Le plan d’action dévoilé le 16 septembre par le Premier ministre Edouard Philippe vise à faire de la France un « carrefour logistique stratégique » en Europe, contribuant pleinement à la « compétitivité du tissu productif français ». Il s’inspire largement des recommandations du rapport d’Eric Hémar et de Patrick Daher, deux patrons de champions de la logistique française (respectivement ID Logistique et Daher Group),
Un premier jalon avait été posé avec l’initiative France Logistique 2025 lancé en 2016 sous la présidence Hollande. Une nouvelle étape plus concrète est franchie. Longtemps négligée dans les stratégies des pouvoirs publics visant à améliorer la compétitivité de l’économie française, la logistique est désormais traitée comme un domaine clé, intégré dans le Pacte productif 2025 initié par le Président de la République, avec une approche globale de filière intégrant toutes ses composantes et tous ses acteurs : c’est une grande nouveauté.
La France possède pas moins de 4 portes d’entrées internationales de premier plan au cœur de l’Europe avec les ports du Havre, de Marseille et de Dunkerque et l’aéroport international de Roissy. En tant que tel, ce secteur pèse 10 % du PIB français et 1,8 millions d’emplois. Pourtant, avec son 16ème rang, l’Hexagone n’est même pas dans le top 10 des pays les plus performants sur le plan logistique du classement Doing Business de la Banque mondiale 2018, où figurent pas moins de huit pays européens (Allemagne, Suède, Belgique, Autriche, Pays-Bas, Danemark, Royaume-Uni, Finlande).
Combler le retard et prendre des mesures concrètes
Intitulé « Pour une chaîne logistique plus compétitive au service des entreprises et du développement durable »*, le rapport des deux logisticiens fait suite à une mission commandée par le gouvernement en janvier 2019 dans le cadre des contrats de filière. L’objectif était d’estimer les écarts de compétitivité à combler avec les pays voisins européens et d’élaborer un plan d’action opérationnel, avec des recommandations concrètes applicables à court terme. C’est chose faite.
Le plan d’action dévoilé par Edouard Philippe le 16 septembre, lors d’une visite des installations d’ID Logistics à Aulnay-sous-Bois, comporte une partie sur la gouvernance d’ensemble de la stratégie de cette filière au niveau national et six mesures concrètes directement reprises du rapport Hémar-Daher.
France logistique et « task force » public-privé
Sur le plan de la gouvernance d’ensemble, une nouvelle organisation visant à mieux coordonner la filière sur le plan national est mise en place avec deux volets :
-La création d’une nouvelle plateforme dénommée France logistique, réunissant tous les acteurs (association de prestataires, chargeurs…) et devenant la « voix unifiée » du secteur privé vis-à-vis des pouvoirs publics. Sa constitution, avec un « statut ad hoc », est annoncée pour la « rentrée 2019 » ;
– La constitution d’une « task force » logistique entre l’Etat et ses partenaires destinée à mobiliser l’ensemble des acteurs concernés (administrations, entreprises, filières, territoires) sur un plan d’actions. Décisions et actions s’inscriront dans le calendrier du Pacte productif 2025 et intègreront les besoins des territoires, notamment en lien avec le programme ‘Territoires d’industrie’. Un comité interministériel de la logistique pilotera le plan d’actions et se réunira une fois par an pour en faire le bilan et décider de nouvelles initiatives.
Simplifications administratives et fiscales, effort sur la formation
Les six mesures concrètes comportent des mesures de simplification administratives et fiscales ainsi que dans le domaine de la formation.
-Mesure n°1 : Un point de contact unique aux frontières.
C’est un vieux serpent de mer mais il va peut-être trouver enfin à se poser à la surface de l’eau. La Douane se voit confier officiellement la mise en place de ce point de contact unique pour « l’ensemble des formalités aux frontières », qu’elles soient physiques ou numériques, qu’elles relèvent de la douane ou des services vétérinaires et phytosanitaires. La Douane sera également chargée de veiller à la bonne coordination des contrôles officiels afin de « fluidifier au maximum la chaîne logistique ».
