Les douaniers ont le blues, et ils le font savoir. C’est à une très inhabituelle conférence de presse qu’ont été conviées, hier, dans une salle de l’assemblée nationale, les rédactions parisiennes, dont celle du Moci. Les hôtes : le député (Front de gauche) des Bouches du Rhône Gaby Charroux et les représentants d’une intersyndicale des agents des douanes allant du SNAD-CGT aux cadres du SNCD-FO en passant par la CFDT, la CFTC, Solidaire et l’UNSA, et dont le porte parole est Pascal Hoffmann, secrétaire permanent du SNAD-CGT.
Alors que la Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) est en plein chantier d’élaboration de son projet stratégique à horizon 2018,
tous étaient là pour faire part de leur inquiétude face aux conséquences des
baisses d’effectifs et de budget que subit selon eux cette administration
régalienne dans le cadre des réformes des politiques publiques engagées
sous le précédent quinquennat (RGPP) et poursuivies sous l’actuel. Le député Gaby Charroux, qui est issu d’une circonscription portuaire (complexe de Fos/Lavera), a annoncé que son groupe parlementaire avait demandé au Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale un rapport sur la situation des douanes.
« Le projet de loi de finance pour 2014 prévoit la suppression de 2 200 postes au ministère de l’Économie et des finances alors qu’il fixe comme objectif de récupérer 2 milliards de fraude fiscale », a-t-il pointé, jugeant incohérente cette politique. « Je fonde beaucoup d’espoir sur ce rapport », a indiqué le député, évoquant les auditions qu’il nécessiterait, même s’il a reconnu qu’il arriverait trop tard – le rapport ne devrait pas sortir avant six mois- pour peser sur le débat en cours autour du PLF 2014.
Les syndicalistes, eux, réclament un coup d’arrêt aux baisses d’effectifs et de moyens et assurent que leur démarche ne s’inscrit pas dans la défense d’intérêts catégoriels, mais plutôt dans la défense d’un « service public ». A l’heure où l’Europe s’ouvre à tout va aux accords de libre échange, leurs moyens d’actions ne cessent de baisser : seuls 3 conteneurs
sur 1000 entrant dans l’Union européenne sont contrôlés, « encore faut il savoir s’il s’agit de contrôles documentaires ou
physiques ». Parallèlement, la fraude à la TVA prospère, notamment
grâce à l’absence d’harmonisation de la fiscalité et des pratiques
douanières dans l’UE.
En 5 ans, selon l’intersyndicale, la douane française a perdu près de 10 % de ses effectifs pour atteindre 16 500 agents, les directions régionales en France métropolitaine ayant été les plus touchées. « Il est important qu’il y ait un coup d’arrêt, car nous sommes engagés dans un projet stratégique », a notamment expliqué Jacques Deffieux, président du SNCD-FO. Et de s’inquiéter aussi pour l’avenir des pôles d’actions économiques censés épauler les entreprises françaises, qui feront l’objet de regroupements interrégionaux pour atteindre 13 (au lieu de 42) à l’issue du projet stratégique. « Même l’action économique de la Douane risque de voir ses moyens et ses capacités baisser ».
Cette intersyndicale a été à l’origine de l’organisation d’états
généraux de la Douane le 18 septembre dernier, au palais d’Iéna,
associant des acteurs venus d’horizons divers, dont des entreprises, comme
Bic particulièrement touché par la contrefaçon. Les comptes rendus sont disponibles sur un site internet dédié * (voir aussi pièce attachée à cet article). La
conférence de presse d’hier et l’annonce d’une enquête parlementaire était une nouvelle étape de cette mobilisation
qui sera suivie, le 21 novembre, d’une journée de
sensibilisation tournée vers le grand public. Des contacts seraient en cours avec des agents des douanes d’autres États membres, notamment la Belgique, dans le but de porter aussi le débat à Bruxelles et Strasbourg.
Christine Gilguy
*http://etatsgenerauxdeladouane.fr