Après la construction du grand port de Tanger Med et l’implantation de Renault dans cette ville du nord du Maroc, les rumeurs de l’installation de PSA Peugeot Citroën dans ce pays donnent raison à ceux qui pensent que le Maroc parvient progressivement à s’intégrer dans les chaînes de valeur mondiales. C’est tout au moins le cas dans l’automobile, qui constitue, avec l’aéronautique, le principal moteur de la diversification de l’économie locale. Mais là où Renault visait l’exportation, son rival français devrait s’intéresser aux marchés maghrébins.
A l’image de Tanger Med, les grandes infrastructures rendent attractives le nord marocain. Avec l’autoroute Tanger-Casablanca-Marrakech, un projet de ligne à grande vitesse (LGV) reliant le Maroc à l’Algérie et à la Tunisie est sur les rails. Plus avancé que ses voisins maghrébins, le Maroc devrait bénéficier d’un premier tronçon jusqu’à Kenitra dès le premier semestre 2017. La LGV doit ensuite descendre jusqu’à Casablanca et c’est le français Alstom qui a été choisi en 2010 pour livrer les rames pour ce projet de train à grande vitesse (TGV), soutenu par l’État français. Alstom a remporté dans la foulée les contrats des tramways de Rabat-Salé et Casablanca.
Dans le cadre des compensations à réaliser dans le cadre du chantier de TGV, le groupe de transport ferroviaire a constitué Cabliance, une société commune 50/50 avec Nexans pour fabriquer à Fès des faisceaux de câbles et des armoires électriques. « Nous avons neuf sites au Maroc et nous y portons 22 entreprises », indiquait Thi-Mai Tran (notre photo), président d’Alstom Maroc, lors du 2e Forum de partenariat Maroc-France, les 20 et 21 mai à Paris, consacré à la coopération entre ces deux pays à destination de l’Afrique (lire sur la coopération triangulaire notre article « Maroc-France : de nouveaux marchés à conquérir ensemble en Afrique et en Europe ».
Les IDE progressent de 20 % par an depuis 2010
A l’inverse des autres nations méditerranéennes d’Afrique, le Maroc n’a pas connu de printemps arabe. Et, en 2008 et 2009, années de profonde crise mondiale, les investissements directs étrangers (IDE) n’ont cessé d’y affluer. Depuis 2010, les IDE ont cru de 20 % en moyenne annuelle, atteignant ainsi 2,8 milliards d’euros. Ils auraient encore augmenté de 12 % à fin avril de cette année. « Le pays entend attirer plus d’investissements directs étrangers, redevenir un carrefour incontournable entre l’Union européenne et l’Afrique et renforcer des relations économiques avec les pays d’Afrique subsaharienne », note l’assureur crédit export Coface, dans son dernier panorama (mai 2015), intitulé « Maroc : le pari de l’émergence » (voir fichier attaché).
« Jusqu’à présent, l’investissement et la consommation privée ont soutenu la croissance économique. L’investissement public était très important. Et aujourd’hui avec la nouvelle loi sur le partenariat privé-public (PPP), l’État va être un peu soulagé du poids de l’investissement », se félicitait à Paris Ali El Yaacoubi, directeur du Développement des investissements à l’Agence marocaine de développement des investissements (Amdi). Selon Chakib Benmoussa, l’ambassadeur du Maroc en France, « les entreprises françaises dans le transport, l’énergie ou l’assainissement doivent préparer leurs offres en amont avec des financements innovants ». Ce seront « des projets d’intégration locale » pour lesquels « la compensation sera de plus en plus importante », a-t-il aussi prévenu.
En fait, les PPP peuvent intéresser une multitude de secteurs, comme les autoroutes (5 milliards d’euros d’investissements espérés pour passer de 1 800 kilomètres à plus de 3 000 km), les voies ferrées (50 milliards sur 25 ans sont prévus), les ports (Kenitra pour le vrac, Jorf Lasfar pour le gaz, extension des ports existants…) et aéroports (Marrakech, extension des aéroports actuels de Marrakech, Casablanca, Fès…).
Le plus grand parc éolien d’Afrique à Tarfaya
Dans l’énergie, a détaillé Ali El Yaacoubi, il est prévu 42 % d’origine renouvelable à l’horizon 2020, dont 14 % d’hydraulique, 14 % de solaire et 14 % d’éolienne ». Dans le cadre du plan Noor, « le Maroc a prévu l’installation de plusieurs centrales énergétiques d’une capacité globale de 2 000 mégawatts (MW). Nous avons dépassé la moitié et quelque 850 MW d’énergie éolienne vont être bientôt réalisés». Le 8 décembre dernier, le plus grand parc éolien d’Afrique, réalisé par le marocain Nareva et le géant français GDF Suez, devenu depuis Engie, avait été mis en place à Tarfaya (300 MW).
Dans le solaire, 2 000 MW sont également prévus, ce qui permettra d’économiser un million de tonne équivalent pétrole. L’Agence marocaine de l’énergie solaire (Masen) a lancé un appel d’offres pour la construction de trois centrales photovoltaïques d’une capacité globale de 170 MW, alors que la mise en service de la centrale CSP Noor I d’Ouarzazate (160 MW) est prévue en octobre prochain.
Dans le gaz, un plan de 4,6 milliards de dollars est avancé, mais d’autres domaines encore sont visés, selon le responsable de l’Amdi, comme l’éducation, l’enseignement supérieur, le dessalement d’eau, le tourisme et la santé, notamment dans les zones rurales et enclavées.
François Pargny