Après les statuts et la nouvelle identité*, la fusion effective. La deuxième étape de la fusion d’Ubifrance et de l’Afii (Agence française pour les investissements internationaux), doit donner concrètement corps à cette nouvelle agence et concrétiser la nouvelle « dynamique » promise en matière de soutien des PME et ETI à l’export, d’attraction des investisseurs étranger en France, et de promotion d’une image plus moderne du territoire à l’international. « Les nominations au conseil d’administration sont en cours de préparation », a précisé Muriel Pénicaud à quelques journalistes conviés le 16 janvier au siège du boulevard Saint-Jacques, pour un échange informel. Désormais à l’aise pour davantage communiquer, celle-ci compte tenir son premier conseil d’administration fin mars ou début avril.
Le conseil d’administration de l’Etablissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) Business France compte quelque 22 membres, dont deux pour chacun des grands pôles du gouvernement Quai d’Orsay et Bercy, et un pour le ministère chargé de l’Egalité des territoires, les trois tutelles de l’agence**.
Bercy-Quai d’Orsay-Business France : « un triangle d’or qui marche bien »
Très assurée dans son nouveau fauteuil de directrice générale de Business France, elle semble d’ailleurs bien s’accommoder de cette tutelle plurielle, reflet d’un écosystème encore complexe. « Aujourd’hui avec le Quai et Bercy, on forme un triangle d’or qui marche bien. Presque tout a convergé, les arbitrages ont été à la marge », a assuré Muriel Pénicaud.
Dans ce contexte, pour elle, l’intérêt de la fusion ne fait aucun doute. Il s’agit « d’amener de la valeur ajoutée en combinant les flux, car l’enjeu de l’internationalisation ne s’analyse pas seulement en in ou out », a argumenté Muriel Pénicaud qui conservera, à la tête de Business France, son titre d’ambassadrice aux investissements internationaux. Autrement dit, même sur les salons, « on ira avec cette double casquette », à la fois pour promouvoir l’offre française et capter de nouveaux investisseurs étrangers en France.
Il y a un deuxième enjeu, selon elle : avec une agence publique unique, les relations avec les autres grands acteurs de l’écosystème sont censées être facilitées. Et de citer en exemple les 22 Régions avec lesquelles tout autant Ubifrance que l’Afii avaient chacune des conventions, et d’autres avec lesquels il faut travailler pour combler les « trous » de l’écosystème du commerce extérieur -les chambres de commerce- ou supprimer les « doublons », comme Sopexa. Business France travaillera aussi davantage avec les pôle de compétitivité ou encore les têtes de ponts des 34 plans industriels dont la simplification a été elle aussi annoncée. A l’étranger cela va « renforcer le triangle d’or constitué par l’ambassade, le service économique et Business France », a-t-elle ajouté.
Négocier son COP 2015-2017 et un contrat d’adaptation des agents de l’Afii
Mais d’ici son premier conseil d’administration, il faudra qu’elle mène de front deux négociations importantes : celle avec les représentants des personnels, dont elle doit unifier les statuts et les contrats, et celle avec ses ministres de tutelle pour sa feuille de route et son budget définitifs, dans le cadre du nouveau contrat d’objectifs et de performances (COP) 2015-2017 qui doit cadrer les activités de l’agence pour trois ans.
Sur le papier, Business France pèse, en cumulant les effectifs des deux anciennes structures, 1 535 personnes, dont environ les deux tiers à l’étranger (70 pays pour Ubifrance, 22 pour l’Afii). Son budget est d’un peu moins de 200 millions d’euros, dont environ 14 millions d’euros pour l’Afii, et le reste pour Ubifrance qui, outre la dotation budgétaire de l’Etat (108 millions pour 2015), a des revenus propres liés à ses opérations commerciales et aux programmes des Régions sur lesquels elle est opérateur, qui représentent de 40 à 45 % de son budget, selon la directrice générale.
Face à la presse, cette ancienne DRH de Danone s’est montrée plutôt confiante quant à l’harmonisation des statuts et des plans de carrière du personnel car plusieurs éléments lui facilitent la tâche. L’Afii étant la plus petite des deux, la technique de fusion choisie est une absorption de l’Afii par Ubifrance; c’est donc un accord d’adaptation des statuts des personnels de l’Afii qui doit être négocié avec les organisations syndicales. De plus, elle a obtenu plus de temps –trois ans a-t-elle confié- pour dégager d’éventuelles synergies de sorte que « l’esprit dans lequel on est est qu’il y a des postes », autrement dit, personne à écarter.
Vers un renforcement du réseau dans les zones Asean et Afrique subsaharienne
Pour la feuille de route opérationnelle, Muriel Pénicaud a laissé filtré quelques unes des idées qui seront l’objet de négociations dans le cadre de la nouvelle COP. La perspective d’une réorganisation d’un réseau international désormais dédié à la fois au « in » et au « out », fait partie de celles qui devraient le plus intéresser les entreprises. « Nous avons identifié 40 pays à potentiel », a notamment indiqué la dirigeante, précisant qu’il s’agirait, « à effectif constant », d’ouvrir de nouveaux bureaux ou de renforcer les effectifs dans des bureaux existants. L’Asean et l’Afrique subsaharienne font partie des zones à renforcer, de même que le Moyen-Orient, où l’enjeu est aussi de mieux capter les flux d’investissements financiers.
En revanche, les PME ne devront pas s’attendre à une baisse des tarifs des prestations d’accompagnement à l’export, notamment sur les salons, sauf peut être les plus petites d’entre elles : « L’Autorité de la concurrence a été saisie, la mise en place d’une comptabilité analytique fait partie de nos chantiers », a rappelé Muriel Pénicaud. « On a fait tout un travail sur les coûts. Il y aura plus de transparence et un système d’aide décroissante en fonction de la taille des entreprises », a-t-elle précisé. Une annonce qui ne devrait pas déplaire aux consultants privés de l’OSCI, qui avaient été à l’origine de cette saisie***.
Enfin, reste aussi à concrétiser le rapprochement avec les autres partenaires de l’écosystème, notamment les chambres de commerce sur la répartition des taches et l’harmonisation des offres, et Sopexa, pour réduire les doublons dans le secteur agroalimentaire. « Avec les CCI, nous sommes en train de discuter très opérationnellement », a indiqué Muriel Pénicaud, qui a aussi évoqué la relance des travaux du portail unifié de l’international, mis en veille à cause de la fusion. Avec Sopexa, « les discussions avancent ».
Pour l’heure, son principal atout dans les négociations qui l’attendent est d’avoir bien balisé le terrain, tout en ménageant chacune de ses tutelles.
Christine Gilguy
*Relire : Business France : après l’identité, reste à fixer la feuille de route
**Le ministère de l’Agriculture est également représenté, de même que les Régions (2 représentants), le Parlement, les réseaux consulaires, les associations patronales (Medef, CGPME), les entreprises et les personnels, entre autres.
***Relire notamment : Aides à l’export : l’Autorité de la concurrence épingle Ubifrance, Bpifrance et Erai