Coprésident du groupe Europe Écologie Les Verts (EELV) au Conseil régional Rhône-Alpes, Jean-Charles Kohlhaas est en première ligne pour demander la liquidation judiciaire d’Entreprise Rhône-Alpes International (Erai), bras armé à l’international de la Région depuis 1987. Nous avons voulu savoir pourquoi. « C’est une opposition de forme, souligne cet élu, car sur le fond, nous sommes aussi favorables à un organisme fusionné ou non au service des entreprises, mais à condition qu’il y ait suffisamment de transparence, ce qui n’est pas le cas d’Erai, et qu’il n’y ait pas de gabegie », explique à la Lettre confidentielle l’élu régional, lors d’un entretien le 11 février après-midi.
A contre-courant des administrateurs de l’Agence qui ont mis en place un groupe de réflexion, sous la conduite du chef d’entreprise Pascal Nadobny, pour tenter d’élaborer un plan B à présenter à l’assemblée régionale le 6 mars prochain*, l’élu Vert estime que la « seule solution pérenne » est la « liquidation judiciaire » de l’agence de développement à l’international, car elle permettrait à la fois «de faire la clarté en toute transparence » et « de relancer rapidement une nouvelle structure – sans doute pas une association avec un seul financeur, la Région, mais un établissement public ou une coopérative – dans l’intérêt du personnel et des entreprises » qui travaillent dans les 27 pays d’implantation d’Erai.
La liquidation devrait donc être la position défendue par EELV, lors de la prochaine Assemblée plénière du Conseil régional, le 6 mars. Sauf que Jean-Charles Kohlhaas, tout comme l’autre coprésident de son groupe, Alexandra Cusey, devront se présenter, le jour même, au tribunal de grande instance, suite à une plainte pour diffamation d’Erai. « Nous avons rendu accessibles sur le site d’EELV plusieurs documents et une analyse de synthèse de notre groupe, portant notamment sur le manque de transparence et la gabegie de l’argent public chez Erai, ce qui nous vaut cette convocation », expose l’élu vert. Ambiance…
Que se passera-t-il en l’absence des deux leaders écologistes et que fera la droite, qui, constate Jean-Charles Kohlhaas, « s’est, comme nous, par le passé sérieusement interrogée, mais, jusqu’à présent, n’a pas bougé » ? Autre question : quels seront les résultats du groupe de réflexion d’Erai, piloté par un des ses administrateurs, Pascal Nadobny ? Réputé « consensuel », ce chef d’entreprise, qui devait remplacer Daniel Gouffé à la présidence de l’association, a finalement refusé, estimant « n’avoir pas suffisamment d’assurance », relate le conseiller régional écologiste.
D’après lui, il n’est même pas certain qu’un projet alternatif à la fusion d’Erai avec l’Agence régionale de développement de l’innovation (Ardi) – projet des socialistes reporté sine die – puisse être présenté « si rapidement » d’ici le 6 mars. « Jean-Louis Gagnaire, vice-président régional en charge du Développement économique, et les socialistes veulent faire évoluer la structure, mais çà obligera la Région à éliminer la dette et à provisionner pour plus d’un million d’euros d’indemnités de licenciement». Alors que, insiste, le conseiller régional, « la liquidation permettrait d’identifier toutes les responsabilités de la gabegie ».
L’élu Vert pointe la responsabilité de la direction et de Jean-Jack Queyranne
Jean-Charles Kohlhaas vise clairement l’actuel directeur général d’Erai, Laurent Van Soen, mais aussi le président du Conseil régional. « Çà me ferait mal que ce Monsieur, payé plus de 10 000 euros par mois, parte avec une indemnité de 250 000 à 300 000 euros, alors qu’il a été nommé à ce poste pour redresser Erai par le président du Conseil régional Jean-Jack Queyranne, et que, dans la pratique, l’association n’a cessé de décliner depuis son arrivée en 2011 » lâche crûment l’élu EELV. Un administrateur d’Erai joint ce matin 12 février par la LC confirme, sous couvert de l’anonymat, l’ordre de grandeur des chiffres avancés par l’élu en rappelant qu’une enquête de la Cours régionale des comptes, est en cours.
Avant de prendre la direction générale, Laurent Van Soen était le directeur de l’Europe, des relations internationales et de la coopération de la Région Rhône-Alpes. « Il y a eu des dysfonctionnements graves et Jean-Jack Queyranne qui disposait d’études n’a pas informé tous les élus régionaux », affirme encore Jean-Charles Kohlhaas.
Chaque année, détaille encore l’élu des Verts, « la Région apporte à Erai une subvention de fonctionnement de 6 à 7 millions d’euros, ce qui correspond à environ les deux tiers du chiffre d’affaires de l’agence. Fin 2013, seule sa filiale à Berlin n’était pas déficitaire ». Faute de disposer des chiffres de 2014, Jean-Charles Kohlhaas se montre prudent. « D’après ce que j’entends dire, la situation se serait améliorée et nous serions donc semble-t-il descendus d’un déficit de 7 millions à quelque 5 millions ».
Selon un administrateur d’Erai cité par la LC dans sa précédente édition (Rhône-Alpes : après le flop de la fusion avec l’Ardi, la locomotive Erai menace de dérailler…)*, le passif de trésorerie cumulé à fin 2014 serait plutôt de 3,5 millions d’euros, auquel s’ajoute un déficit sur l’exercice 2014 de 500 000 euros.
Quelle que soit la réalité des chiffres, Erai risque la cessation de paiement. L’agence a déjà reçu le quart de sa subvention de fonctionnement, soit 1,5 million d’euros, qui vont lui permettre de tenir jusqu’au 31 mars. Pour le coprésident d’EELV Rhône-Alpes, « les socialistes chercheront le 6 mars à faire passer un nouveau quart de 1,5 million pour prolonger la structure ». Rappelons que l’assemblée régionale doit se réunir en plénière une nouvelle fois le 6 mars, et la bataille va se jouer, sans aucun doute, dans ses coulisses.
François Pargny
*Pour prolonger
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