Les ports du Havre et de Dunkerque expérimenteront ce nouveau dispositif dès 2020 avant une généralisation en 2021.
A noter qu’au plan technique, des jalons ont déjà été posés avec le fameux guichet unique numérique « GUN », qui vise à centraliser sur un seul point d’entrée numérique les formalités administratives aux frontières relevant de différentes administrations.
-Mesure n° 2 : La simplification des implantations logistiques
Les procédures d’implantation des entrepôts logistiques vont être « ajustées » afin d’en « simplifier le cadre réglementaire ».
Est notamment annoncé un nouvel élargissement du champ d’enregistrement -déjà simplifié en 2017- aux surfaces allant de 300 000 à 900 000 m3 pour les entrepôts de moins de 40 000 m2 de surface ainsi que l’alignement du régime de certains entrepôts spécialisés (hors Seveso et poussières de bois) sur celui des installations généralistes.
D’autres simplifications procédurales transverses sont également en chantier via un décret en cours d’examen au conseil d’Etat.
Mesure n°3 : une plateforme numérique ouverte à tous les acteurs
Le gouvernement soutient ce projet qui vise à répondre « aux nombreux cas d’usage liés à la maîtrise des données logistiques ». Cette plateforme vise à « mettre en réseau l’ensemble de l’écosystème » et à « répondre aux besoins existants non satisfaits en mettant à disposition de nouveaux services à valeur ajoutée ». Exemple de ce type de services : recherche de fournisseurs, évaluation de la performance de la chaîne logistique, etc.
Est annoncée la constitution d’une « équipe projet » au cours de la rentrée 2019, sous coordination de la « task force logistique », pour un objectif de mise en place « dans le courant de l’année 2020 ».
Mesure n° 4 : un benchmark européen sur la réglementation
Sont particulièrement visées les réglementations relatives au droit du travail (temps de conduite et temps de repos) dans le transport routier.
C’est le ministre des Transport qui devra effectuer cette étude au cours du premier semestre 2020. Elle visera à « apporter des éléments objectifs sur l’opportunité ou non d’harmoniser les conditions d’exploitation du transport routier en Europe et de faire évoluer les règles en la matière dans le respect des prérogatives des partenaires sociaux ».
Mesure n°5 : une réforme de la fiscalité des locaux industriels
Les enjeux du secteur logistique seront pris en compte dans cette réforme. Il s’agit de mieux définir ce qu’est un local industriel par rapport à un local logistique, le premier étant davantage imposé que le second pour les impôts locaux.
Plusieurs mesures sont d’ores et déjà prévues dans le projet de loi de finances pour 2019 (voir le détail dans le document attaché à cet article). Un rapport sera remis au Parlement le 1er avril 2020 et une réforme de la fiscalité des locaux industriels sera menée.
Mesure n°6 : l’accompagnement des transformations de l’emploi et des compétences
Un plan d’action opérationnel dans ce domaine est en cours de mise en œuvre pour la période 2019-2021. Il couvre l’offre de certification et de formation, les outils de recrutement et les parcours de formation (voir le détail dans le document attaché à cet article).
Il s’inscrit dans le cadre de l’accord EDEC (Engagement de développement des emplois et des compétences) pour la filière transport-logistique conclu fin 2018 entre le ministère du Travail et sept branches (transports routiers et services auxiliaires) couvrant 35 000 entreprises et 794 000 salariés des transports par routes et voies navigables (maritimes et fluviales).
Les travaux doivent se dérouler sur une période allant de l’automne 2019 au printemps 2020.
La filière logistique a donc sa feuille de route. A suivre…
Christine Gilguy
*Voir le dossier de presse dans le document Pdf attaché à cet article