En marge d’une conférence de presse au ministère des Affaires étrangères et du développement international (MAEDI), le 25 novembre, visant à présenter le grand projet franco-chinois de ville durable à Wuhan*, Martine Aubry, représentante spéciale de Laurent Fabius en Chine, n’a pas résisté au plaisir de livrer, aux côtés du ministre et en présence de l’ambassadeur chinois à Paris, Zhai Jun, son bilan d’action en Chine et sa vision des opportunités d’affaires dans les secteurs qu’elle a définis comme prioritaires : outre le développement urbain, l’agroalimentaire et la santé.
Ces secteurs, selon elle, « correspondent parfaitement aux besoins exprimés par le gouvernement chinois dans le 12e plan quinquennal ». Les Chinois sont « à la recherche de sécurité, de qualité, mais ils sont aussi ouverts à de nouveaux goûts ». Une chance à saisir en particulier dans l’agroalimentaire, affirme-t-elle, alors que les exportations françaises dans ce domaine ont décollé ces deux dernières années, s’élevant ainsi à 1,7 milliard d’euros en 2013, dont 46 % dans les vins et spiritueux et 20 % dans les produits laitiers.
Dans le lait, alors que l’ancien Empire du Milieu a subi plusieurs scandales sanitaires (lait coupé à la mélamine en 2008, etc.), Martine Aubry encourage les sociétés françaises à s’engager au moment où l’Australie et la Nouvelle-Zélande, «au top en matière d’exportation, sont arrivés à leur maximum ». Certes, il faut s’adapter et, dans le lait, en Chine il ne faut pas vendre du lait frais UHT, mais en poudre. C’est pourquoi le français Sodiaal a conclu un accord avec le chinois Synutra, portant sur la construction d’une usine de 100 000 tonnes de poudre de lait à Carhaix (Finistère) pour un montant de 100 millions d’euros.
Martine Aubry aurait également convaincu les grandes enseignes de distribution françaises, comme Auchan, de présenter plus de produits Made in France, et des PME de s’intéresser à un nouveau créneau en Chine, les produits sucrés. Les Chinois ne sont pas habitués au sucré, mais des PME, comme la Biscuiterie Saint-Michel, la Biscuiterie de l’Abbaye, le spécialiste des desserts Charles et Alice ou encore le fabricant de chocolat Cemoi, ont accepté de tenter leur chance.
De même, persuadée par la maire de Lille, la maison Paul a prévu de revenir en Chine, après y avoir essuyé un échec il y a plusieurs années. Elle s’était alors retirée du marché, laissant la place libre à la baguette parisienne d’origine coréenne. L’année prochaine, Paul doit s’implanter à Hong-Kong, Shanghai ainsi qu’à Pékin où un centre de formation des boulangers sera également ouvert.
Permettre à la France « de rééquilibrer son commerce vers le haut »
Parmi les autres avancées notables, Martine Aubry a mentionné « l’accord de coopération avec les porcheries chinoises, l’installation par Ceva Santé Animale d’une usine de production de vaccins contre la grippe aviaire et encore la reconnaissance de la charcuterie française ».
Dans la santé, les industriels français sont déjà très présents, à l’instar de Sanofi (6 500 personnes, dont 1 500 dans un centre de recherche et développement). La modernisation des hôpitaux et la « silver » économie offrent de nouvelles opportunités au Made in France. En 2010, le géant asiatique comptait 180 millions d’habitants de plus de 60 ans, un chiffre qui doit bondir en quinze ans pour passer à 400 millions en 2025. Des équipementiers, comme Legrand, peuvent placer leurs matériels dans les hôpitaux, des spécialistes des résidences pour personnes âgées peuvent aussi percer, comme Colisée ou Orpéa.
Développement urbain, agroalimentaire, santé, voici trois secteurs qui doivent permettre à la France « de rééquilibrer son commerce vers le haut », selon la formule de Laurent Fabius. Une nécessité déjà au regard du déséquilibre de la balance commerciale de la France dans le monde (- 77,45 milliards d’euros l’an dernier), mais l’Hexagone accusant aussi, rien qu’avec la Chine, un déficit commercial géant de près de 26,1 milliards d’euros, soit environ 32,41 % du total en 2013. Alors que ce grand émergent était son deuxième fournisseur mondial, derrière l’Allemagne, avec une part de marché (PDM) de 8,08 %, il n’était que le 20e fournisseur de la Chine, avec une PDM de 1,18 %, d’après les Douanes chinoises.
« Ce qui me frappe encore, confiait le 20 novembre Laurent Fabius, c’est le déclic qui s’est produit dans la venue d’investisseurs chinois chez nous, auquel s’ajoute la coopération franco-chinoise dans le renminbi offshore ». Paris est pour cette monnaie « la première place en zone euro », souligne l’ancien Premier ministre de François Mitterrand, qui n’a pas manqué de défendre le dossier Peugeot. Son partenariat avec Donfeng permet au constructeur tricolore « de faire ses meilleures affaires en Chine et, sans doute, de sauver ainsi des emplois en France », a-t-il appuyé.
Tout en se défendant de soutenir les délocalisations, Laurent Fabius s’est réjoui, en retour, du fait que la France est le premier pays d’accueil des investissements chinois en Europe. Martine Aubry est revenue à plusieurs reprises sur le sujet, estimant que la France pouvait se féliciter, notamment « pour des projets d’avenir », d’être préférée au Royaume-Uni ou à l’Allemagne.
François Pargny
*Lire : Chine : Laurent Fabius et Martine Aubry lancent le projet de ville durable à Wuhan
Pour aller plus loin :
Lire aussi :
-Secteurs porteurs : agroalimentaire, vins et spiritueux, e-commerce…
-Agroalimentaire : Ubifrance publie son guide “Où exporter en 2015 ?”
-Agroalimentaire : la Chine doit être considérée comme une terre d’investissement