Face à l’effondrement des exportations de vins français aux États-Unis en 2020, lié à la surenchère des taxes douanières américaines, la filière demande à l’Union européenne (UE) et à l’État Français de régler au plus vite le conflit aéronautique transatlantique, à l’origine de ces surtaxes punitives, par un moratoire sur les sanctions américaines.
Les ventes de vins français aux États-Unis, le premier marché du secteur à l’export, ont accusé en 2020 une chute de 18 %, à 3,1 milliards d’euros, essentiellement en raison de la taxe douanière punitive de 25 % appliquée par Washington depuis octobre 2019, dans le cadre des sanctions autorisées par l’OMC dans le cadre du contentieux aéronautique avec l’UE sur les aides publiques à Airbus et Boeing.
Le sujet est d’autant plus complexe que depuis quelques mois, l’UE applique elle aussi des sanctions tarifaires sur 4 milliards d’importation américaines, autorisées par l’OMC dans le cadre d’une procédure différente qu’elle a remporté dans ce même dossier.
« La situation est très préoccupante et la résoudre est urgent. Les sanctions que subit notre secteur depuis 16 mois, encore aggravées le 12 janvier dernier par une nouvelle salve de taxes s’étendant aux spiritueux et aux vins tranquilles en vrac, mettent en péril la présence des vins français sur le premier marché mondial comme la pérennité de nos entreprises exportatrices et, au-delà, des 500 000 acteurs de la filière Vin », s’est inquiété le 11 février, lors d’une conférence de presse, César Giron, président de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (Fevs).
La Fevs estime que le conflit aéronautique transatlantique « pour lequel [la filière] n’a rien à voir mais dont elle paie le prix fort » doit d’abord se régler au niveau européen.
C’est dans ce contexte un peu électrique que le Premier ministre Jean Castex a reçu le 15 février suivant, César Giron et Jérôme Despey, président du Conseil spécialisé Vin de FranceAgrimer. L’entrevue a eu lieu en présence de Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture et de l’alimentation, Franck Riester, ministre délégué, chargé du commerce extérieur et de l’attractivité, et Alain Griset, ministre délégué, chargé des Petites et moyennes entreprises.
Demande d’un fonds européen de compensation financière
La position de la Fevs est claire : elle appelle la Commission européenne « à régler directement et sans délai » ce conflit avec le nouveau président américain Joe Biden, selon les déclarations de ses dirigeants le 11 février. « La nouvelle administration américaine qui ne s’est pas encore prononcée sur le sujet, nous donne un nouvel espoir. Elle est censée revoir tous les 6 mois le montant des taxes, ce qui nous amènerait à août 2021. Mais le président Biden a tout loisir de signer entre-temps un décret pour annuler les taxes sur les vins français » a souligné César Giron.
Et en attendant, la Fevs demande à l’UE « l’activation d’un fonds de compensation financière pour pallier la chute des exportations de vins aux États-Unis ». Pour la Fevs, le règlement du conflit doit aussi être résolu par l’État français, dont elle attend « des décisions fortes en faveur des exportateurs de la filière ».
Perte de 400 millions d’euros en 2020, et plus d’un milliard d’ici fin 2021
Au chef du gouvernement français et aux ministres qui les ont reçus le 15 février, César Giron et Jérôme Despey ont dressé un tableau préoccupant. « La filière des vins & spiritueux a perdu 400 millions d’euros en 2020, une perte qui dépassera le milliard d’euros d’ici à la fin de l’année compte tenu de l’aggravation des sanctions américaines depuis le 12 janvier. Ces pertes durables sont très préjudiciables pour les vins et spiritueux français sur le marché américain » a insisté César Giron.
Les présidents des deux fédérations ont insisté sur la nécessité de parvenir à un moratoire sur les sanctions américaines actuelles, en attendant une résolution définitive du conflit aéronautique. Pour cela, ils ont demandé au Premier ministre français l’implication de la France auprès de la Commission européenne pour obtenir qu’un contact soit rapidement noué entre la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le Président des États-Unis, Joe Biden, afin de négocier une suspension bilatérale des sanctions.
Volonté du gouvernement de résoudre le problème définitivement
Message reçu cinq sur cinq par Jean Castex, qui a notamment déclaré « avoir pleinement conscience de la situation difficile que traversent les entreprises exportatrices de vins et spiritueux dans leur ensemble ».
Le Premier ministre a indiqué « que la filière des vins et spiritueux ne devait avoir aucun doute sur la volonté du gouvernement de régler cette difficulté d’une manière définitive ». Il a insisté sur la nécessité de trouver un engagement plus fort de la Commission européenne sur un mécanisme de compensation.
Au niveau français, Jean Castex s’est dit « prêt à des avancées budgétaires ». La filière des vins et spiritueux attend désormais la concrétisation de ces annonces. Elle souhaite des mesures directement perceptibles par les exportateurs affectés par ces sanctions américaines.
Bruno Mouly