Le discours du secrétaire d’État au Commerce extérieur, Matthias Fekl, pour la convention annuelle de CCI International et CCI France International, le 29 juin, était fort attendu des représentants des compagnies consulaires, tous des directeurs généraux et présidents des services internationaux des Chambres de commerce et d’industrie (CCI) en France et des CCI françaises à l’international (CCIFI), le rapprochement avec l’agence nationale Business France pour construire un « parcours unifié » de l’internationalisation pour les PME étant au centre de leurs préoccupations depuis des mois*.
Lors du déjeuner, qui s’est tenu à la CCI Paris Ile-de-France, le secrétaire d’État au Commerce extérieur a reconnu que la convention cadre de partenariat signée le 11 mars par Business France et les organisations centrales des réseaux consulaires à Paris, CCI International et CCI France International, avait suscité « des interrogations et des incompréhensions au départ »**. Mais, selon lui, « elles sont aujourd’hui levées, un cadre national existe qui va être décliné par pays ». Il faut «un système, lisible, qui ne soit pas uniforme, avec des déclinaisons locales », a-t-il martelé, réitérant le souhait, exprimé en introduction de son intervention par Arnaud Vaissié, président de CCI France International, que «toutes les conventions pays soient conclues sur le terrain d’ici la fin de l’année ».
Pas sûr que les participants aient été aussi convaincus que le secrétaire d’État et le président de CCI France International ne le voudraient. A ce jour, d’après les informations recueillies par la Lettre confidentielle (LC) à ce déjeuner, seulement quatre accords sont signés, dont un en Pologne, et un cinquième pourrait être paraphé la semaine prochaine. Une quinzaine seraient par ailleurs prêts à la signature. Et pour l’heure, tout autant les réseaux consulaires que Business France restent discrets sur ces accords, aucun communiqué officiel n’ayant été publié à leur sujet.
Arnaud Vaissié : le modèle économique des CCIFI reste « fragile »
En recueillant divers témoignages lors du déjeuner, la LC a pu constater que les responsables de certaines CCIFI étaient à peine calmés, après des mois de grogne. C’est que, comme l’a rappelé Arnaud Vaissié, composé de 113 chambre dans 83 pays avec la récente admission de la nouvelle CCI française au Ghana, « le réseau des CCIFI s’autofinance à 97 % et son modèle économique reste fragile ». Entre Business France et les CCIFI, c’est donc deux mondes différents et, comme l’indiquait le président d’une CCI française au sud de la Méditerranée, « avec Business France, c’est une cohabitation non désirée, mais acceptée ».
Comme nous l’avait confié la semaine dernière (lire la LC n° 152) Romain Duriez, le directeur général de la CCI France-Suisse, il est impensable d’appliquer « un découpage strict sur l’amont et l’aval » de l’accompagnement des entreprises à l’international, chaque acteur, la Chambre comme Business France ayant besoin d’agir dans les deux domaines. En Suisse comme dans ce pays au sud de la Méditerranée pré-cité, on s’oriente plutôt vers une répartition sectorielle : il s’agirait alors de reprendre les grandes familles de produits prioritaires du commerce extérieur (mieux se soigner, mieux se nourrir, etc.) et les répartir avec Business France, une piste également privilégiée par une autre CCIFI dans un pays africain.
Des options très différentes selon les territoires
Évidemment, les options peuvent être très différentes selon les territoires. La Belgique n’est pas les États-Unis. Outre Quiévrain, comme en Suisse, les deux organismes travaillent main dans la main depuis longtemps. « Business France et la Chambre pensent qu’il serait dangereux de modifier ce bon équilibre et donc nous sommes d’accord pour ne pas signer de convention », a ainsi livré à la LC Renaud Bentégeat, qui préside CCI France Belgique.
Autre cas particulier, les États-Unis. D’un côté, Business France avec cinq implantations, quatre bureaux et une antenne, et de l’autre le réseau des CCI France États-Unis, composé de 19 à 20 chapitres locaux répartis sur tout le territoire. « Nous avons juste constitué un groupe de travail, piloté par Juan-Luis Goujon, président du conseil de la Chambre de commerce franco-américaine de Chicago », a délivré à la LC Elsa Berry, présidente nationale de la Facc (French American Chamber of Commerce).
Aux Etats-Unis, le chantier s’annonce compliqué mais un accord s’avère nécessaire, dans un contexte où les CCI couvrent des régions difficiles d’accès pour Business France. Il faudra tenir compte du fait que certaines CCI ont développé des spécialisations sectorielles, comme New York pour le luxe et la mode ou Seattle pour l’aéronautique. Autrement dit, les partenaires vont devoir travailler d’arrache-pied.
Des spécificités pays qui rendent d’autant plus compliquées les négociations avec Business France. Le « parcours unifié » de l’export est certes en voie de « pacification », mais on est encore loin de l’harmonie rêvée par ses promoteurs. Les entrepreneurs et PME devront s’armer de patience !
François Pargny
*Lire dans la LC n° 52 du 25 juin : Commerce extérieur : le “parcours unifié de l’export” pacifié ?
**Forum des PME à l’international : Matthias Fekl obtient un “parcours unifié de l’export” pour les PME