Près de six ans après la mise en place de la règle du 51/49 dans la loi de finances complémentaire de 2009, obligeant tout investisseur étranger à céder la majorité des parts dans une société ou à un projet à un ou des partenaire(s) algérien(s), l’Algérie cherche toujours les voies et moyens d’une politique industrielle efficace. Dans les semaines à venir, elle devrait ainsi annoncer de nouvelles mesures, visant à réduire les importations et à obliger les opérateurs internationaux à produire sur place.
Tel à été, en substance, le message délivré, le 1er juin, par l’ambassadeur d’Algérie en France, Amar Bendjama, aux 300 participants des Rencontres Algérie, organisées par Business France à Paris, les 1er et 2 juin. Des propos qui ont suscité une réaction de l’ambassadeur de France en Algérie, Bernard Emié, qui a demandé aux autorités algériennes de laisser aux entreprises françaises « le temps de s’adapter », qu’elles « ne soient pas dissuadées d’investir », que « l’on soit dans une situation agressive positive vis-à-vis de l’Algérie », a insisté le diplomate français.
De fait, les investisseurs étrangers avaient très mal réagi à l’obligation soudaine du 51/49, jugée à l’époque contreproductive et irréfléchie. Depuis, de l’avis de nombreux participants aux Rencontres, les entreprises françaises se sont « adaptées ». Ainsi, dans les pactes d’actionnaires, si la part locale est toujours majoritaire, il est souvent prévu que les investisseurs internationaux détiennent la majorité des droits de vote et assurent le management. Le problème est qu’aujourd’hui personne ne sait vraiment ce que le gouvernement algérien prépare. Seule certitude, c’est que pour que de nouvelles dispositions soient appliquées, elles doivent être inscrites avant le 1er juillet prochain dans la loi de finances complémentaire de 2015.
« C’est encore flou »
Sollicités par la Lettre confidentielle, certains experts du marché algérien ont rapporté qu’ils « avaient leur petite idée sur ce qui se tramait », tout en reconnaissant que « c’est encore flou ». De fait, les possibilités sont diverses. Selon un Français actif dans la communication, « plusieurs listes de produits interdits à l’importation circuleraient dans le but de pousser à produire sur place, mais leur nombre irait de 20 à 350 ». L’agroalimentaire sera, sans doute, particulièrement touché, « en raison de la facture alimentaire toujours très forte, malgré la volonté de l’État algérien de la réduire depuis plusieurs années », a-t-il précisé.
De fait, malgré l’instauration de la règle du 51/49, globalement les importations algériennes n’ont cessé d’augmenter, passant ainsi de 28,4 milliards d’euros en 2009 à 39,2 milliards d’euros en 2012, 41,3 milliards en 2013 et près de 44 milliards l’an dernier. Pis, d’après la base de données GTA/GTIS, depuis plusieurs années, les exportations ont diminué en valeur. De 55,9 milliards en 2012, elles ont reculé à moins de 50 milliards en 2013, puis à 47,6 milliards en 2014, et la chute des cours du pétrole arrive bien mal pour un pays, dont les hydrocarbures représentent environ 98 % des recettes d’exportation.
« Le gouvernement doit réfléchir avant d’interdire tel produit ou tel secteur à l’importation, car un mauvais choix pourrait provoquer des pénuries », a mis en garde un homme d’affaires algérien. Autres possibilités : limiter le nombre de licences et les montants d’importation. « Dans le passé, on avait fixé des plafonds d’importation, puis on les avait supprimés. Cette fois-ci, il serait question de ne permettre aux entreprises étrangères d’importer qu’en fonction de leur capital investi sur place », a confié à la LC un observateur algérien.
Selon un économiste français, « Alger veut une plus grande nationalisation du capital et du management pour s’assurer que les transferts de technologie soient effectifs ». Il serait donc demandé aux investisseurs étrangers de laisser une place croissante à leurs partenaires dans les décisions et la gestion quotidiennes.
François Pargny