« Rien n’est jamais acquis, tout peut bouger très vite », remarque un bon observateur du microcosme du Commerce extérieur. En Chine, la France est toujours à la recherche d’un modèle pour bâtir sa « maison » des entrepreneurs. Le ticket Ubifrance/Erai n’apparaît plus comme la solution miracle. La récente polémique déclenchée par les élus écologistes au conseil régional de Rhône-Alpes le modèle économique d’Erai*, pourrait en effet conforté la position plutôt prudente adoptée jusqu’ici par Fleur Pellerin.
Depuis sa nomination en avril, la secrétaire d’État au Commerce extérieur n’a jamais vraiment confirmé de façon claire son soutien à ce projet. Le reflet d’une position partagée à la fois par le Quai d’Orsay et par Bercy. Début juin, lors de la présentation du bilan 2013 d’Ubifrance, Fleur Pellerin s’était contentée de confirmer que le projet de Shanghai « est envisagé avec Erai », tout en annonçant une évaluation des expériences déjà lancée aux États-Unis, avec le French Tech Hub (partenariat avec la région Île-de-France) et à Shanghai. Si la formule « incubateur » s’avérait concluante, avait précisé Fleur Pellerin, des partenariats seraient à trouver, mais pas seulement avec les Régions **.
Le projet initial prévoyait d’installer une telle structure, à la fois vitrine de la France et incubateur de PME, dans les locaux sous gestion d’Erai à l’Espace Rhône Alpes à Shanghai, ceux de l’ancien pavillon de cette région à l’exposition universelle de 2010. Initié sous Nicole Bricq, ex. ministre du Commerce extérieur, il visait à répondre à la fois à une attente des entreprises de l’agroalimentaire –dans le cadre du Comité Asie monté par Stéphane Le Foll– et à honorer une promesse présidentielle faite à l’issue des Assises de l’entrepreneuriat, qu’avaient coordonnées Fleur Pellerin lorsqu’elle était à Bercy.
Mais si une convention pour une offre commune de services intégrés –incluant l’incubateur d’Erai à Shanghai- lie bien Ubifrance et Erai en Chine depuis le 3 février 2013, elle n’engage que les bureaux chinois des deux agences, pas leurs maisons mères en France : elle avait été signée par Isabelle Fernandez, directrice du bureau d’Ubifrance en Chine et Jean-Maurice Hébrard, directeur d’Erai Chine.
Pour le reste de la Chine, ce modèle pourrait être délaissé au profit d’un projet intégrant d’entrée davantage de partenaires, notamment la puissante Chambre de commerce et d’industrie française en Chine (CCIFC), qui possède des antennes dans les principaux centres économiques chinois et une offre de postes de travail destinée aux entreprises. Des réflexions sous l’égide de l’ambassade et du Service économique régional, dirigé par Jean Leviol, ministre conseiller pour les Affaires économiques et commerciales, sont en cours.
De quoi taire la grogne dans les CCI françaises à l’international (CCIFI), où l’on n’a pas digéré d’être exclus des premières «maisons» de la France à l’international. « Il faut bien reconnaître qu’elles n’avaient pas vraiment cru au projet de San Francisco et ne s’étaient pas précipitées lorsque Bercy les avait sollicitées », tempère un proche du dossier. Aujourd’hui, les CCIFI d’Asie, notamment celles de Chine, Hong Kong et Singapour, qui sont régulièrement citées en exemple par Arnaud Vaissié, le président de leur fédération CCI France International, ont fait savoir qu’elles veulent en être.
La Chine, terrain d’expérimentation d’un modèle de partenariat public-privé de nouvelle génération pour les futurs « incubateurs » de champions de l’export ? Il semble qu’on en prenne le chemin. À suivre…
Christine Gilguy
*Relire : Rhône-Alpes : la polémique qui enflamme le microcosme du Commerce extérieur
**Relire : Maisons de l’international, Marque France : entre réflexion et recentrage