Le Moci. Comment s’annonce 2011 pour le prestataire logistique de taille moyenne que vous êtes ?
Joël Glusman. Pour notre filiale Qualitair & Sea, 2010 n’a pas été une mauvaise année et nous avons enregistré un bon premier trimestre 2011, particulièrement sur nos axes privilégiés tels que le Brésil, le Moyen-Orient, l’Asie ou les États-Unis. Par contre, pour Setcargo, dont la majorité des trafics est concentrée sur les Dom-Tom, l’activité a été moins soutenue en raison notamment d’une baisse de la consommation intérieure.
Le Moci. Que pèsent les Dom-Tom au sein de votre filiale Setcargo ?
Joël Glusman. Répartis de façon équilibrée entre le maritime et l’aérien, nous réalisons environ 90 % du chiffre d’affaires de cette filiale vers les Dom-Tom. C’est pourquoi, dans une volonté de développement, nous avons décidé d’orienter la stratégie de Setcargo vers l’ensemble des pays d’influence francophone.
Le Moci. Etes-vous inquiets pour la destination Dom-Tom ?
Joël Glusman. En ce qui concerne les Dom-Tom, il est vrai que ces derniers mois, plusieurs de nos clients ont été affectés par des difficultés de trésorerie entraînant parfois des dépôts de bilan, une baisse de notre chiffre d’affaires et augmentant ainsi notre risque. Ces difficultés conjoncturelles ont été aggravées par de nombreux jours de grève qui ont affecté une grande partie de l’économie de nos départements ou territoires d’outre-mer.
Malgré cette situation économique difficile dans les Antilles ou l’océan Indien, nous sommes convaincus de notre capacité à maintenir notre position d’acteur majeur sur ces destinations, et notre stratégie de diversification vers les pays du Maghreb nous permet aussi de ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier.
Le Moci. Pensez-vous quitter les Dom-Tom ?
Joël Glusman. Absolument pas ! Même si cela n’est pas considéré comme tel dans les statistiques du commerce extérieur, le cumul des tonnages vers ces destinations représente la première destination export depuis la France et nous souhaitons y renforcer notre présence.
Le Moci. Où sont les autres perspectives majeures de croissance ?
Joël Glusman. Il y a quatre ans à peine, nous avons développé au Brésil une joint-venture. Depuis, cette destination est devenue notre premier axe de développement aussi bien à l’export qu’à l’import, en aérien et en maritime. Nous servons plus particulièrement les industries aéronautique, automobile, pharmaceutique et cosmétique.
En ce qui concerne le Maghreb, notre filiale Setcargo de Casablanca, au Maroc, a bénéficié d’un effet important de synergies avec l’ensemble du réseau International de Qualitair & Sea. Nous renforçons notre présence dans ce pays en ouvrant dès janvier prochain une implantation à Tanger de notre filiale Alis International.
Le Moci. Pour quels clients ?
Joël Glusman. Depuis plusieurs années, nous accompagnons le groupe Renault dans son besoin en ingénierie douanière. Alis Maroc prendra en charge à partir de juillet prochain et pour une durée de trois ans l’ensemble des opérations douanières de la nouvelle usine de Renault Maroc et d’un grand nombre de leur sous-traitants.
Le Moci. Et en dehors du Maroc, avez-vous d’autres projets dans cette région ?
Joël Glusman. Oui, nous sommes en cours de création de notre filiale algérienne, à Alger dans un premier temps puis, très rapidement, à Hassi Messaoud, pour servir notre clientèle du secteur pétrolier.
Le Moci. Quelles sont, pour vous, les conséquences du tremblement de terre au Japon ?
Joël Glusman. Le Japon est depuis plus de dix ans l’un des premiers axes d’activité de notre filiale Qualitair & Sea. Bien sûr nous subissons un ralentissement très important. Nos activités avec ce pays sont pénalisées par les perturbations et les arrêts sur la supply chain automobile. Nous sommes spécialisés à la fois dans la logistique de l’industrie automobile et dans les expéditions en « juste-à-temps ». Un positionnement qui nous permettra, nous l’espérons, de profiter avant les autres d’un redémarrage de l’activité.
Le Moci. Quel jugement portez-vous sur les nouvelles règles de sûreté et de sécurité, notamment l’ICS, obligatoire depuis le début de l’année ?
Joël Glusman. Elles sont un mal nécessaire, mais leur application en France risque de nous exposer à une distorsion de concurrence au détriment de nos entreprises.
Par exemple, les pays du Benelux sont beaucoup plus souples que nous sur l’application de l’ICS.
Par ailleurs, l’ensemble de ces dispositions liées à la sûreté et sécurité rend plus complexe le traitement de nos opérations, sans pour autant que nous ayons toujours la possibilité de répercuter les coûts que cela engendre.
En pratique, notre volume de facturation augmente, mais nos marges diminuent. Le problème réside dans la confusion des rôles. On demande à des entreprises privées d’assurer des mesures de sécurité publique !
Propos recueillis par Gilles Naudy