Qui pour remplacer Véronique Bédague-Hamilius, passée au cabinet du Premier ministre Manuel Valls après un court séjour comme ambassadeur délégué aux investissements internationaux, directrice générale d’Ubifrance et présidente de l’Afii ? Ce qui semble acquis, c’est que le profil de technocrate manager, moins politique que Christophe Lecourtier -qui savait court-circuiter les administrations pour aller directement frapper à la porte de ses ministres de tutelle-, et ni trop marqué à Bercy, ni trop marqué au Quai d’Orsay, bref, un « mouton à cinq pattes » qui suscitera le consensus des différentes tutelles tout en ayant des compétences techniques reconnues, sera le bon. Autant dire qu’il sera bien difficile à trouver.
Difficile d’y voir clair alors que les relations entre Bercy et le Quai d’Orsay semblent encore loin d’être pacifiées après la bataille qui les a opposés pour le contrôle de la direction générale du Trésor (DG Trésor)*. « Déplacer le Trésor ? On est toujours là et c’est plutôt la direction des Entreprises et de l’économie internationale (DEEI) du ministère des Affaires étrangères et du développement international qui réfléchit pour savoir s’il ne serait pas plus judicieux pour elle de se déplacer à Bercy », confiait récemment à la Lettre confidentielle, un peu goguenard, un haut fonctionnaire du ministère de l’Économie et des finances.
Il est vrai que le ministre des Affaires étrangères et du développement international Laurent Fabius et sa DEEI, fondée l’an dernier pour appuyer sa politique de diplomatie économique, a devant elle un véritable challenge à réaliser, maintenant que le Commerce extérieur – et avec lui la secrétaire d’État Fleur Pellerin – est rattachée à Laurent Fabius. De quoi mettre la pression sur le patron de DEEI, Jacques Maire. Du coup, la nomination d’un ou d’une remplaçant(e) au poste occupé fort peu de temps par Véronique Bédague-Hamilius est gelée. Il se murmure même, à Ubifrance, que son prédécesseur, Christophe Lecourtier, aurait été sollicité pour assurer l’intérim, mais que l’intéressé aurait prudemment décliné. « On parle de lui comme ambassadeur de France en Australie», selon un proche du dossier.
Alors qui ? Une autre femme ? La seule nouvelle citée pour le poste est Agnès Arcier, depuis 2009 présidente d’Adetef, l’opérateur de coopération technique internationale du ministère de l’Économie et des finances. Mais d’après un connaisseur du microcosme, elle n’aurait aucune chance, « car étiquetée à droite », et trop marquée « Bercy ». Avant le remaniement ministériel, Denis Tersen, directeur de cabinet de l’ex. ministre du Commerce extérieur Nicole Bricq, et Raphaël Bello, chef de service à Bercy pour les Affaires bilatérales et l’internationalisation des entreprises, étaient sur les rangs. Mais le premier a depuis rejoint le cabinet d’Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du Numérique, et le second, affirme-t-on à Bercy « est barré par le Quai d’Orsay quin’acceptera jamais de donner cette responsabilité à un homme du Trésor ». Exclus également, dans cette hypothèse, des profils comme celui de Jean-Marie Paugam, qui a pris la direction de l’Institut d’émission des Dom (Iedom), et Isabelle Fernandez, directrice générale Chine d’Ubifrance, dont les noms sont moins cités désormais.
Ce contexte fait sans doute l’affaire des autres prétendants connus ou présumés, à l’instar de Gilles Dabezies, directeur général adjoint en charge des actions internationales et européennes à la CCI Paris-Ile-de-France, qui bénéficie du soutien de son président Pierre-Antoine Gailly et de son vice-président chargé de l’International, Jean-Claude Carpeles, ou encore Laurent Van Soen, directeur général d’Erai, bras armé à l’international de la Région Rhône-Alpes. Le profil de Gilles Dabezies intéresserait à la fois Bercy et le Quai d’Orsay, ce dernier ne voulant pas non plus présenter un de ses hommes. Mais le soutien ouvert du réseau consulaire pourrait constituer un handicap tant ce dernier, bien que considéré comme un partenaire central du dispositif public de soutien au commerce extérieur, a eu des relations difficiles avec le gouvernement au moment des coupes budgétaires de l’automne et qu’il suscite une certaine méfiance dans les administrations centrales de tutelle. De quoi alimenter bien des spéculations dans les prochaines semaines…
En attendant, l’interim s’organise dans les deux agences, conformément à leurs statuts. Henri Baissas, numéro 2 d’Ubifrance, va l’assurer à l’agence du boulevard Saint Jacques.
François Pargny et Christine Gilguy
*Relire, notamment, sur www.lemoci.com : Commerce extérieur : le blues des agents du Trésor jette une ombre sur le nouveau dispositif