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C’est dans un grand pays -près de 80 millions d’habitants- où la France a perdu d’importantes parts de marché (PDM) que Laurent Fabius va visiter « prochainement », et nul doute que le ministre français des Affaires étrangères aura à cœur de pousser les atouts commerciaux des entreprises tricolores alors que sa ligne qualifiée de « dure » durant les négociations sur le nucléaire iranien avait pu faire craindre aux milieux d’affaires français qu’elle ne nuise à une future relance des relations économiques entre les deux pays. Les enjeux pour la France sont loin d’être négligeables. Alors que les importations iraniennes connaissent une embellie depuis 18 mois (+ 4,16 % entre janvier et mai 2015), la France ne figure plus au top 10 des fournisseurs de la République islamique depuis 2012, devancée par l’Allemagne, l’Italie et les Pays-Bas, et elle peine, depuis l’an dernier, à profiter de l’allègement des sanctions internationales décidé dès novembre 2013.
Selon les statistiques d’importations iraniennes compilées par la base de données GTA-GTIS, la France a été recalée au treizième rang des pays fournisseurs de l’Iran à partir de 2012, alors qu’elle figurait au 7e rang en 2011 : avec 417,7 millions d’euros (M EUR), en recul de – 13,3 % l’an dernier, sa PDM dans les importations iraniennes atteignait à peine 1,07 % (1,41 % en 2013). Et la tendance à l’érosion de sa PDM se confirmait sur les cinq premiers mois de l’année 2015 (janvier-mai) : 1,01 % de PDM, avec des achats iraniens de 172,6 M EUR, pourtant en légère hausse de 2,8 %.
Plombée par l’absence des banques françaises des circuits de financements du commerce extérieur iranien*, la France peine donc depuis 18 mois à profiter de l’embellie des achats extérieurs iraniens constatée depuis l’allègement des sanctions internationales décidées en novembre 2013. De fait, en 2014, les importations iraniennes ont connu un rebond de 14,6 %, atteignant un montant global de 39,162 milliards (Mds) EUR après avoir chuté de 13,8 % en 2013. La tendance au rebond se poursuivait début 2015 avec une progression de 4,1 % des achats iraniens sur les cinq premiers mois de l’année (janvier-mai), à environ 17 Mds EUR.
Les gagnants de l’embellie des importations iraniennes : Asie et Europe
Qui sont les gagnants de cette embellie des approvisionnements extérieurs iraniens ? On trouve toujours les Émirats arabes unis (UAE), hub traditionnel du commerce avec la République islamique depuis les sanctions internationales. Mais l’Asie, avec quatre pays fournisseurs dont la Chine, devenu le numéro 1 en 2014 devant les EAU, est bien placée, de même que l’Europe avec cinq pays dont la Turquie, au 5ème rang et trois pays de l’Union européenne (UE), en tête desquels l’Allemagne, au 6ème rang. Voici le top 10 2014 et les tendances sur les cinq premiers mois de 2015 (janvier-mai) :
1- Chine : avec 9,187 Mds EUR, en progression de quelque 43,5 %, les achats iraniens à la Chine sont en plein boom, ce qui a permis à Pékin de ravir la première place aux EAU avec 23,46 % de PDM dans les importations iraniennes. Machines/chaudières, fonte et acier, automobiles sont les trois premiers postes des achats iraniens de produits chinois. Sur les cinq premiers mois de 2015, la Chine creuse son avantage avec des achats iraniens en hausse de 21,7 % et une PDM de 25,3 %.
2- EAU : avec 8,652 Mds EUR, en hausse de 26,4 % et une PDM de 22, 09 %, les EAU restent un partenaire commercial majeur. Les trois premiers postes sont l’automobile, les machines/chaudières, la fonte/acier. Mais sur les cinq premiers mois de 2015, les flux en provenance des EAU s’essoufflent : -9,2 % et une PDM de 20,45 %.
