Les entreprises étrangères qui avaient dû suspendre leurs
activités et quitter le pays après le déclenchement de l’insurrection en Libye,
le 17 février dernier, n’ont pas attendu la chute de Tripoli pour préparer leur
retour. Dès le printemps, Italiens, Chinois, Britanniques, Allemands se
rendaient à Benghazi, via Le Caire, pour prendre le pouls de la rébellion.
Les Français, (on dénombre une cinquantaine de sociétés actives dans le pays), n’ont pas été en reste : la Chambre de commerce franco-libyenne
(CCFL) a organisé deux missions successives, d’une vingtaine d’entreprises au
total, principalement du CAC 40 (Total, Alcatel-Lucent, EADS, Veolia, Sanofi-Aventis, Thales, GDF Suez, Entrepose…), en juin et juillet, avec le soutien des autorités françaises. Dominique
Grancher, chef du service économique en Libye, qui avait dû quitter le pays
après la fermeture des représentations officielles françaises à Tripoli, a
participé à l’une d’elle.
« Il s’agissait d’un retour des sociétés qui
avaient déjà des contrats en cours, dans des secteurs comme les
télécommunications, l’eau, l’électricité, les transports » a précisé au Moci
Michel Casals, président de la CCFL. Il
est lui-même patron de la société Malissa, partenaire de Bolloré dans le
contrat de concession du port de Misrata (200 km à l’est de Tripoli), le
premier du genre en Libye, décroché le 14 janvier, juste avant le déclenchement
de l’insurrection. Objectif de ces
missions : aller à la rencontre des membres et cadres du Conseil national
de transition (CNT), pour mieux connaître leur vision, leurs priorités, leur
fonctionnement et s’assurer qu’ils respecteraient les contrats signés sous
Kadhafi.
« Nous avons été bien reçus, au niveau de ce que l’on
peut appeler improprement chaque ministre
du CNT, mais aussi de leurs directeurs techniques, se réjouit-il. On a souvent
retrouvé des interlocuteurs que nous avions déjà avant le 17 février. ». Pour
l’heure, des assurances ont été données pour les contrats en cours :
« Les gens que nous avons rencontrés sont des gens crédibles, affirme
Michel Casals. Jamais il n’a été question de remettre en question les contrats ».
Reste que, malgré l’existence d’une feuille de route
politique du CNT, qui promet de remettre le pouvoir à une assemblée élue et une
nouvelle constitution dans un délai de 8 mois, beaucoup d’incertitudes demeurent
sur ce que sera l’après-Kadhafi, tant au plan institutionnel que politique. Même
la composition actuelle et le fonctionnement du CNT restent relativement
opaques pour bon nombre d’observateurs étrangers. La stabilisation du pays, la
relance de ses administrations et de son économie, prendra du temps. Rien que pour la production pétrolière, les estimations qui circulent font état d’un délai de 18 mois pour que le pays retrouve son niveau d’avant-crise, soit 1,6 millions de b/j.
Dans ce
contexte, les entreprises tricolores ont néanmoins un atout : la bonne
image de la France
grâce à son appui actif, politique, militaire et financier, à la rébellion.
«Dire que parce qu’on est Français, on se verra attribuer des contrats de gré à
gré, je n’y crois pas, nuance Michel Casals. Mais incontestablement, nos
entreprises bénéficient d’un capital de sympathie ». Plusieurs sociétés françaises se sont regroupées avec la CCFL pour s’installer dans un immeuble à Benghazi, en attendant de pouvoir revenir à Tripoli.
La CCFL
prépare d’ores et déjà deux nouvelles missions pour la mi-septembre, pour une
quinzaine d’entreprises, dont une à Benghazi et l’autre à Tripoli, avec une
étape à Misrata… « Nous espérons réunir une quinzaine d’entreprises, déjà
présentes en Libye, précise Michel Casals, car pour les nouvelles arrivantes,
c’est encore un peu trop tôt, il faudra attendre que la situation
s’éclaircisse ».
Christine Gilguy