Faut-il avoir peur de l’État islamique en Irak et au Levant (EILL) ? Depuis la Syrie, le groupe terroriste sunnite a déferlé sur l’ancienne Mésopotamie jusqu’aux abords de Bagdad. Son offensive éclair a surpris une Armée désorganisée depuis la perte des principaux cadres de l’ex régime de Saddam Hussein. « Mais je ne suis pas très inquiet. Les affaires vont reprendre dans quelques semaines, quelques mois, à Bagdad où tout se décide, même les infrastructures qui sont construites au nord dans le Kurdistan autonome. Et ce pour deux raisons », expliquait un expert français, à l’occasion d’une réunion restreinte du groupe Adit-Salvéo avec des hommes d’affaires à Paris, à laquelle était invitée La Lettre confidentielle, seule publication présente. Au passage, faisait-il remarquer, « EILL était déjà avant présent à Falloujah, à quelques encablures de la capitale, mais personne n’en parlait alors plus que cela ».
Première raison avancée par cet expert, EILL ne compterait pas 20 000 combattants au total, mais seulement 6 000. Deuxième raison, la population, appelée par des religieux musulmans à défendre la nation, ce sont 30 000 personnes qui s’apprêtent déjà à rejoindre l’Armée du gouvernement chiite à Bagdad. L’Iran chiite, qui produit autant de pétrole que l’Irak (2,7 millions de barils par jour), ne veut surtout pas d’un pouvoir sunnite, représenté par EILL en Irak, pays, au demeurant à majorité chiite (65 %), les sunnites étant donc minoritaires (15 %).
Du coup, Téhéran et Washington esquissent un rapprochement qui pourrait être scellé en cas d’accord sur le nucléaire iranien. A la place de l’Arabie saoudite, pointée du doigt pour son soutien financier à EILL, la République islamique pourrait également devenir pour l’Occident un grand fournisseur d’hydrocarbures.
Encore faut-il que l’Irak trouve ses marques sur le plan politique. Sunnites et Kurdes sont particulièrement remontés contre le Premier ministre chiite, Nouri al-Maliki, qui a tenté de les marginaliser. En 2011, après neuf mois de discussions tripartites, le chef du gouvernement s’était accaparé les portefeuilles des Affaires étrangères et de l’Intérieur. A son tour, pendant les dernières attaques militaires, l’Armée de la région autonome du Kurdistan est entrée à Kirkouk, faisant ainsi un coup double : éviter que la ville ne tombe entre les mains du groupe terroriste et prendre pied dans une région pétrolière que se disputent Erbil et Bagdad.
Enfin, tout récemment à Bagdad, Nouri al-Maliki a cherché à obtenir les pleins pouvoirs du Parlement. En vain, car le quorum n’était pas atteint, les représentants kurdes ayant refusé de siéger. « Finalement, le Parlement devrait quand même tenir une réunion d’urgence », affirme l’interlocuteur de la LC.
François Pargny