« Aucune banque française n’accepte de transaction avec l’Iran ». Le sénateur UMP Philippe Marini, président de la Commission des finances du Sénat, était catégorique en rendant compte à la presse, le 12 juin, de la Mission sénatoriale conduite du 22 au 29 avril dans la République islamique*.
« Société générale qui était un pivot important s’est totalement retiré de ce type d’intervention ». Et, selon la mission sénatoriale, la banque a refusé d’être le canal de paiement entre la France et l’Iran dans le cadre du Joint Plan of Action (JPOA), l’accord transitoire à propos du nucléaire iranien, ce que lui a rappelé le représentant de la Banque centrale iranienne rencontré sur place.
L’absence de rétablissement de circuits financiers fiables entre la France et l’Iran, et plus largement entre l’Europe et l’Iran, explique, pour les sénateurs français, l’essentiel du « blocage » actuel à une reprise plus franche des échanges commerciaux entre l’Hexagone et la République islamique, dans le cadre du JPOA. Obtenu par le groupe 5+1 (les membres du Conseil de sécurité + l’Allemagne) et signé le 24 novembre 2013 avec l’Iran, cet accord a permis un allègement des sanctions internationales durant la période des négociations dont le point d’achèvement est prévu le 20 juillet prochain.
Tout le monde contourne les embargos, sauf la France
Et à entendre les sénateurs français, tout le monde contourne les embargos, sauf la France. « Dans les usines iraniennes que nous avons visitées, nous avons vu fonctionner des machines outils récentes, venues d’Allemagne ou d’Italie, a indiqué le sénateur Marini. Les entreprises allemandes peuvent compter sur les Landers Banks qui n’ont pas d’exposition aux États-Unis ». Et de citer PSA et Renault, qui, eux, se sont retirés du marché iranien, provisionnant respectivement 900 millions et 800 millions de pertes.
« Alors certes, quand on voit les sanctions qui menacent BNP Paribas pour avoir utiliser du dollar, on peut comprendre» s’est offusqué le président de la Commission des finances. Dans ses recommandations, la mission sénatoriale a proposé de faire appel à la Banque Postale pour rétablir un circuit financier fiable avec Téhéran, car « elle n’a pas d’expositions aux États-Unis ». Et de citer PSA et Renault, qui se sont retirés du marché iranien, provisionnant respectivement 900 millions et 800 millions de pertes.
Un effet collatéral des menaces de lourdes sanctions qui pèsent sur BNP Paribas, à laquelle la justice américaine reproche d’avoir contrevenu entre 2002 et 2009 aux embargos américains sur Cuba, le Soudan et l’Iran en utilisant le dollar pour faire des transactions avec ces pays hors du territoire américain ?
Sans aucun doute, car si la négociation entre la banque française et la justice américaine -en l’occurrence celle de l’État de New York- arrive à son terme, faisant aujourd’hui la Une des journaux, cela fait des mois que l’instruction suit son cours. Parallèlement, « la France est victime d’un certain centralisme, mais le flou règne et personne ne sait exactement quoi faire », remarque un avocat qui connaît bien ce dossier. Et de remarquer qu’à Téhéran, circule en ce moment une publicité pour des vols directs entre Los Angeles et Téhéran alors qu’à Paris, l’Iran reste un sujet presque tabou depuis que le gouvernement américain s’est publiquement inquiété de l’organisation par Medef International d’une importante mission d’entreprises fin janvier début février 2014…
Si les entreprises françaises, elles, multiplient les signes d’appétit pour un retour en Iran -la mission de Medef International, déjà citée, avait attiré quelque 130 entreprises -, leur principal problème est de trouver une banque pour les suivre, même dans les secteurs « autorisés » durant la période transitoire, comme les produits humanitaires. D’autant plus que la reprise des échanges commerciaux de la République islamique, dans cette phase, doit s’appuyer sur l’utilisation d’avoirs iraniens gelés à l’étranger (4,2 milliards de dollars au total, au Japon notamment).
En attendant, elles doivent donc se contenter de préparer leur retour et de « pré-négocier » des contrats, ce qu’encourage vivement les sénateurs français. Et de ronger leur frein.
Christine Gilguy
* Cette mission sénatoriale était composée de six sénateurs, à parité majorité et opposition : outre Philippe Marini (UMP), Michèle André (PS), Aymeri de Montesquiou (UDI-UC) qui est aussi président du groupe interparlementaire d’amitié France-Iran, Phillippe Dallier (UMP), Jean-Claude Frécon (PS), Gérard Miquel (PS).
Note de l’éditeur : Cet article reprend les principales informations d’un article du même auteur à paraître dans la prochaine édition du magazine Moci.