Si pour Nicolas Dufourcq, le redressement du commerce extérieur, c’est la « bataille de la Marne » où « tout les taxis sont mobilisés » (voir « Paroles d’acteurs » cette semaine), cette offre intégrée Ubifrance-Erai, fruit d’une alliance sur un axe Bercy / Lyon officialisé le 27 mai, en sera l »un des très gros points de ravitaillement, voire un géant sur le marché hexagonal de l’accompagnement export des entreprises.
L’offre intégrée qu’ont lancée les agences publiques Ubifrance et Erai à destination des PME françaises en quête d’internationalisation est une première par son ampleur et son ambition. Elle est issue d’une coopération entre une agence d’Etat, Ubifrance, et une agence régionale, Erai, le bras armé de la Région Rhône Alpes à l’international. Elle est ouvertement destinée « à l’ensemble des entreprises françaises » et non pas seulement aux entreprises de la Région Rhône-Alpes, dont Erai est le bras armé à l’international. Enfin, elle sera commercialisée sur tout le territoire par les chargés d’affaires d’Ubifrance dans les directions régionales de Bpifrance.
Côté contenu, elle ambitionne d’offrir une solution d’accompagnement personnalisée de bout en bout, sur la durée -24 à 36 mois- aux PME en quête d’accélération à l’international. Exactement ce que souhaitait Nicole Bricq, ministre du Commerce extérieur, en fixant à Ubifrance comme feuille de route d’accompagner à l’international 1000 ETI (Entreprises de taille intermédiaire) dans la durée, via des projets individualisés proposés à chaque entreprise. Mais qu’Ubifrance, seule, aurait eu du mal à tenir.
« L’idée de départ a été de mutualiser au mieux nos ressources » explique à la Lettre Confidentielle Audrey Larderet, directrice des financements internationaux & clusters d’Erai.
D’un côté, Erai dispose d’un réseau d’incubateurs capable d’accueillir les chargés de mission des entreprises et de leur offrir un « coaching » personnalisé dans 16 pays étrangers* afin de les aider à préparer leur projet d’implantation. « Le coaching est notre grosse différence avec les business centers : c’est une garantie, pour l’entreprise, que son personnel ou son VIE bénéficiera d’un cadre et d’un accompagnement personnalisé » précise Audrey Larderet.
Son incubateur phare, installé dans l’ancien pavillon de la région Rhône-Alpes à l’Exposition Universelle de Shangai, à d’ailleurs eu les honneurs de la visite de Valérie Trierweiler, compagne du président Hollande, accompagnée du président de Rhône-Alpes, Jean-Jack Queyranne, lors de la visite d’Etat du président français en Chine, le 29 avril dernier. Et celui du Vietnam a eu les honneurs d’une visite de Nicole Bricq pour son inauguration le 8 avril.
Ce dispositif, dénommé « Implantis », qui prévoit un coaching de 4 heures par mois, soit une heure par semaine, Ubifrance ne l’a pas. Ce qui manque, notamment, à ses VIE (volontaires internationaux en entreprises). Mais l’Agence nationale pour l’internationalisation des entreprises a, pour sa part, un réseau étendu de bureaux à l’étranger (87 pays couverts, dont 81 en propre, selon notre dernier pointage) qui produisent des prestations d’information et de prospection (individualisées et collectives, notamment via le programme France Export), et enfin une solution en ressources humaines avec le système VIE, qu’elle gère. Des VIE qui, justement, sont souvent subventionnés par les Régions et déjà accueillis dans les incubateurs d’Erai selon une convention signée en 2011. Au total, 220 entreprises avec VIE sont « incubées » chaque années dans le réseau Erai actuellement.
Enfin, les deux agences ont fait, ces dernières années, un effort de réorganisation de leurs agents par secteurs (et non plus par zones géographiques) et sont complémentaires dans de nombreux pays. Elles veulent toutes deux être en phase avec l’approche par couple pays/secteur adoptée par le ministère du Commerce extérieur.
Selon les détails que nous fournit Audrey Larderet, l’offre intégrée intègre, de façon « équilibrée », des prestations de chacune des agences, qui veulent épouser les besoins des entreprises à différentes phases d’un développement international : pour la prospection et la validation des études de marché, « ce sera surtout Ubifrance qui sera à la manœuvre »; pour l’approche pays/marché, « nous serons complémentaires »; pour ‘l’incubation » du projet, le dispositif Erai sera actionné; et, Ubifrance reprendra la main pour la structuration du projet d’implantation, avec, tient à préciser Audrey Larderet, des « acteurs externes » tels qu’avocats ou conseils.
Les consultants privés, qui dénoncent régulièrement la concurrence déloyale que leur feraient les acteurs publics subventionnés, « ils ont toutes leur place, notamment dans la phase de structuration de l’implantation ». assure encore la directrice des financements internationaux & clusters d’Erai.
Reste à savoir si les Régions, qui sont en train d’organiser leurs propres dispositifs de mobilisation, souvent avec les chambre de commerces et d’industrie, exclues de ce dispositif tout comme les CCI françaises à l’étranger (CCIFE) et les sociétés privées qui se positionnent également sur ce marché, seront séduites. Elles sont en tout cas plus que jamais courtisées dans le cadre d’une bataille d’offres qui a le mérite, sinon de réduire le millefeuille des acteurs, du moins de les stimuler…
Christine Gilguy
*Allemagne, Italie, Pologne, Russie, Ukraine, Maroc, Burkina Faso, Turquie, Chine, Inde, Vietnam, Japon, Emirats arabes unis, Etats-Unis, Canada, Brésil.