Face aux désordres économiques provoqués par la pandémie de Covid-19, le gouvernement du Brésil a décidé des mesures de facilitation du travail en entreprise (télétravail, congés payés…) et adopté un plan d’aides de 200,8 milliards de réals (Md BRL), soit environ 31 Md EUR*, répartis en quatre blocs :
–11,8 Md BRL pour combattre l´épidémie, dont 4,5 Md injectés dans le système de santé publique (SUS) ;
–51 Md BRL pour préserver l´emploi et compenser les réductions de salaires ou les suspensions de contrats de travail, mesure qui s´apparente au chômage partiel ;
– 40 Md BRL sous forme de crédit à taux bonifiés pour aider les PME ; et
– 98 Md BRL (± 15,5 Md EUR) sous forme d´aide d´urgence « auxilio emergencia » aux travailleurs informels affectés par la crise.
Le président Jair Bolsonaro a signé les différents décrets entre le 22 mars et le 24 avril. Pour comprendre la stratégie anti-Covid de l’État brésilien, Le Moci a fait appel à l’expertise du bureau au Brésil de la société d’accompagnement à l’international (SAI) Altios.
1/ Le contexte
Opposé au confinement, Jair Bolsonaro a été fortement critiqué dans son pays parce qu’il avait qualifié de « grippette » la Covid-19 à un moment où son pays était peu touché. Quoi qu’il en soit, son très libéral ministre de l’Économie, Paulo Guedes, n’a pas attendu la montée en puissance de la maladie pour proposer une série de mesures, acceptées par le Parlement et le président.
Peuplé de 210 millions d’habitants, le Brésil est entré dans le tunnel, avec 150 000 cas recensés, d’après des sources officielles, le 8 mai. « Le pic est attendu à la mi-juin et l’économie ne repartira vraisemblablement pas avant deux mois », estime Didier Koch, directeur général d’Altios Brésil. Les capacités de transport international sont sous tension et l’État a aussi décidé de faciliter l’import de produits liés au Covid-19.
S’agissant des mesures d’aides, trois remarques préliminaires sont indispensables :
-Les entreprises étrangères bénéficient aussi des avantages proposés, sauf évidemment dans les secteurs qui leur sont déjà interdits (armement, traitement de l’eau…)
-Le régime fiscal est très avantageux pour les PME de moins de 4,8 M BRL de chiffre d’affaires (800 000 EUR)
-Les décrets présidentiels sont, de par la Constitution, des « mesures provisoires (MP) ». Au Brésil, le Supremo Tribunal Federal, à la fois Conseil constitutionnel et Cour de cassation, n’intervient pas avant le vote des lois, mais à posteriori. Ce qui s’est passé pour une des MP, le gouvernement ayant été obligé de revoir sa copie. A noter, à cet égard, que le Supremo Tribunal Federal n’est pas obligé de se saisir immédiatement d’une loi. Indépendant, il est libre de s’auto-saisir quand il veut et n’est pas tenu par la jurisprudence, ce qui génère une forte instabilité juridique. D’où l’expression de « mesures provisoires » pour qualifier les décrets présidentiels.
2/ Les mesures provisoires (MP)
2.1 La MP 927 du 22 mars
-Adoption du télétravail sans modification nécessaire du contrat de travail, ce qui n’était pas possible auparavant. Un simple envoi d´un e-mail aux collaborateurs suffit désormais.
– Anticipation possible des congés payés, ce qui était jusqu’alors interdit par la loi, et report du règlement des primes de congés payés (1 300 EUR par employé), normalement dues quand les congés sont pris, à décembre 2020. Là aussi, un simple courriel suffit. C’est une mesure particulièrement populaire. Dans cette période dite de « calamité », son application aboutit même à ce que certains employés se retrouvent avec un compteur de congés négatif.
– Report de règlement de certaines charges sociales patronales « FGTS » au troisième trimestre 2020 (les charges patronales représentent 36 % des salaires bruts). Un calendrier sera mis en place à partir de juin ou en fin d’année. L’expert comptable de l’entreprise peut demander à ce que l’entreprise paie en six mois.
2.2 La MP 936 du 1er avril
– Chômage partiel possible pendant 90 jours maximum ou chômage total possible pendant 60 jours maximum.
Important : le décret ne prévoyait pas l’intervention des syndicats. Or, la Constitution interdisant toute baisse de salaire, sauf en cas d’accord collectif impliquant les syndicats, « le Supremo Tribunal Federal a une semaine plus tard exigé que ces mesures soient autorisées par les syndicats », souligne Didier Koch. Les compagnies aériennes se disent ouvertes, mais, pour l’heure, cette mesure reste à mettre en œuvre, nombre de syndicats n’ayant pas encore répondu aux demandes et surtout nombre d’entreprises ayant mis leurs collaborateurs en congé. En principe, les syndicats ont l’obligation de répondre à la demande des employeurs dans les dix jours. Toutefois, la formule n’est pas si souple qu’il y paraît, si l’on considère que l’indemnité versée est plafonnée à 1 815 BRL. Clairement, ce sont les petits salaires qui sont visés au détriment des rémunérations des cadres et encore plus des hauts salaires.
Les formalités doivent être obligatoirement accomplies par les experts-comptables, via le portail portal.esocial.gov.br. « eSocial est une plateforme permettant à l´expert comptable de communiquer toutes les informations relatives aux travailleurs et salariés de ses clients en matière d’embauche, de licenciement ou de chômage partiel », précise François-Xavier Davalo, chargé de l’accélération des entreprises à l’international chez Altios Brésil.
– Report du règlement des taxes de type TVA : PIS et COFINS. Un calendrier doit être établi en juin, au plus tard à la fin de l’année. Il sera possible de payer en six fois.
2.3 La MP 944 du 3 avril
-Mise en place de lignes de crédits (au taux bonifié de 3,75 %/an) de 40 Md BRL pour financer pendant deux mois la paie des PME au chiffre d’affaires entre 360 000 et 10 M BRL. Plafonnés à deux SMIC par salarié (soit 2 090 BRL au total, le SMIC étant de 1 045 BRL par mois), 12 millions de travailleurs et 1,4 million de PME devraient en bénéficier. Il faut s’adresser à sa banque.
2.4 La MP 956 du 24 avril
Mise en place d’une aide d´urgence de 600 à 1 200 BRL pour les travailleurs informels pendant au moins trois mois. Quelque 54 millions de Brésiliens devraient bénéficier de cette aide versée par les caisses d’épargne Caixa Economica Federal. Les formalités sont réduites au minimum.
*Taux de change au 19 mai 2020 : 1 BRL = 0,15 EUR; 1 EUR = 6,26 BRL
Pour plus d’informations :
Contact : [email protected]