Le Salon international de la filière fruits et légumes de l’Euro-Méditerranée, le Medfel, tombe à point nommé pour évaluer l’impact des crises politiques et sociales qui ont touché la Tunisie et le Maroc, notamment, sur les stratégies d’approvisionnement des importateurs européens. Dans l’ensemble, la situation se stabilise.
La Tunisie sera le pays invité d’honneur du Medfel, le salon international de la filère fruits et légumes de l’Euro-Méditerranée, du 4 au 6 mai 2011, après le Maroc en 2009. Le choix d’inviter ce pays à Perpignan s’est fait avant la « révolution du jasmin ». Et si le Medfel a craint que la participation de la Tunisie en soit compromise, les doutes se sont rapidement dissipés. « Nous sommes encore plus heureux qu’elle ait accepté l’invitation malgré ces évènements, et que de nombreuses entreprises aient répondu à l’appel », a confié lors d’une conférence de presse Fabrice Verdier, vice-président de la région Languedoc-Roussillon en charge de l’Agriculture. Celui-ci a cependant regretté « la présence faible de l’Égypte », important producteur de fraises, qui a été plus sévèrement perturbée par le renversement du régime de Hosni Moubarak.
Selon Sofiane Meddeb, directeur général du GIF (Groupement interprofessionnel des fruits en Tunisie), la situation s’est vite rétablie en Tunisie et les retards de livraison, les problèmes de grèves dans les ports ont surtout affecté les agrumes. C’est le cas pour l’orange maltaise, destinée à plus de 90 % à la France, dont la production a débuté début janvier, au point culminant des mouvements sociaux. Le pays espère rattraper son retard et mise notamment sur les dattes (18 % de ses exportations). La société française Melba, productrice de pêches et de nectarines, ne compte pas pour sa part changer de localisation. Installée dans la région de Sidi Bouzid depuis 2007, elle y exploite un verger de 50 hectares, en coopération avec un opérateur tunisien. Malgré que Sidi Bouzid a été le lieu de départ de la révolution du jasmin, l’entreprise n’a pas été touchée par les évènements car la production s’étend d’avril à mai, selon le président de Melba, Jean-Pierre Bails.
La même sérénité prévaut pour le Maroc. Comme le souligne Jean-Philippe Darées, directeur commercial de Marquillanes, entreprise basée à Perpignan et spécialisée dans l’import-export de fruits et légumes (Maroc et aussi Espagne) : « J’y vais régulièrement. On ne sent pas les Marocains aussi “remontés” que les Tunisiens. Il n’y a pas eu de véritable révolte. Les manifestations se sont faites dans le calme. Bien sûr, il y a toujours une crainte, mais nous avons vite été rassurés. Les Marocains sont fiers de leur roi, qui a d’ailleurs vite réagi pour calmer la pression. Nous n’avons donc rien changé à nos achats qui se font tous à Agadir. »
Un sentiment partagé par Gérard Fabre, gérant de Top Fruits, importateur et exportateur de fruits et légumes en provenance d’Espagne, du Maroc et de Tunisie, pour qui le royaume est un pays « assez stable ». Son entreprise n’a subi aucune rupture d’approvisionnement pendant les manifestations. « Nous ne sommes pas inquiets, le roi n’est pas un dictateur. » Néanmoins, il concède que le pays représente 40 % de ses activités, et que la prudence nécessiterait de ne pas être trop dépendant d’une origine. « Il ne faut pas s’endormir sur ses lauriers quand cela marche bien… » Et d’ajouter : « À Marseille, mon cousin qui s’occupe de l’importation de produits tunisiens (dattes et oranges) n’a rien pu faire pendant dix jours, c’était l’arrêt total. » Et la grève des dockers du port de Marseille n’a rien arrangé. De quoi au moins engager la réflexion….
Alix Cauchoix