Pour réussir son décollage économique et accélérer, le Maroc devra rapidement relever plusieurs défis majeurs : « former au-dessous du niveau d’ingénieur à des fonctions intermédiaires – sans quoi « les nouveaux moteurs » de l’économie chérifienne, comme l’aéronautique et l’automobile, risquent de s’encalaminer – et « trouver des solutions aux retards de paiement des entreprises qui grandissent », relevait Faïza Hachkar, la responsable du bureau en France de la Chambre française de commerce et d’industrie au Maroc (CFCIM), lors d’un séminaire (*) de la CCI Paris-Ile-de-France sur le Maghreb, le 19 octobre.
1 – Le défi de la formation. « On crée des instituts de formation dans l’aéronautique, l’automobile, on cherche à le faire aussi dans l’agriculture, l’hôtellerie et la restauration », précisait Faïza Hachkar. Mais ce n’est pas suffisant. L’Agence nationale de promotion et de l’emploi des compétences (Anapec) a démontré qu’à l’horizon de 2018 les besoins de recrutement des entreprises s’élèveront à 79 652 personnes
D’après une étude que l’Anapec a réalisée auprès d’un échantillon de 6 453 sociétés du pays, plus de 7 500 cadres et cadres intermédiaires et quelque 35 500 profils qualifiés sans exigence de diplômes en particulier seront nécessaires.
Un contrôle limité pour les travailleurs étrangers
Important : l’Anapec est l’organisme qui délivre l’autorisation pour un salarié étranger de travailler sur place dans le cadre d’un contrat. « Un processus léger, ne consistant qu’à vérifier qu’il n’y a pas de profils disponibles sur le marché national », soulignait à Paris Sylvain Alassaire, conseil juridique en Droit des affaires, basé au Maroc.
2 – Le défi de la pratique des paiements. Quant à la durée entre l’émission de la facture et le paiement définitif, on est loin de la durée légale de 60 jours introduite le premier janvier. Selon Coface, elle serait même montée en flèche, en passant de 82 jours en 2016 à 99 cette année. Dans sa dernière enquête (septembre) sur l’allongement des délais de paiement, l’économiste Sofia Tozy met en avant le ralentissement économique, le manque de liquidités et l’accès au financement pour expliquer un phénomène qui devrait maintenant se stabiliser.
L’assureur crédit export a encore observé que la situation était particulièrement dégradée dans l’automobile : les délais de paiement atteignant 103 jours, soit un niveau plus ou moins équivalent à ceux de la chimie, la distribution-négoce, la construction-BTP et des TIC ; et les retards de paiement y étant les plus élevés, avec une durée de 104 jours, derrière le textile-habillement, avec 111 jours.
3 – La réforme du contrôle des changes. Rabat a entamé une réforme des changes, l’objectif final étant de passer du dirham fixe au dirham flexible avant de décider de la convertibilité totale de la monnaie. De quoi permettre à la valeur de la devise de refléter les fondamentaux du pays et d’attirer les investisseurs étrangers pour financer sa croissance, attendue à 4 % en 2017 et 2018.
Convertibilité du dirham, une révolution encore à venir
A l’instar du reste du Maghreb, le Maroc reste et restera encore longtemps un pays low cost qui sert de base arrière à de nombreux pays, comme la Chine, qui est devenue un partenaire économique de premier plan, derrière l’Espagne et la France (d’après la base de données GTA (groupe IHS), de janvier à juillet 2017, le Royaume chérifien avait importé pour plus de deux milliards d’euros de biens de Chine, près de 2,7 milliards de France et 3,85 milliards d’Espagne). Il est donc essentiel pour le Maroc que sa monnaie ne soit pas surévaluée.
La fin du contrôle des changes est, au demeurant, indispensable à un pays de plus en plus intégré à la chaîne de production mondiale, notamment dans l’automobile et l’aéronautique, mais aussi ambitionnant de jouer un rôle de hub africain et de carrefour des échanges avec les continents européen et américain.
Or, dès l’annonce du lancement imminent du projet d’assouplissement monétaire, les banques de la place dans leur ensemble ont commencé par se couvrir. La Banque centrale a dénoncé la spéculation à laquelle elles se seraient livrées, et qui n’aurait pu être enrayé qu’en puisant dans les réserves de change, et le projet de convertibilité a été ajourné.
Pour autant, le projet est-il totalement enterré ? Caressé de longue date et annoncé comme une révolution, il peut être mis en place de façon graduelle, selon l’agence Fitch, qui en est un fervent défenseur. Des bandes relativement étroites de fluctuation, au moins au départ, seraient sans danger réel pour l’économie du Royaume.
François Pargny
(*) lire, à cet égard, l’article du Moci : Maroc / Investissement : partenaire au carrefour de l’Europe et de l’Afrique
Pour prolonger :
Maroc / Afrique : la lutte contre la pauvreté nouveau thème de la stratégie africaine du Royaume
Maroc / Afrique : au forum de Casablanca, la promotion d’un partenariat sud-sud et « gagnant-gagnant »
Maroc / Export : ce qu’il faut savoir du partenariat gagnant-gagnant de Renault
Maroc / Afrique : « Avec les banques françaises, il n’y a pas de défiance… », selon Boubker Jai (Attijariwafa Bank)
Salons / Aviculture : comment le Maroc renforce son empreinte en Afrique et au Moyen-Orient
Lire aussi :
Dossier Spécial maritime (+ dossier Maroc, concurrent et partenaire de la France en Afrique)