret » grâce à certains équipements comme un scanner grand format pour contrôler et sécuriser les colis d’un encombrement maximum.
Martin Fraissignes se dit optimiste quant à la croissance de l’activité cargo à Châteauroux : « Le volume du trafic de fret aérien va être multiplié par deux ou trois d’ici quinze ans. Je parie sur une croissance durable de ce marché. »
Nice : parfumerie et satellites
Le fret à Nice est majoritairement du « general cargo » (marchandises diverses) avec deux spécificités : le transport de satellites avec SDV vers Kourou et Baïkonour (Kazakhstan), et les produits de parfumerie. Sur le deuxième aéroport français derrière Paris en nombre de passagers, le fret a connu deux années de forte croissance, avec + 29 % en 2009 et + 36,8 % en 2010. Des performances dues en grande partie à la compagnie moyen-orientale Emirates, qui a développé son activité fret dans les soutes de ses avions passagers. La compagnie est passée de cinq vols par semaine en 2009 à sept en 2010. « Nous profitons de notre position unique en province. Nice-Côte d’Azur est en effet le seul aéroport hormis Paris qui accueille des lignes intercontinentales », analyse Éric Montariol, responsable fret.
L’aéroport méditerranéen ne dispose pas de réserve foncière et doit donc optimiser en permanence les surfaces existantes. La zone de fret se situant au milieu des deux terminaux passagers, les contraintes sont importantes en matière de trafic des véhicules. Une refonte complète des accès de stationnement est en cours. Nice profite aussi de sa proximité avec l’Italie, distante de seulement quarante kilomètres.
Patrick Capelli
(1) Agent, transitaire ou toute autre entité qui traite avec un exploitant et applique au fret, aux envois par coursiers, aux envois express et à la Poste des contrôles de sûreté acceptés ou exigés par l’autorité compétente.