Christian Eckert est un homme prudent : « Les chiffres sont en hausse, mais il faut que l’ensemble des acteurs s’approprie la nouvelle procédure », a déclaré le secrétaire d’État au Budget en réponse à une question de la Lettre confidentielle demandant s’il confirmait une prochaine extension du régime de l’ autoliquidation de la TVA à l’importation au bénéfice des entreprises détentrices du statut d’Opérateur économique agréé (OEA). Dans sa présentation du plan « Dédouanez-vous en France », lors de la journée qui lui était consacrée le 22 septembre à Bercy*, le secrétaire d’État au Budget s’était contenté d’indiquer qu’il avait demandé à la Douane, dans le cadre de ce plan, de permettre à davantage « d’entreprises de confiance » de bénéficier de ce régime.
Le nombre d’entreprises ayant adopté ce nouveau système depuis son entrée en vigueur début 2015 serait actuellement de l’ordre de quelques centaines. Mais il ne s’applique pour l’instant qu’à une seule catégorie d’entreprise : celle bénéficiant déjà d’une procédure de domiciliation unique communautaire (PDUC), qui permet de faire toute ses opérations de dédouanement auprès d’un seul bureau de douane, un régime réservé à des opérateurs ayant été audités par les services douaniers. Le secrétaire d’État, qui souhaiterait d’abord « évaluer » le fonctionnement de la nouvelle procédure avant de songer à l’étendre, a, toutefois, confirmé à la LC et aux journalistes présents que sa « généralisation aux OEA était à l’étude », ajoutant : « On évoque le milieu de l’année 2016 ».
Pourquoi ce sujet est-il très important pour les entreprises et, au-delà, pour la compétitivité de la plateforme logistique française ? Parce que la pratique française, jusqu’à présent, privilégiait un autre régime de liquidation de la TVA. Il consiste, pour simplifier, à payer d’avance la TVA à la Douane au moment de l’entrée de la marchandise, et à se faire rembourser ensuite par l’administration, ce qui pèse sur la trésorerie des opérateurs. La réforme introduite le 1er janvier 2015, suite à une décision du Conseil stratégique de l’attractivité de février 2014, fait suite à trente ans de débats entre les opérateurs économiques et l’administration… Introduite pour une certaine catégorie d’entreprises offrant toutes les garanties de fiabilité à la Douane, les titulaires d’un PDUC, elle suscite à présent l’intérêt d’autres catégories d’entreprises ayant satisfait à tout un processus d’audit, les OEA, sans qu’ils aient jusqu’à présent eu beaucoup de facilités ou d’avantages en retour.
Invitée à témoigner lors de la matinée du 22 septembre, Gwénola Bannier, directrice des douanes du groupe très exportateur Yves Rocher, l’a confirmé en déclarant : « J’aimerais que le CDU rende possible une extension de facilités telles que l’ autoliquidation de la TVA ». Son groupe, très exportateur de produits en majorité conçus et fabriqués dans ses sites de production français, est concerné parce qu’il importe beaucoup d’Asie les cadeaux offerts à sa clientèle. Alors qu’il a été le premier groupe cosmétique français à obtenir le statut d’OEA, il n’est pas bénéficiaire du précieux PDUC.
C’est même un enjeu d’attractivité pour certain, à l’instar d’Hervé Martel, le président du directoire d’Haropa Port du Havre : « L’autoliquidation de la TVA est un des critères qui poussent certains chargeurs à choisir le port d’Anvers », a-t-il notamment déclaré le 22 septembre, appelant à une généralisation à terme de ce régime à « l’ensemble des entreprises » et, en attendant, à « proposer l’autoliquidation aux OEA ». Car si, selon lui, de nombreuses entreprises détentrices d’un PDU l’ont adopté depuis le début de l’année -entre 300 et 400 selon lui-, toutes, a-t-il remarqué, étaient déjà installées en France et ne faisaient donc pas partie de celles qui ont délocalisé leur dédouanement sous des cieux fiscaux plus cléments.
La décision de généraliser ou non, et à quelle catégorie d’entreprises, relève donc à présent des responsables politiques.
Christine Gilguy
*Lire dans la Lettre confidentielle : Logistique/Douane : le plan d’action de Christian Eckert pour booster la compétitivité française