Les chargeurs incitent de plus en plus leurs transporteurs à équiper leurs moyens de transport de carburants propres pour réduire leur empreinte carbone. Illustration avec Florence Ughetto de Renault, qui montre la réelle prise de conscience de l’importance du développement durable par les entreprises et qui livre son témoignage en exclusivité dans le dernier Guide logistique & transport à l’international du Moci*.
Le Moci – Quelle est la politique de Renault en matière de supply chain durable ?
Florence Ughetto. Signataire de l’accord de Paris, Renault s’est engagé à atteindre la neutralité carbone en 2050. Dans ce cadre, notre direction Supply chain a pris l’engagement de réduire de 30 % son empreinte carbone par véhicule entre 2019 et 2030, avec une première étape de baisse de 6 % des émissions de CO2 pour notre logistique mondiale de véhicules et de pièces détachées sur 2016-2022. A fin 2020, nous les avons déjà diminués de 7,3 %.
Le Moci – Comment comptez-vous atteindre votre objectif 2030 ?
Florence Ughetto. Pour y parvenir, nous actionnons quatre leviers. Il s’agit de favoriser le mix énergétique des moyens de transport de nos prestataires routiers et maritimes en recourant aux carburants alternatifs au diesel. Mais aussi de pousser le report modal de nos transports vers le ferroviaire, de stimuler l’innovation opérationnelle pour diminuer le nombre de kilomètres parcourus en s’appuyant notamment sur des fournisseurs locaux dans chaque pays et d’optimiser le remplissage des camions, des conteneurs et des emballages.
Le Moci – Avez-vous déjà quelques résultats chiffrés ?
Florence Ughetto. Oui, la massification du chargement des camions en Europe centrale élargie à la Roumanie, à la Turquie et au Maroc, a éliminé
41 400 camions sur la route.
Le report modal vers le train et le ferry pour des flux entre la France, l’Espagne, le Royaume-Uni, la Roumanie, la Turquie, le Maroc et la Russie, a permis d’éviter l’utilisation d’environ 87 200 camions. Pour le transport et la distribution des véhicules neufs, le report vers le train entre France, Espagne, Roumanie, Maroc a supprimé de plus de 23 000 camions.
Le Moci – Sur quelles technologies de transport routier décarboné mise Renault ?
Florence Ughetto. Le transport routier de nos véhicules et pièces détachées représente un véritable défi environnemental lorsqu’on sait qu’il constitue 48 % de nos flux logistique et 76 % des émissions de CO2.
Le marché du transport routier offre aujourd’hui la motorisation au biogaz des camions, une technologie que nous souhaitons favoriser auprès de nos prestataires pour la déployer à terme sur nos transports européens. On a signé à cet effet un premier contrat avec le groupe Breger pour le transport au biogaz de pièces détachées entre notre usine de Sandouville et un site de Faurecia en Bretagne.
Renault est également signataire de la charte Fret 21, qui impose une méthodologie de suivi de réduction de CO2 élaborée par l’Ademe. On s’est d’ailleurs réengagé dans le programme EVE de l’Ademe pour réduire nos émissions de CO2 de 50 000 tonnes entre 2020 et 2022.
Renault intègre la notion de développement durable
dans ses audits de transporteurs
Le Moci – Comment cela se traduit-il dans votre relation avec les transporteurs routiers ?
Florence Ughetto. Pour nos achats de transport routier en Europe, nous demandons systématiquement dans nos appels d’offre aux candidats de chiffrer leur solution avec des moyens classiques et avec des moyens de transport plus propres.
En règle générale, nous sélectionnons des transporteurs qui ont déjà investi dans des véhicules écologiques. Sinon, nous leur demandons de s’engager à réduire leur empreinte carbone. On intègre également la notion de développement durable dans nos audits de transporteurs.
Le Moci – Et auprès des compagnies maritimes ?
Florence Ughetto. Sur le transport maritime, qui représente 50 % de nos flux logistiques mondiaux et 33 % de nos émissions de CO2, nous soumettons aux compagnies un questionnaire de développement durable, préalable à nos appels d’offres, qui nous permet de récupérer des informations sur leur empreinte carbone et d’évaluer ainsi chaque ligne maritime, conformément à la règlementation de l’Organisation maritime mondiale.
Ce critère écologique a la même importance dans le devis final que le coût du transport, la qualité de service et l’efficacité opérationnelle. On a d’abord mis en place cette approche « durable » sur le transport maritime roulier de véhicules que nous déployons désormais pour nos flux de pièces détachées.
Le Moci – Comment les incitez-vous à rendre leurs moyens plus propres, malgré le coût important que cela représente ?
Florence Ughetto. On allonge la durée de nos contrats qui passent à 3 ans à 5 ans que ce soit dans le transport routier et maritime, de façon à leur permettre d’investir dans des énergies plus propres.
Renault accompagne d’ailleurs les innovations des compagnies maritimes dans le domaine. On a saisi l’opportunité de transporter nos véhicules sur les nouveaux navires Eco Valencia hybrides à propulsion électrique et au fuel de l’armateur italien Grimaldi. L’objectif est de réduire de 39 % les émissions de CO2 et d’économiser 600 tonnes de CO2 par an sur cette ligne Espagne-Italie qui achemine chaque année 35 000 véhicules.
Renault est également partenaire depuis 2018 de la startup Neoline, concepteur et opérateur de navires rouliers à voile. Ce projet prévoit la mise en service de deux cargos à propulsion éolienne en 2023 sur une ligne pilote entre Saint-Nazaire et la côte Est des États-Unis. La propulsion vélique, qui réduit de 90 % d’émissions de CO2, est la solution d’avenir.
Propos recueillis
par Bruno Mouly
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