Donner une dimension économique à la francophonie : telle est l’une des ambitions du rapport Attali sur la francophonie, remis le 26 août à François Hollande. Tel est aussi l’un des objectifs affichés par le Burundais Pierre Buyoya, l’un des candidats au poste de secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), considéré comme un des favoris.
Mais les jeux sont loin d’être faits à deux mois du Sommet de la francophonie . Ils sont ainsi six en lice avec la Canadienne Michaëlle Jean, le Congolais Henri Lopes, le Congolais de RDC (ex-Zaïre) Tharcisse Loseke Nembalemba, le Malien Dioncounda Traoré et le Mauricien Jean-Claude de l’Estrac à briguer la succession à la tête de l’OIF de l’ancien chef d’État sénégalais Abdou Diouf (2003-2014), qui sera annoncé lors du XVe Sommet de la francophonie, à Dakar, les 29 et 30 novembre prochains.
Envoyé spécial de la francophonie au Burundi et haut représentant de l’Union africaine (UA) au Sahel, Pierre Buyoya serait « le choix logique », selon un familier des arcanes africains. L’ancien chef d’État burundais (entre 1987 et 1993 et 1996-2003) « possède le profil et l’expérience, mais, précise l’interlocuteur de la Lettre confidentielle, il est arrivé au pouvoir à chaque fois à l’occasion d’un putsch et d’aucuns s’interrogent sur sa capacité et sa crédibilité comme médiateur en cas de conflit, rébellion, renversement militaire ou civil ».
Une inquiétude que partageraient plus particulièrement certains diplomates de haut niveau, tant au nord qu’au sud, particulièrement sensibilisés à l’heure actuelle par le but affiché par Madagascar, pays très instable politiquement, d’adhérer à l’OIF. Au demeurant, la Grande Ile participera au Sommet de Dakar et le Sénégal serait prêt à l’aider à organiser cet évènement à Tananarive en 2016.
A Pierre Buyoya pourrait alors être préférée Michaëlle Jean, ex-gouverneur général du Canada (chef d’État) entre 2005 et 2010, une polyglotte d’origine haïtienne soutenue par Ottawa. Le poids du Canada s’est renforcé depuis plusieurs années dans cette instance : le haut fonctionnaire québécois Clément Duhaime est administrateur de l’OIF. « Ottawa a même convaincu la France, État fondateur de l’OIF, de ne pas interférer dans les nominations concernant l’organisation », rapporte l’interlocuteur de la LC. Paris, selon lui, aurait, néanmoins, voulu « à un certain moment promouvoir la candidature d’un Vietnamien, au nom de la diversité de la francophonie, mais les Africains, qui comptent le plus grand nombre de locuteurs, ont rejeté fermement cette idée ».
Selon lui, « ce sont les Africains qui tiennent le manche ». Ce qui donnerait aussi une chance au Mauricien Jean-Claude de L’Estrac. Sauf que « cet ancien ministre n’a pas jamais été chef d’État et représente un petit pays excentré, donc pas tout à fait africain aux yeux des continentaux, bien que membre de l’UA », souligne-t-il. Il est, néanmoins, un des cofondateurs de la Commission de l’océan indien (COI), dont il est le secrétaire général actuel.
Il en est de même des autres candidats africains : Tharcisse Loseke Nembalemba est un neurologue sans grande expérience diplomatique et Henri Lopes, qui fut Premier ministre, ne semble pas y croire, dit-on à l’Unesco où il est ambassadeur. Même Dioncounda Traoré semble hors jeu, l’ancien président par intérim du Mali étant « barré, selon l’interlocuteur de la LC, par le fait qu’il est citoyen d’un pays d’Afrique de l’Ouest comme Abdou Diouf, ce qui est un handicap pour être élu».
De fait, à deux mois et demi du Sommet de la francophonie, aucun candidat ne semble encore devoir l’emporter, personne ne faisant l’unanimité. Pourrait-on assister au prolongement du mandat d’Adou Diouf ? Improbable, car l’homme, dit-on en aparté, est usé par vingt ans de pouvoir, dont onze à la tête de l’OIF, et son mandat a déjà été prolongé de six mois. Un septième, un huitième candidat ? Le nom du Libanais Michel Sleiman a bien été cité dans la presse. Mais c’est surtout celui de Blaise Compaoré qui retient l’attention des chancelleries.
Le chef d’État du Burkina Faso possède une longue expérience du pouvoir et fait figure de sage en Afrique francophone, y jouant au besoin un rôle de médiateur. En outre, les Occidentaux seraient tentés de pousser sa candidature pour l’empêcher de modifier la Constitution de son pays et de se représenter au scrutin présidentiel de novembre 2015. Toutefois, comme Pierre Buyoya, Blaise Compaoré se voit reproché une partie de son passé. En l’occurrence, certains estiment que lors de sa prise de pouvoir il s’est débarrassé froidement de son prédécesseur Thomas Sankara.
« Ce qui est certain, conclut, un peu fataliste, l’interlocuteur de la LC, c’est qu’il faut à l’OIF un dirigeant charismatique pour sortir l’organisation de sa torpeur ».
François Pargny
Pour prolonger
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