Dans son communiqué du 20 mai, l‘OSCI (Opérateurs spécialisés du commerce international), qui regroupe les « privés » de l’accompagnement à l’international, tout en se positionnant comme solution pour assurer la « continuité du service » aux entreprises clientes d’Erai*, n’en profite pas moins pour joindre en annexe un réquisitoire en règle des « erreurs de gestion » de ses dirigeants et des faiblesses de la gouvernance que, selon l’organisation, « elle n’a cessées de dénoncer depuis des années », et qui, au-delà du jeu politique local, ont conduit au « crash final ». Paradoxe ? L’exercice n’est pas sans arrière-pensée : au-delà de l’intérêt évident pour des segments d’activités de l’agence rhônalpine que certains de ses membres pourraient reprendre, le fait est que l’occasion est trop belle pour cette organisation qui se voit confortée dans la dénonciation de ce qu’elle considère comme une « concurrence déloyale » de la part d’agences publiques subventionnées.
L’OSCI épingle par exemple « une ambiguïté public-privé constante », avec une agence rhônalpine qui « était gérée « comme une entreprise», comme le disait son Président Daniel Gouffé » tout « en bénéficiant jusqu’à présent d’une subvention régionale de l’ordre de 7 M€ par an ». Laquelle aurait ainsi conduit à une « fuite en avant commerciale insensée, une course au chiffre d’affaires, pour essayer de compenser la baisse graduelle (5% par an) de cette subvention de la Région » et à « une infraction au principe de spécialité régionale : ERAI s’était ainsi mise à prospecter les entreprises hors de Rhône-Alpes, notamment grâce à feu son accord avec Ubifrance (aujourd’hui Business France), qui lui donnait accès au marché national, où elle réalisait 25% de son chiffre d’affaires ».
Dans ce contexte, estime l’OSCI, les sociétés privées subissaient « une concurrence déloyale » avec « des prix prédateurs sur le marché de l’accompagnement export, rendus possibles grâce à la subvention régionale ». Et de rappeler une « injonction de la Cour des Comptes Régionale, dès 2008, de mettre en place une comptabilité analytique, demande purement et simplement ignorée par la Direction d’ERAI jusqu’en 2014 », de même que « l’avertissement sans frais, mais sans ambiguïté, lancé par l’Autorité de la Concurrence dans son Avis n° 14-A-10 rendu le 31 juillet 2014 à la demande de l’OSCI ».
Autre faiblesse dénoncée, sa gouvernance, jugée « impossible » avec une Région, « bailleur de fonds unique, (qui) redoutant l’accusation de gestion de fait, ne prenait pas part aux votes du Conseil d’Administration, et n’a jamais réussi à imposer sa ligne à l’équipe dirigeante actuelle, qui estimait, en tant que personne morale de droit privé, n’avoir pas de comptes à lui rendre ». Pas de « contrôle réel du Conseil d’Administration » non plus, selon l’OSCI, qui affirme avoir été « bien seule en dehors de la Conseillère Régionale représentant le groupe EELV » à le dénoncer.
L’équipe dirigeante est encore plus directement mise en cause pour avoir fait, selon l’OSCI, « le choix délibéré du mensonge ». Plus précisément, selon elle, « elle a sciemment présenté à son Conseil d’Administration des faux bilans, masquant l’étendue réelle de son passif ». En particulier, pointe-t-elle, « au global, les 74 % de dettes des filiales à l’égard de la maison-mère non provisionnés, et pourtant clairement irrécouvrables, représentent une somme de près de 5 M€, qui constituent donc une perte dissimulée susceptible d’entraîner la responsabilité pénale des dirigeants d’ERAI et de leur Commissaire aux Comptes ». Sans compter « une situation sociale explosive », marquée selon l’OSCI par de nombreux litiges prudhommaux et quelque « 500000 euros d’indemnités » déjà versées…
Ambiance. De fait, plusieurs rapport d’audits, dont celui du cabinet Scortex commandé par la région, commence à révéler leurs secrets alors que les informations de la « data room » mise en place par l’administrateur judiciaire à l’intention des repreneurs potentiels alimentent un débat politique local électrisé par l’approche des élections régionales de décembre prochain, des salaires des dirigeants (143 000 euros pour le directeur général, 120 000 pour son adjoint) à des « frais de bouche » jugés excessifs. Un audit de la Cour régionale des comptes, saisie l’été 2014 suite à des demandes de l’OSCI et d’EELV, est toujours en cours. Mais les règlements de comptes ne font que commencer.
C.G
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