Reprise partielle des activités d’Erai (Entreprises Rhône-Alpes International) par l’Ardi (Agence régionale du développement et de l’innovation) sous couvert de la Région ? Reprise d’Erai par un ou des investisseur(s) privé (s) ? Un mix des deux dans le cadre d’une sorte de consortium public/privé ? Les spéculations continuent à aller bon train dans les milieux d’affaires rhônalpins depuis que le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Lyon a clarifié le calendrier de la procédure judiciaire, le 14 avril. L’association rhônalpine, bras armé de la Région pour l’international, a échappé à la liquidation immédiate et a été placée en redressement judiciaire durant une période pouvant aller jusqu’au 5 octobre. Mais c’est le 9 juin, dans moins de 8 semaines, que le juge a donné rendez-vous aux éventuels repreneurs pour exposer leurs projets de reprise lors d’une nouvelle audience.
A ce stade, selon les informations collectées par La Lettre confidentielle, un seul projet solide se dessine assez clairement : celui de la Région, porté par Jean-Louis Gagnaire, vice-président du Conseil régional chargé du développement économique. Car si plusieurs entrepreneurs emblématiques de la région ont été approchés et ont examiné le dossier, les trois repreneurs potentiels privés évoqués ces dernières semaines par Daniel Gouffé, président d’Erai, et Laurent Van Soen, directeur général, ne seraient plus qu’un : il s’agirait de l’homme d’affaires lyonnais Bruno Rousset, fondateur du groupe April, courtier en assurance qui a connu de fort développements ces dernières années, notamment à l’international. Mais il n’a pas encore dévoilé ses intentions.
Le scénario de la Région : Ardi +privés
Comme nous l’avions précédemment annoncé, Jean-Louis Gagnaire, qui organise le retour de la Région sur ce dossier tout en ne manquant pas une occasion de désavouer l’actuelle direction d’Erai, a réuni différents protagonistes du dossier, pour beaucoup présents au conseil d’administration de l’association, à l’Hôtel de Région dans l’après-midi du 10 avril dernier. Une séance de brainstorming à laquelle n’était pas conviée Daniel Gouffé, qui a permis de mettre « cartes sur tables », selon un participant joint par la LC, et de jauger le positionnement des institutionnels -Chambre de commerce et d’industrie régionale, Bpifrance, Medef-Rhône-Alpes, CGPME-Rhône-Alpes, OSCI -, de certains élus et chefs d’entreprises membres du conseil.
Selon nos informations, en sont ressortis les contours un peu plus précis du projet de reprise partielle des activités d’Erai associant l’Ardi -dont le le président Philippe Morin-Perrier, lui même à la tête de l’entreprise HEF R&D était présent- et les privés, dont ceux de l’OSCI (Opérateurs spécialisés du commerce international). Un projet pour lequel Jean-Louis Gagnaire milite en réalité depuis le 6 mars, date du rejet par la Commission permanente du Conseil régional de tout nouveau financement pour Erai.
Ce scénario, qui peut évoluer dans ses contours dans les prochaines semaines, implique a priori une disparition de la structure Erai en tant que telle et la reprise d’une partie seulement de ses 128 salariés et de ses filiales. Les activités régaliennes déléguées à l’agence par la Région dans le cadre de ses accords de coopération internationaux seraient transférées à l’Ardi et seuls une demie douzaine de bureaux jugés stratégiques seraient alors conservés dans ce cadre : Allemagne, Chine (Shanghai), États-Unis (Pennsylvanie), Canada (Québec) et Vietnam.
Les privés, notamment les OSCI, qui ont un représentant au conseil d’administration d’Erai, pourraient alors se positionner sur la reprise d’une douzaine d’autres bureaux, afin d’assurer, notamment, la continuité des contrats en cours : quelques 270 entreprises bénéficient actuellement des prestations d’accompagnement d’Erai, et 98 personnes (dont des VIE) sont actuellement « portéses » dans les incubateurs de l’agence à l’étranger. L’OSCI ne cachait pas ces dernières semaines l’intérêt de plusieurs de ses membres pour certaines implantations d’Erai à l’étranger. Il est à parier que les candidats à ces reprises demanderont alors à la Région des garanties de continuation des flux d’activités.
Les autres bureaux -Erai en compte 27 dans le monde- seraient fermés. Information surprenante confirmée par plusieurs sources : les filiales actuelles d’Erai, toutes structures indépendantes, continueraient à prospecter de nouveaux clients. Certaines d’entre elles en auraient même gagné de nouveaux…
Un nécessaire accord avec les Verts
Mais pour le mener à bien, Jean-Louis Gagnaire devra trouver un nouvel accord avec les élus écologistes du groupe EELV (Europe Ecologie Les Verts) au Conseil régional. L’Ardi aura en effet besoin d’une subvention supplémentaire de la Région pour assumer ces nouvelles charges. La fenêtre de tir est courte : la prochaine réunion plénière de l’assemblée régionale doit se tenir le 7 mai. Des négociations sont en cours : l’élu régional a rencontré Jean-Charles Kohlhaas le 14 avril à ce sujet.
Joint par la LC le 14 avril, le coprésident du groupe EELV au Conseil régional a confirmé cette rencontre. Plus d’un mois après le traumatisme provoqué par le refus de voter de nouveaux financements pour Erai par une majorité de conseillers régionaux de droite, d’EELV et du FN, les Verts et le PS ont ainsi convenu de se réunir à nouveau « dans les 15 jours » à venir pour tenter de trouver un accord.
Mais la négociation s’annonce difficile. Pour l’élu Vert, seule la proposition émanant de l’OSCI, dont « certains membres pourraient reprendre certaines filiales», est « crédible et sérieuse ». Si Jean-Charles Kohlhaas considère que l’Ardi « fait un bon boulot », il estime également que la structure « n’est pas adaptée ». C’est « une association, dans laquelle la Région est peu représentée », estime-t-il. Association loi 1901, l’Ardi est dirigée par un conseil d’administration de 9 membres, dont 5 issus du monde industriel (incluant son président) et 4 de « centres de compétences publics », selon les quelques informations fournies sur son site Internet (www.ardi-rhonealpes.fr).
Pour Jean-Charles Kohlhaas, il faut « une structure de type coopérative, si l’on crée une société mixte, une structure avec des partenaires privés et publics », ou « un établissement public si l’on veut une institution totalement publique ». Quant aux 128 salariés d’Erai, l’élu Vert estime qu’une grande partie doit être reprise pour des missions d’intérêt public par la Région. La question est de savoir si son point de vue fait l’unanimité chez les Verts, dont certains militants seraient à présent favorables à un sauvetage de l’agence.
Reste enfin à savoir si d’autres porteurs de projets ne vont pas finalement s’inviter autour de la table.
Christine Gilguy et François Pargny
Pour prolonger :
Lire les précédents épisodes du feuilleton Erai :
– Spécial Rhône-Alpes : le calendrier se précipite pour Erai, la Région fait son retour autour de la table
– Spécial Rhône-Alpes : la direction d’Erai évoque trois repreneurs potentiels
– Spécial Rhône-Alpes : Erai va se mettre sous la protection du Tribunal de Grande Instance (TGI)
– Rhône-Alpes : les salariés d’Erai appelle à la mobilisation pour sauver l’agence