« Avec les CCI, nous sommes en train de discuter très opérationnellement », avait indiqué Muriel Pénicaud, directrice générale de Business France, à la presse à propos du chantier du rapprochement de l’agence publique et du réseau consulaire*. Mais ce chantier, qui avait été lancé sous Nicole Bricq dans le courant de 2013 pour simplifier le « parcours de l’export » aux PME, a pris l’allure d’une longue marche dont la dernière étape en date, en décembre dernier, à été le recalage d’une première mouture d’accord par la base du réseau des CCI.
« Tout le monde est d’accord pour signer un accord, mais pas un accord mou », nous a confirmé Jean-François Gendron, président de CCI France International, organisation qui rassemble d’un côté les services dédiés à l’export des CCI en France -le réseau CCI International- et de l’autre les CCI françaises à l’étranger (CCIFI). « Cette première mouture, un document de travail que nous avions élaboré avec Ubifrance et que nous avions partagé avec notre réseau, était sans doute trop généraliste », a-t-il reconnu, joint le 27 janvier à Maurice, où il devait participer à une réunion régionale des directeurs de CCI françaises à l’international (CCIFI) basées en Afrique de l’Est et dans l’océan Indien.
Chacune des parties prenantes tient à préserver son modèle économique
En fait, les choses sont loin d’être simples tant chacune des parties prenantes tient à préserver son modèle économique. Une petite explication s’impose.
Business France est devenu le principal opérateur de l’État pour l’accompagnement des PME et ETI à l’international, avec comme point fort sa « capacité de projection des entreprises à l’étranger ». En France, il est présent en Région via ses directeurs régionaux et, sur le terrain, sa quarantaine de chargés d’affaires internationaux (CAI) détachés au sein de Bpifrance pour coacher les PME et ETI à fort potentiel exportateur. A l’étranger, il est présent dans 70 pays via ses bureaux. S’il bénéficie d’une dotation substantielle de l’État, sur le volet accompagnement à l’export – ex-Ubifrance -, il s’autofinance à 40-45 % via les revenus tirés de ses prestations commerciales aux entreprises. Et il n’est pas question, ni pour Bercy ni pour le Quai d’Orsay, que cette part d’autofinancement baisse, en cette période de disette budgétaire, sauf à risquer de remettre en cause son modèle économique et donc les ambitions qui sont placés en lui par le gouvernement. « 50 % des revenus externes de Business France proviennent de l’Europe : si des redéploiements d’Europe vers d’autres zones géographiques sont envisagés, il ne faudra pas qu’ils compromettent cet équilibre », confiait récemment un bon connaisseur du dossier au Quai d’Orsay.
Les CCI en France, qui ont un statut para-public, sont , elles, les opérateurs de proximité, pour beaucoup désormais au service des politiques de commerce extérieur des Régions, positionnés notamment sur le diagnostic et l’orientation des PME à l’export.
Enfin, les CCIFI, basées à l’étranger, sont, pour leur part, souvent des structures à statut privé, bilatérales (avec des membres français et des membres du pays de localisation), autofinancées, qui vivent de l’offre de prestations de services à leurs membres et aux nouveaux arrivants qui vont de la formation à la domiciliation.
« Si nous arrivons à une plateforme cohérente et efficiente, nous jouerons, nous-mêmes et Business France, notre rôle de colonne vertébrale de l’écosystème de l’export ».
Longtemps, ces différents acteurs ont joué leur partition en traînant des pieds pour se rapprocher, créant la confusion, notamment chez les entreprises. Leur défi est aujourd’hui de trouver une partition commune, jugée équilibrée par chacun, qui permette d’harmoniser et de coordonner leurs offres aux entreprises, le fameux « parcours de l’export unifié » promis par les ministres et secrétaires d’État au Commerce extérieur successifs depuis près de six ans.
« L’accord auquel nous devons parvenir doit bien définir le rôle des uns et des autres et bien engager les uns et les autres », souligne Jean-François Gendron. « Si nous arrivons à une plateforme cohérente et efficiente, nous jouerons, nous-mêmes et Business France, notre rôle de colonne vertébrale de l’écosystème de l’export ».
En l’occurrence, pour rallier les directeurs de CCI International en Région et les présidents des CCIFI à l’étranger, la nouvelle mouture doit permettre de prendre en compte les spécificités de chaque région et de chaque pays. Il doit aussi intégrer, à la demande de la base, d’autres acteurs tels que Bpifrance et les CAI. « On ne réglera pas toutes les spécificités par un accord global. Ce que l’on souhaite à présent, c’est établir un fil rouge le plus clair possible », explique encore le président de CCI International. « L’accord doit en outre être le plus lisible possible pour les entreprises, les autres acteurs tels que les OSCI, les Régions, l’État. Et c’est autant valable pour nous que pour Business France », insiste-t-il.
Est-ce les bienfaits de l’air de l’océan Indien, loin de la pression parisienne ? Le président de CCI France International n’est ni optimiste, ni pessimiste, peut-être seulement réaliste. « Nous en sommes actuellement à une discussion virile au sein de notre réseau, résume-t-il, mais j’espère revenir vers Business France avec une nouvelle mouture début février ».
C.G
* lire dans la LC n° 130 : Business France : Muriel Pénicaud dévoile ses orientations pour réussir la fusion