3-Corée du Sud : avec 3,128 Mds EUR et 7,99 % de PDM, la Corée du Sud est le 3ème fournisseur de l’Iran et elle progresse (+8,5 %). Ses trois premiers postes : machines/matériels électriques, machines/chaudières, produits en matières plastiques. Tendance qui s’accentue sur les cinq premiers mois de 2015 : avec des achats iraniens en hausse de 51,6 %, la Corée du Sud voit sa PDM grimper à 9,85 %.
4-Inde : avec 3,039 Mds EUR et 7,76 % de PDM, l’Inde a progressé de 8,5 % dans les importations iraniennes en 2014 avec comme trois premiers postes les céréales, les résidus de déchets alimentaires et la fonte/acier. Sur les cinq premiers mois de 2015, avec une chute de 19,3 % des flux et une PDM à 6,76 %, elle est toutefois distancée par la Turquie.
5-Turquie : avec 2,86 Mds EUR et 7,3 % de PDM, la Turquie est l’autre pays fournisseur de l’Iran dont les flux sont en forte progression dans les achats extérieurs iraniens (+10,9 % en 2014). Les trois premiers postes sont machines/chaudières, céréales et produits en matières plastiques.
6- Allemagne : 1,884 Md EUR et 4,81 % de PDM, des importations iraniennes en hausse de 3,1 % en 2014, l’Allemagne revient sur le marché iranien et est en tête des pays fournisseurs de l’Union européenne. Les trois premiers postes sont machines/chaudières, céréales et produits pharmaceutiques. L’Allemagne s’essouffle toutefois sur les cinq premiers mois de 2015 : les flux sont en recul de 7,6 % pour une PDM de 4,28 %.
7-Suisse : avec 1,57 Md EUR, la Suisse est le dernier pays de ce top 10 à dépasser le milliard dans les importations iraniennes. En recul (-22,8 %), sa PDM s’érode à 4,01 %. Les trois premiers postes sont céréales, résidus de déchets alimentaires et produits pharmaceutiques. Les achats à la Suisse connaissent cependant un fort rebond sur les cinq premiers mois de 2015 avec +64,2 % et une PDM de 5,97 %.
8-Pays-Bas : avec 786,7 M EUR, en recul de 19,2 %, les Pays-Bas, par lesquels passent les flux d’autres pays de l’UE, affichent une PDM de 2,01 %. Les trois premiers postes sont céréales, résidus de déchets alimentaires et graisses/huiles (végétales et animales). Le pays peine à maintenir son rang : sur les cinq premiers mois de 2015, sa PDM est tombée à 1,48 %, malgré un rebond de 4,8 % dans les importations iraniennes.
9-Italie : avec 751 M EUR, en hausse de 11,8 % et une PDM de 1,92 %, l’Italie, est aussi un des gagnants de la reprise des importations iraniennes. Les trois premiers postes sont machines/chaudières, produits pharmaceutiques et machines/matériels électriques. Sur les cinq premiers mois de 2015, l’Italie améliore fortement sa position avec des montants en hausse de 47,8 % et une PDM qui s’établit à 2,27 %.
10-Taïwan : avec 567,9 M EUR, en hausse de 37,2 % et une PDM de 1,45 %, Taïwan est également en grande forme dans les importations iraniennes. Les trois premiers postes sont fonte/acier, produits en matières plastiques et machines/matériels électriques. Mais Taïwan disparaît du top 10 sur les cinq premiers mois de l’année, devancée par le Royaume Uni, dont la PDM s’établit à 1,59 %.
A noter que le Royaume Uni, au 12ème rang des pays fournisseurs de l’Iran en 2014 (PDM 1,32 %), juste derrière la Russie, semble faire un retour en force sur le marché iranien, malgré des à-coups d’une année sur l’autre : les achats iraniens à ce pays ont quadruplé depuis 2012, passant de 144,8 M EUR en 2012 à 516,9 M EUR en 2014…
Christine Gilguy
*France-Iran : trouver une banque reste un casse-tête pour les exportateurs