Seule filiale à l’étranger bénéficiaire sur les 27 que compte Entreprise Rhône-Alpes International (Erai), le bras armé de la Région à l’international, Erai Allemagne GmbH devrait être logiquement celle qui attire le plus de candidatures à sa reprise – notamment de la part de sociétés d’accompagnement à l’international privées françaises. Les offres devaient être déposées auprès de l’administrateur judiciaire le 20 mai. Mais au-delà de la reprise de ses activités commerciale, le cas allemand illustre aussi l’importance qu’a Erai comme outil de politique étrangère de la Région, ce que l’on appelle les aspects régaliens de ses missions.
Peter Dietrich vante l’ « excellente coopération » avec Erai Allemagne
Dans le cas de l’Allemagne, ce qui se joue dans les coulisses est le lien étroit, institutionnel et économique, tissé au fil des ans entre Rhône-Alpes et le land du Bade-Wurtemberg, où est basé Erai Allemagne. Très tôt à Stuttgart, au sein du gouvernement du land, on s’est inquiété de l’avenir de la structure française. Au point que le 16 mars dernier, Peter Friedrich, le ministre au Parlement allemand pour les Affaires européennes et internationales, adressait à Jean-Jack Queyranne, le président de la Région Rhône-Alpes, une lettre vantant l’ « excellente coopération de longue date entre le land et Erai Allemagne de Stuttgart ».
Dans cette lettre assez courte, dont la Lettre confidentielle s’est procurée une copie, Peter Friedrich rappelle qu’ « Erai Allemagne a soutenu plus de 40 entreprises de la région Rhône-Alpes pour leur entrée sur le marché allemand ». Par ailleurs, il souligne l’ « étroite collaboration entre le land de Bade-Wurtemberg et Erai dans le cadre du groupe de travail Économie pour les quatre moteurs pour l’Europe » (alliance scellée par les puissantes régions de Bade-Wurtemberg, Catalogne, Lombardie et Rhône-Alpes) et « dans le cluster e-mobil BW » (Agence du Bade-Wurtemberg pour la mobilité électrique et la technologie de la pile à combustible).
Près d’un mois et demi plus tard, Peter Friedrich a reçu une réponse. La lettre, très courte, dont la LC possède également une copie, est signée par Bernard Soulage, le vice-président de la région française délégué à l’Europe et aux relations internationales. Le représentant de Jean-Jack Queyranne écrit à son homologue allemand : « avec mon collègue Jean-Louis Gagnaire, délégué au développement économique, à l’industrie et aux PME et à l’innovation, nous travaillons de façon continue avec les membres de la majorité pour parvenir à trouver une solution ». Majorité et solution que les trois dirigeants socialistes, président et vice-présidents, n’ont finalement pas trouvées.
Nils Schmid s’entretient avec Jean-Jack Queyranne et Jean-Louis Gagnaire
Est-ce que cette éventualité avait été discutée la semaine dernière, à Paris et à Lyon, lors de la visite du vice-ministre président du Bade-Wurtemberg, ministre des Finances et de l’économie, Nils Schmid ? Il est impossible de le savoir, mais, d’après plusieurs de nos interlocuteurs allemands et français, le vice-ministre président aurait parlé de l’avenir d’Erai et de sa filiale de Stuttgart, le 12 mai, lors d’un cocktail avec Jean-Jack Queyranne, et, le lendemain, à l’occasion d’un déjeuner avec Jean-Louis Gagnaire.
Dans la délégation que Nils Schmid menait du 11 au 13 mai à la tête de 12 sociétés, dont des grands noms (Bosch, Porsche…), figuraient également en bonne place Céline Eheim, directrice d’Erai Allemagne et présidente du Club d’Affaires franco-allemand du Bade-Wurtemberg, et Franz Loogen, directeur d’e-mobil BW. La mission était concentrée sur deux secteurs de coopération interrégionale : automobile-électro mobilité, mécanique-sous-traitance.
Les sociétés allemandes ont pu ainsi rencontrer dans des « speed-dating » les représentants de 13 entreprises ou structures françaises : MTS (moulage, soufflage), Prodimeca (mécanique de précision, conteneurs…), Romaire (tôlerie, peinture…), Courbis (solutions en matière plastiques, pièces et ensembles mécaniques…), Saint-Jean Industries (composants et sous-traitance), Tresse Métallique J.Forissier (connexions souples électriques), Prosys (machines spéciales), cluster LUTB-RAAC (transport public), Adhex Technologies (adhésifs), Magtech (systèmes électromagnétiques), EFI Automative (systèmes électroniques et électromagnétiques), CEA (recherche dans les nanotechnologies et les énergies renouvelables).
D’après un interlocuteur allemand, de telles rencontres entre PME, clusters et avec des hommes politiques de haut niveau ont demandé des années de préparation. Ce que le Bade-Wurtemberg accepterait mal de voir disparaître.
François Pargny
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