Simplification drastique, regroupement voire fusion de certains organismes, réorganisation de la gouvernance d’ensemble et à tous les niveaux (régional, national, international), création à terme d’une grande agence « France international » qui rassemblerait les organismes existant, incluant les opérateurs privés… Les mesures proposées sont choc, à la hauteur de l’épaisseur du millefeuille.
C’est à une réforme ambitieuse, une véritable refonte du dispositif de soutien à l’internationalisation des entreprises qu’invite en effet le rapport de Mission sur l’évaluation des dispositifs de soutien à l’internationalisation de l’économie française remis par Jacques Desponts et Alain Bentejac à Nicole Bricq et que la ministre du Commerce extérieur a rendu public hier, 25 juin, lors d’une conférence de presse malheureusement écourtée pour cause d’agenda ministériel surchargé.
Quatre mois d’enquête, y compris à l’étranger pour voir comment les principaux partenaires de la France s’en sortaient, 250 PME et ETI interrogées, 700 entretiens individuels menés, 1000 entreprises sondées par BVA…
« Il faut tuer cette idée que l’export c’est compliqué »
Au final, le diagnostic est sans appel concernant l’efficacité du service rendu aux entreprises par l’actuel dispositif, rejoignant de précédents constats. Il est résumé d’une phrase par Jacques Desponts : « Il y a beaucoup d’acteurs, peut-être trop, beaucoup de procédures et cette multiplicité à tendance à décourager les entreprises notamment les PME, et à alimenter l’idée que l’export, c’est compliqué, a-t-il dit. Or, il faut tuer cette idée que l’export c’est compliqué ». Et Alain Bentejac d’insister, de son côté, sur la nécessité d’optimiser le dispositif en mettant en œuvre une politique volontariste de réforme du dispositif de façon « progressive et concertée ».
Leur souci : proposer un scénario à la fois « réaliste » et « novateur », qui permettre d’aller plus loin que les démarches « fondées sur la simple coordination légère des acteurs, du type « Charte de l’Export ou Equipe de France de l’Export » à travers une politique « plus volontariste visant à mobiliser les acteurs, à renforcer la lisibilité et l’accessibilité du dispositif pour les entreprises, à simplifier, améliorer et professionnaliser l’offre de services et à optimiser l’architecture d’ensemble ». Et, pour Alain Bentejac, « il faudra penser à tous les aspects en même temps ».
26 mesures regroupées en trois grandes catégories d’actions
Dans les 26 mesures proposées (voir le détail dans la synthèse du rapport attaché à cet article), il y en a pour le court terme et il y en a pour le moyen terme. A court terme, plusieurs sont plus ou moins engagées dans le cadre de réformes en cours –regroupement sous le label bpifrance export de différents soutiens financiers et simplification de ceux-ci, pilotage par les Régions des dispositifs sur les territoires- que les auteurs ont d’ailleurs saluées. Mais d’autres doivent être engagées, notamment en matière d’attraction des investissements étrangers en France avec la fusion, clairement proposée par les auteurs, d’Ubifrance et de l’AFII, ou encore l’accélération de la facilitation de l’octroi des visas aux hommes d’affaires étrangers.
A moyen terme, « il faudrait aller plus loin » a indiqué Alain Bentejac, notamment avec la création de cette super agence France International, une société anonyme ou SAS qui regrouperait les principaux opérateurs, dont Ubifrance et CCI International. Les auteurs ont regroupés leurs 26 mesures en trois grandes catégories d’action :
1- Les mesures visant à dynamiser, améliorer et simplifier les services rendus aux entreprises
Ce sont les mesures qui peuvent être mise en œuvre rapidement, et qui concernent la création de « Maisons de l’International » dans les régions, de « Maisons France » à l’étranger, d’un site web unifié publi/privé, d’une hotline de l’international ou encore d’un réseau social des exportateurs ou d’une année « de l’export et de l’attractivité » qui pourrait être décrétée dès 2014. Les auteurs classent également dans cette catégorie les mesures qui visent à « renforcer la mobilisation des acteurs à travers diverses initiatives encourageant le portage et le parrainage ou l’embauche de cadre-export », avec une participation active, par exemple des CCEF dans des missions de « coaching des PME » à l’export.
Egalement dans cette catégorie, l’élargissement et la simplification de l’offre de services aux entreprises « par la rationalisation de la distribution des aides et la simplification des démarches et procédures » ou encore la mise à la disposition des entreprises, « gratuitement », des informations de base sur les pays.
2- La mise en place d’une gouvernance claire et forte, qui doit être déclinée « à tous les niveaux »
Les auteurs recommandent pour cela la création de comités de pilotage réunissant tous les acteurs et présidés par une instance « appropriée disposant d’une capacité de décisions réelle ». Y seraient traités toutes les questions de coordination entre les opérateurs « avec la volonté de répondre à la demande de rationalisation émanant des entreprises ». C’est dans le cadre d’un tel comité qu’au niveau national, par exemple, « serait négociée une nouvelle répartition des sites à l’étranger et des prestations entre les principaux opérateurs de manière à éliminer les doublons et à mieux ouvrir le marché ».
On peut également classer dans cette catégorie l’idée de recréer, au sein de la DG Trésor, une « direction de l’international » pour donner d’avantage de « lisibilité et de visibilité » au pilotage national.
Concrètement, selon les commentaires fournis Jacques Desponts lors de la conférence de presse, en région, un tel comité pourrait être sous l’autorité de la région, au niveau national sous l’autorité du ministre du Commerce extérieur et à l’étranger, il pourrait être les conseils économiques créés par Laurent Fabius sous l’autorité de l’ambassadeur, « avec l’appui du conseiller économique ».
3- L’optimisation de l’architecture d’ensemble
Dans cette troisième catégorie, les auteurs ont placé cette idée phare d’une grande agence « France International » ayant vocation à fédérer « progressivement et dans la concertation » les principaux organismes. Et l’Etat, dans une première étape, doit monter l’exemple, en « regroupant », voire en fusionnant, les opérateurs qui dépendent de lui : Ubifrance, AFII, organismes sectoriels de promotion… mais aussi en supprimant les missions internationales des Direccte dans les régions. Si les auteurs ne les ont pas nommés en conférence de presse, les observateurs auront reconnu notamment des organismes qui opèrent dans l’agriculture et l’agroalimentaire, Sopexa, Adepta, voir le département agroalimentaire d’Ubifrance. Ils ont également cité la « suppression des missions internationales des Direccte, dans les régions ».
Parallèlement, devront être menées des négociations avec les chambres de commerce et les Régions dans l’objectif « de convaincre ces acteurs de participer à cette dynamique intégrant leurs opérateurs (CCI International, Agences régionales de développement/ARD) dans cette grande agence, tout en étant associés de manière significative à sa gouvernance ».
Les auteurs vont plus loin : cette agence « pourrait être construite à partir d’Ubifrance, qui serait transformée en société anonyme » (ou SAS ont-il dit par ailleurs), avec prise de participation à son capital et/ou à son conseil d’administration « des principales parties prenantes » soit l’Etat, bpifrance, les Régions, les CCI, le secteur privé (en particulier les opérateurs membres de l’OSCI).
Quant à savoir ce que deviendront ces propositions, Nicole Bricq a dévoilé certaines de celles qu’elle a d’ores et déjà retenues, tout en renvoyant à l’arbitrage du Premier ministre, le 17 juillet, lors de la réunion du Cimap (Comité interministériel de modernisation de l’action publique) qui tranchera (voir notre article dans la Lettre confidentielle de cette semaine).
Christine Gilguy