Le Maroc veut affirmer son identité africaine. Et pour la France et le Royaume chérifien, c’est l’occasion de réinventer leurs relations économiques dans le cadre d’une coopération triangulaire. Tel a été, en substance, le principal message délivré, le 20 mai, par les participants à la conférence d’ouverture du Forum de partenariat Maroc France à Paris. Pour la deuxième édition de cette manifestation, sous l’égide de la CCI Paris Ile-de-France, la Chambre française de commerce et d’industrie du Maroc (CFCIM) et l’agence Maroc Export, quelque 1 200 rendez-vous B to B étaient organisés, les 20 et 21 mai, à la Bourse du Commerce.
« Le Maroc est le deuxième investisseur africain en Afrique, le premier en Afrique de l’Ouest et cent opérateurs français ont déjà compris qu’ils pouvaient se développer sur le continent en utilisant leurs filiales au Maroc », s’est félicité, lors du forum, Sanae Lalouh, directrice des Marchés de Maroc Export. De son côté, la France connaît bien l’ensemble du continent africain.
Ainsi, les premiers fournisseurs du Royaume chérifien sont, à quasi égalité, l’Espagne (4,59 milliards d’euros d’importations marocaines) et la France (4,55 milliards en 2014, d’après les Douanes marocaines). Et l’Hexagone est aussi le premier bailleur de fonds de Rabat et investisseur dans le pays. Selon Jean-Claude Karpeles, vice-président de la CCI Paris Ile-de-France, « 33 des membres du Cac 40 sont présents au Maroc », mais surtout ce sont au total « 750 filiales d’entreprises françaises qui y emploient 80 000 personnes ».
Maroc Export vante son expérience du continent
Pour donner un second souffle à une coopération traditionnelle, voire historique, les opportunités ne manquent pas au sud du Sahara. Par exemple, la mangue en Côte d’Ivoire, qu’il faut conditionner, ou le coton au Burkina Faso, dont 2 % seulement font l’objet d’une transformation : « les coopérations pour créer de la valeur ajoutée sont possibles entre Français et Marocains », assure la dirigeante marocaine. Maroc Export a une certaine expérience à faire valoir, selon elle, d’abord, parce que l’agence a déjà «ouvert l’Afrique à 7 000 entreprises marocaines d’une vingtaine de secteurs dans plus de 20 pays ». Ensuite, l’agence a identifié « des projets structurants dans une quinzaine de pays » où « l’expertise française » serait utile.
« Le bon modèle de coopération me semble être celui de l’implantation de Renault à Tanger », a, pour sa part, mis en avant Mohammed Benayad (notre photo), le secrétaire général du ministère marocain chargé du Commerce extérieur. Après la création du grand port de Tanger Med, qui a réalisé 3 millions de conteneurs en 2014, le constructeur automobile français a décidé de fonder dans cette ville du nord une usine pour exporter, notamment en Europe, créant autour de lui tout un écosystème avec, notamment, des fournisseurs et des équipementiers venus de l’autre côté de la Méditerranée. « Je ne sais pas si c’est le bon modèle, mais il faut y réfléchir, a répété Mohammed Benayad, qui a insisté « sur l’intégration dans la chaîne de valeur mondiale, les possibilités de travailler ensemble et de se positionner ensemble à l’international ».
Le Maroc doit utiliser la France comme plateforme sur l’Europe
D’après la Cnuced (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement), a rappelé Sanae Lalouh, « Tanger Med est le premier port d’Afrique et d’Amérique latine, le 16e dans le monde et dessert 150 ports dans une soixantaine d’Etats, dont 20 destinations en Afrique ».
Pour Jean-Marie Grosbois, qui préside la CFCIM, il ne faut pas hésiter, aller de l’avant. « Bien sûr, la Chambre a l’ambition d’amener des entreprises françaises et marocaines conjointement au sud du Sahara et il est important que des investisseurs français se projettent sur le continent à partir du Maroc. Mais, assure-t-il, il faut aussi que les opérateurs marocains utilisent la plateforme française pour aller en Europe ».
A cet égard, « une solution est la reprise de sociétés françaises », a fait valoir Stéphane Lecoq, directeur Projets Maghreb chez Business France, qui est aussi persuadé qu’en créant ainsi « des bases commerciales et industrielles », les entrepreneurs marocains peuvent « utiliser la France comme plateforme sur l’Europe » et « même la Russie », a-t-il ajouté. Plusieurs sociétés françaises ont ainsi été acquises, comme la société haut-alpine Héli-Challenge par le transporteur d’hélicoptères de Marrakech Héliconia.
Selon lui, d’autres alternatives doivent être encore envisagées : « des sociétés marocaines innovantes peuvent déployer une activité commerciale dans notre pays, complétée par de la recherche et développement », explique-t-il. De même, estime le responsable chez Business France, « des start-up marocaines pourraient apporter leur brique dans des projets de ville durable, comme à Marseille ».
François Pargny