(Cet article a fait l’objet d’une Alerte confidentielle adressée à nos abonnés le 23 mars à 09H00. Pour prolonger, lire la réaction de Matthias Fekl dans la Lettre d’aujourd’hui : Conseil stratégique de l’export : Matthias Fekl, ouvert au « privé », va élargir sa composition )
L’installation, aujourd’hui 23 mars, du Conseil stratégique de l’export par Matthias Fekl ne sera pas de tout repos : Étienne Vauchez, président des Opérateurs spécialisés du commerce international (OSCI), compte bien à cette occasion dire tout le mal que pensent les « privés » de l’accompagnement des entreprises à l’international de la convention de partenariat signée sous le parrainage du secrétaire d’État au Commerce extérieur le 11 mars dernier, lors du premier Forum de l’export, par Business France (BF), CCI International et CCI France International afin de créer « un parcours unifié de l’export » pour les PME et ETI*. En cause, le fait que ce « parcours fléché » se termine exclusivement, à l’étranger, par les Chambres de commerce et d’industrie françaises à l’international (CCIFI) membres de CCI France International.
Dans un communiqué de presse publié le 18 mars, l’OSCI dénonce dans des termes très vifs cet accord en estimant qu’il « aggrave encore les distorsions de concurrence public/privé sur le marché de l’accompagnement export des PME », car « il vient favoriser les CCIFI sur le secteur de l’arrimage des démarches export, perturbant la concurrence jusqu’ici loyale entre les CCIFI et les OSCI sur ce secteur ». Et d’enfoncer le clou en accusant BF d’avoir créé « une position dominante sur le marché de l’accompagnement des PME à l’export » par les différentes conventions que l’agence nationale a signées avec les CCI de Région (CCIR) dont CCI International est une structure mutualisée, les CCIFI, les Régions (PRIE/Plan régionaux d’internationalisation des entreprises) et Bpifrance. « Elle contrôle : l’accès aux subventions (PRIE) ; l’accès aux financements (BPI) ; l’offre de services d’amorçage export (CCIR et BF) ; l’offre de services d’arrimage export (CCIFI) », estime l’OSCI.
Interrogé par la Lettre confidentielle, Étienne Vauchez justifie ce « coup de gueule » par le sentiment d’avoir été floué d’abord par les chambres de commerce : « les CCI nous ont clairement marché sur les pieds », assène-t-il, visant les directions centrales de CCI International et de CCI France International. Et d’expliquer que l’OSCI avait été dans la boucle des discussions sur la construction de ce « parcours unifié de l’export » jusqu’à ce que CCI International et CCI France International décident de faire cavalier seul avec BF, à partir de février, pour arracher un accord avec les CCIFI**. « Les CCIFI sont des organismes privés. Pourquoi Business France, une agence publique, flècherait-elle les entreprises vers ces privés là et pas nous, s’agace encore le président de l’OSCI. Avant, il y avait une concurrence loyale entre les CCIFI et les sociétés privées d’accompagnement. Aujourd’hui, ce marché est totalement perturbé ».
Mais l’OSCI en veut aussi à BF : « la seule chose que Business France a proposée est de faire des listes de sociétés privées par pays et de les mettre à la disposition des entreprises : c’est le minimalisme du minimalisme ! », s’agace Étienne Vauchez. Or, rappelle-t-il, un dialogue avait été entrepris entre la direction de BF et celle de l’OSCI en septembre 2014, après la publication d’un avis de l’Autorité de la concurrence, sur saisie de l’OSCI, qui avait notamment rappelé à l’ordre l’agence (qui s’appelait alors Ubifrance) en lui recommandant de mettre en place une comptabilité analytique afin de séparer les activités relevant du service public, car financées par l’impôt, et celles relevant du commercial, donc devant respecter les règles du marché.
« Nous, nous souhaitions un accord à trois, qui stipule que lorsque le service public s’arrête, les privés prennent le relais, que ce soit des OSCI ou des CCIFI ou d’autres. Je l’ai dit et redit à Muriel Pénicaud« , souligne encore Étienne Vauchez, qui cite aussi Jean-François Gendron, le président de CCI International, Arnaud Vaissié, le président de CCI France International et Dominique Brunin, le directeur délégué des deux structures à Paris. « Nous avons appris par la bande que cet accord serait signé sans nous une semaine avant le forum », dénonce-t-il, amer, en expliquant que l’OSCI n’a cependant pas voulu réagir plus tôt pour ne pas perturber l’événement auquel elle avait été associée par le secrétaire d’État. Étienne Vauchez faisait partie des dirigeants d’organisations prestataires de services, publiques et privées, qui, dans une vidéo diffusée pour la première fois lors du forum, expliquaient ce qu’ils pouvaient faire pour les entreprises à l’export. »Cette vidéo a été faite en février, quand nous avions encore l’impression d’être dans la boucle », ironise-t-il.
Mais il compte bien faire passer le message lors de l’installation du Conseil stratégique de l’export, auquel il a été convié par Matthias Fekl, en brandissant à nouveau la menace d’une saisie de l’Autorité de la concurrence qui, cette fois-ci, n’épargnera pas les CCI.
Le Conseil stratégique de l’Export, dont c’est la réunion d’installation aujourd’hui, est un nouvel organe de gouvernance créé à l’initiative du secrétaire d’État au Commerce extérieur, pour suivre le plan d’action énoncé par Matthias Fekl le 11 mars*** et coordonner « le travail des acteurs français en charge de l’internationalisation des PME au plan national et régional. Il est aussi censé incarner la stratégie du secrétaire d’État, puisqu’il élaborera les objectifs et le bilan de la politique du commerce extérieur qui sera présenté chaque année devant le Parlement.
Christine Gilguy
*Forum des PME à l’international : Matthias Fekl obtient un “parcours unifié de l’export” pour les PME
**Business France-CCI France International : la longue marche vers un “parcours de l’export unifié”
***Forum des PME à l’international : le plan d’action de Matthias Fekl pour doper les PME à l’export