Et si la France rejoignait la Banque asiatique d’investissements dans les infrastructures (AIIB) officiellement créée par la Chine le 24 octobre dernier, avant le lancement du sommet de l’Apec (Asia-Pacific Economic Cooperation) ? « Pékin a mis sur la table 50 milliards de dollars et serait certainement prêt à payer la part de Paris », confie à la Lettre confidentielle un financier spécialiste de l’Asie.
Cette option paraît à notre interlocuteur d’autant plus crédible, malgré le lobbying américain pour empêcher Européens, Coréens ou Australiens d’adhérer au nouveau dispositif, que la présence de la France dans la Banque asiatique de développement (BAsD) est modeste.
Lors d’un atelier d’Ubifrance sur les financements internationaux en Asie centrale, le 18 novembre dernier, Martin Amar, le conseiller France pour la BAsD, indiquait que la France en est un actionnaire minoritaire, avec 2,2 % des droits de vote, et que « son retour sur investissement est faible et même inférieur à celui de l’Italie et de l’Espagne qui sont, pourtant, des actionnaires plus faibles ». Répondant à cette occasion à Matthieu Loussier, directeur Europe et Asie centrale d’Egis, qui s’interrogeait sur la place de l’AIIB en Asie, Martin Amar a répondu que l’établissement d’initiative chinoise « se place clairement en concurrence avec la BAsD ». Selon Martin Amar, « il y a des inquiétudes, mais ce n’est pas encore certain que la nouvelle banque puisse lever sur les marchés financiers des fonds à des conditions aussi satisfaisantes que la BAsD ».
Jusqu’à présent, 21 États ont annoncé leur participation à l’AIIB, comme l’Inde et tous les pays de l’Asean, à l’exception notable de l’Indonésie. Pour faire pression sur les États non régionaux et les dissuader d’y participer, Washington a évoqué le non respect des droits de l’Homme ou des règles de protection de l’environnement. « Mais, selon l’interlocuteur de la LC, la Chine a bien l’intention de créer une institution internationale respectable pour attirer notamment les Européens et, donc, il n’est pas certain que les conditions sociales et environnementales soient très en deçà de celles qu’offre la BAsD ».
Avec ses éventuels partenaires, la Chine aimerait doubler le capital de l’AIIB à 100 milliards de dollars, ce qui représenterait les deux tiers environ du capital de la BAsD. De son côté, l’institution basée à Manille (Philippines) depuis sa fondation en 1966, réfléchit à une réforme interne pour augmenter ses capacités d’intervention.
Quoi qu’il en soit, Pékin n’envisagerait pas de quitter la BAsD. « Non, la Chine est membre de la Banque asiatique de développement et le restera », parie l’interlocuteur de la LC, qui estime qu’elle préfère « être partout, tout en innovant», à l’instar de la nouvelle banque de développement des BRICS, dont les cinq participants (Brésil-Russie-Inde-Chine-Afrique du Sud) ont officialisé la création au Brésil en juillet dernier. Cette institution, qui se pose comme une alternative au FMI et à la Banque mondiale, doit être basée à Shanghai. Et le capital de départ doit être de 50 milliards de dollars, avec un objectif à terme de 100 milliards.
François Pargny
Pour prolonger :
Lire :
-L’Asie émergente va connaître une croissance de 6,5 % dans les 5 prochaines années (OCDE)
– Guide business Chine 2014