Présenté à juste titre par CMA-CGM comme un « événement unique dans l’industrie maritime américaine » l’amarrage, pour la première fois, d’un porte conteneur de 18000 EVP dans un port américain le 22 février a été fêté comme il se doit, au port californien de Long Beach où il venait d’accoster, par une cérémonie en grande pompe en présence des hauts dirigeants de la compagnie dont sont président Jacques Saadé et quelque 600 invités américains.
Le géant des mers s’appelle le Benjamin Franklin, d’une capacité de 18000 EVP, d’une longueur de 399 m et d’une hauteur de près de 60 m. A travers le choix du nom de l’ancien ambassadeur des Etats-Unis en France, très francophile co-auteur de la Constitution américaine, le président de CMA CGM aurait ainsi voulu honorer symboliquement l’amitié franco-américaine tout en faisant un clin d’oeil à un pays où, alors en stage dans les années 60, il aurait découvert le conteneur, cette boite métallique inventée en 1954 par l’américain Malcom McLean qui allait révolutionner le transport maritime. « C’est le plus grand porte-conteneurs ayant jamais escalé aux Etats-Unis», s’est réjoui la compagnie française, troisième armateur au monde, dans un communiqué.
Mais l’événement marque surtout la volonté de faire avancer une stratégie de renforcement dans cette zone.
Se renforcer aux Etats-Unis
Dans son discours , Jacques Saadé a ainsi annoncé son « intention de se renforcer sur les Etats Unis en développant le transport maritime de marchandises entre ce pays, l’Asie et l’Europe ». De fait, l’escale de Long Beach fait partie d’une série de quatre « escales-test » décidées par Jacques Saadé pour préparer les ports américains à accueillir des navires de plus en plus grands : Los Angeles et Oakland (baie de San francisco), où le Benjamin Franklin a déjà fait escale ces derniers mois, et Seattle, prochaine escale après Long Beach avant de rejoindre la Chine.
L’armateur français est en effet convaincu que « l’avenir des ports américains réside dans l’accueil de tel navire », dans un pays qui commence à souffrir du manque d’investissements dans ses infrastructures. Le Français a décidé de prendre quelques longueurs d’avance en jouant les pionniers. C’est ainsi qu’il a travaillé « en amont avec l’ensemble des acteurs portuaires – dockers, pilotes portuaires, sociétés intermodales, autorités portuaires, mairies etc. – pour permettre aux terminaux d’accueillir ces navires, avec des niveaux de performance optimisés, sans créer de congestion ».
Présent sur le marché américain depuis les années 60, CMA CGM y compte près de 1000 collaborateurs, assurant 23 services maritimes hebdomadaires à partir de 14 ports américains. Alors que les Etats-Unis viennent de signer un vaste accord de libre échange avec 11 pays d’Asie à travers le Partenbariat Transpacifique (TPP, Transpacific Partnership), les dirigeants de l’armateur français font le pari stratégique de l’essor du trafic Asie-Etats-Unis.
Selon Rodolphe Saadé, fils de Jacques et vice-président du groupe, cité par Les Echos (22/02/2016), « le commerce entre les deux zones connaît une croissance de 3 à 5 % par an, contre 1 à 2 % entre l’Asie et l’Europe ». C’est le sens qu’il faut donner à l’OPA que le groupe a lancé en décembre 2015sur l’armateur singapourien NOL, dont la marque américaine est American President Lines (APL), OPA que le groupe espère finaliser durant l’été 2016. Selon Les Echos, elle permettrait au groupe français de passer du troisième au premier rang aux Etats-Unis, devant Maersk et MSC.
C.G