« J’ai du mal à croire que l’on puisse sauver le soldat Erai : il faudrait quelqu’un qui sorte son carnet de chèque et mettre 10 à 15 millions d’euros… ». Après le séisme provoqué par le refus, le 6 mars, de la Commission permanente du Conseil régional de voter tout nouveau financement à l’association Entreprises Rhône-Alpes International (Erai), ce bon connaisseur du dossier ne cache pas son scepticisme sur les chances de réussite d’un éventuel « plan B » à court terme qui puisse éviter à l’agence, financièrement exsangue, un processus de liquidation. Peut-être en saura-t-on plus le 23 mars, date à laquelle Daniel Gouffé, actuel président d’Erai, a convoqué un conseil d’administration extraordinaire par un courrier parvenu aux administrateurs le 10 mars, pour « discuter de la situation nouvelle ».
« Il devra nous expliquer le sens de son communiqué du 6 mars, qu’il a diffusé auprès des patrons des filiales à l’étranger » a confié à la Lettre confidentielle un administrateur sous couvert de l’anonymat. Le président d’Erai, qui focalise de nombreuses critiques, avait indiqué dans ce communiqué que « dans ce contexte de carence de subvention publique, toutes les équipes d’Erai en France et à l’étranger dans les 27 bureaux à travers le monde restent, plus que jamais, pleinement mobilisées au quotidien et pour l’avenir ». Comme si une solution de renflouement pouvait être mise en oeuvre par d’autres sources que le Conseil régional en quelques semaines. Nul ne sait à ce stade combien de temps l’agence, dont « la trésorerie est exsangue » selon notre interlocuteur, peut tenir avec la première subvention de fonctionnement de 1,5 million d’euros accordée par le conseil régional fin janvier.
En attendant, c’est l’hypothèse d’une reprise partielle des activités d’Erai par une structure existante ou sous une autre forme à définir, qui occupe les milieux économiques rhônalpins. « Il existe des concertations intenses pour voir quels solutions peuvent être envisagées pour sauver une partie des activités de l’agence car une Région comme celle-là, deuxième exportatrice de France, ne peut se passer d’un outil efficace au service de l’internationalisation des entreprises », indique notre interlocuteur.
Jean-Paul Mauduy, président de la CCIR, appelle à la mobilisation de tous les acteurs
Lundi 9 mars, dans un communiqué, le président de la Chambre de commerce et d’industrie régionale (CCIR), Jean-Paul Mauduy, qui est présent au conseil d’administration d’Erai, s’est positionné avec toute la prudence qu’on lui connaît, pour une « mobilisation générale » afin de sauver l’outil, sinon Erai elle-même. « Il ne m’appartient évidemment pas de pointer les responsabilités qui, au fil des mois, ont conduit Erai dans la situation où elle se trouve aujourd’hui, indique-t-il. En revanche, je veux affirmer que les missions et dispositifs portés par Erai, en complément de ceux déployés par les autres acteurs, sont véritablement nécessaires aux entreprises de Rhône-Alpes et à la dynamique d’internationalisation de l’économie régionale. Tous les efforts doivent être mobilisés pour assurer la préservation de cet outil ou, en l’absence de réponse permettant d’éviter la disparition d’Erai, pour accompagner sa reconfiguration dans un autre format ».
Et d’inviter « l’ensemble » des acteurs économiques et politiques « concernés par ce dossier à s’engager le plus rapidement possible dans un processus de réflexion collective guidé par les exigences de responsabilité et d’efficacité ». Jean-Paul Mauduy, qui n’oublie pas la perspective de la réforme territoriale, qui doit conduire au regroupement de Rhône-Alpes et de l’Auvergne l’an prochain, ajoute : « Toutes les solutions seront les bienvenues. Cependant, il conviendrait à mes yeux de privilégier celles qui seront compatibles avec la dimension régionale des dispositifs d’accompagnement des entreprises à l’export ; une approche rendue encore plus pertinente par la perspective de fusion des régions Rhône-Alpes et Auvergne ».
Une posture qui semble compatible avec celle de Jean-Louis Gagnaire, vice-président PS du Conseil régional de Rhône-Alpes, délégué au Développement économique, qui, tout en écartant toute idée de recréer une structure, a rappelé le cabinet d’audit parisien Scorex, auteur d’un audit des comptes d’Erai dont les résultats n’ont pas été rendus publics, pour étudier une solution de reprise partielle des activités d’Erai dans le cadre d’un processus de liquidation (Lire : Rhône-Alpes : Erai va être liquidé). Car dans l’état actuel du micrososme politique régional, alors que Jean-Jack Queyranne fait face à une fronde d’EELV (Europe écologie les verts), le dossier Erai s’est dangereusement politisé dans la perspective des élections régionales.
Christine Gilguy
Pour prolonger, les précédents épisodes du feuilleton Erai :
– Rhône-Alpes : la liquidation d’Erai met l’écosystème du commerce extérieur dans une situation périlleuse
– Rhône-Alpes : Erai va être liquidé
–Spécial Rhône-Alpes : Erai se cherche un plan B après un nouveau coup de théâtre
– Spécial Rhône-Alpes : le plaidoyer de François Turcas pour Erai
– Spécial Rhône-Alpes : les arguments de Jean-Charles Kohlhaas (EELV) en faveur d’une liquidation d’Erai
– Rhône-Alpes : après le flop de la fusion avec l’Ardi, la locomotive Erai menace de dérailler