(Cet article a fait l’objet d’une Alerte confidentielle diffusée à nos abonnés dès le 9 mars 10H00)
Le refus de la Commission permanente du Conseil régional de Rhône-Alpes de voter tout nouveau financement pour Entreprises Rhône Alpes International (Erai), le 6 mars*, en signant l’arrêt de mort de cette agence, provoque un séisme dans l’écosystème du commerce extérieur de cette région et bien au-delà, mettant ses employés, ses partenaires et ses clients dans une situation périlleuse. Erai, qui emploie 126 personnes et possède un réseau international de 27 bureaux à l’étranger, a en effet des accords commerciaux et de partenariat avec de nombreux acteurs, dont Business France et Québec Expansion. Elle avait encore récemment remporté un appel d’offre de la Région Aquitaine dans le cadre d’un groupement l’associant avec Business France et Pramex International (groupe BPCE). Quelque 250 entreprises sont actuellement sous contrat avec Erai pour des missions à l’étranger, incluant l’accueil et le coaching de jeunes VIE (Volontaires internationaux en entreprises).
Si une liquidation de l’agence -qui a un statut d’association- paraît inévitable à court terme puisqu’elle est virtuellement en cessation de paiement, dans l’immédiat, il appartient à son président, Daniel Gouffé, de convoquer une réunion d’urgence du conseil d’administration qui décidera de la suite des événements. Une procédure de liquidation passe, dans le cas d’une association, par le tribunal de grande instance de son lieu de résidence.
Dans un communiqué publié le 6 mars, Daniel Gouffé n’a toutefois pas évoqué cette option. Déplorant qu’Erai ait été « instrumentalisé à des fins politiques » et « l’irresponsabilité des élus », le président d’Erai indique que « dans ce contexte de carence de subvention publique, toutes les équipes d’Erai en France et à l’étranger dans les 27 bureaux à travers le monde restent, plus que jamais, pleinement mobilisées au quotidien et pour l’avenir ».
Jean-Louis Gagnaire va solliciter le cabinet Scorex pour étudier les solutions de reprise partielle d’activités
Du côté des proches du président du Conseil régional, le socialiste Jean-Jack Queyranne, on rejette la responsabilité de ce fiasco sur les élus qui ont rejeté la subvention de fonctionnement tout en jugeant la posture du président d’Erai irréaliste. » Le président d’Erai, Daniel Gouffé, est dans le déni; j’espère qu’il va prendre rapidement des mesures conservatoires et qu’il va placer la structure sous la protection du juge, mais je n’en suis pas sûr « , a ainsi confié à la Lettre confidentielle Jean-Louis Gagnaire, vice-président PS du Conseil régional de Rhône-Alpes, délégué au Développement économique, quelques heures seulement après la séance de la Commission permanente.
Erai, alimenté à 60 % par des fonds publics, accuse un déficit global de 3 millions d’euros et se dirige donc tout droit vers une liquidation judiciaire. Fustigeant l’attitude de la droite et des écologistes qui n’ont pas pris en compte l’avenir des 126 salariés d’Erai, alors qu’il proposait encore il y a quelques semaines la fusion de la structure avec l’Agence régionale de Développement de l’innovation (Ardi), Jean-Louis Gagnaire, qui ne cache pas sa déception, a indiqué qu’il va relancer le cabinet d’expertise qui a travaillé sur le projet de fusion pour » voir ce qu’on a le droit de faire et dans quelles conditions » avec pour objectif » d’internaliser ce qui pourra l’être », à priori au sein de l’Ardi. » En tout cas, pas question de recréer une structure ! C’est trop compliqué, trop lourd » techniquement et politiquement, a-t-il indiqué à la LC. D’autant qu’il faudra attendre au moins quatre à cinq mois pour que la liquidation judiciaire soit effective.
L’OSCI dénonce »la mauvaise gestion » de « son équipe dirigeante »
Dans les milieux économiques rhônalpins, la première organisation à réagir officiellement, le 6 mars, a été l’OSCI (Opérateurs spécialisés du commerce international), qui représente les sociétés privées d’accompagnement des entreprises à l’export et dispose d’un représentant au conseil d’administration d’Erai. Dans un long communiqué publié le 6 mars, l’OSCI affirme notamment qu’elle « n’a eu de cesse ces dernières années de dénoncer des comportements déloyaux d’Erai ». Détaillant ce qu’elle considère comme des « erreurs de gestion », l’OSCI met directement en cause « son équipe dirigeante » et sa « mauvaise gestion ».
L’OSCI avait déposé plainte auprès de la Commission européenne contre Erai pour concurrence déloyale en 2004 et obtenu un avis de l’Autorité de la concurrence en juillet 2014 enjoignant Erai de se doter d’une comptabilité analytique**. Elle avait, en parallèle à une demande initiée par les écologistes d’EELV, demandé l’an dernier au préfet de Région de diligenter un audit d’Erai par la Chambre régionale des comptes, audit qui est en cours. L’OSCI conclut en affirmant son souhait de « continuer à être partie prenante dans une meilleure organisation de l’accompagnement export » de la Région et sa conviction que « le partenariat public-privé représente la seule alternative possible pour sortir de cette crise majeure sans dommage pour les entreprises françaises ».
Christine Gilguy et François Pargny
*Rhône-Alpes : Erai va être liquidé
**Laurent Van Soen (Erai) : “on va suivre les recommandations de l’Autorité de la concurrence”