Dans le vin, le Covid-19 fait des gagnants et des perdants dans les pays nordiques (Danemark, Norvège, Suède, Finlande). Parmi les premiers se trouvent les monopoles et l’e-commerce, parmi les seconds, les restaurants, hôtels et cafés (Horeca).
Ainsi au Danemark, seule nation où la vente au détail n’est pas réservée aux magasins d’État, l’e-commerce a bondi de 50 % en avril par rapport au même mois de 2019.
Les commandes ont concerné plutôt « les produits présentant un bon rapport qualité-prix », précisait, le 18 mai, Cecilia Ekfeldt, conseiller Export et référent nordique Vins et spiritueux chez Business France, lors d’un webinaire sur l’impact du Covid-19, organisé par l’agence publique avec Vitisphère.
De son côté en Suède, le monopole Systembolaget a augmenté ses ventes de 14 % et, en Finlande, son homologue Alko de 23 %. Selon Cecilia Ekfeldt, tous les types de vin en ont profité, y compris en bag in box (Bib). Les prix étaient aussi inférieurs à la moyenne traditionnelle et le panier d’achat supérieur à la moyenne habituelle.
En Suède, rapportait Élisabeth Engelsen Ellqvist, directrice générale de l’importateur Provinum Vinhandel Urban Wines (Charles Heidsieck, Joseph Drouhin, Bruno Lorenzon, Pierre Usseglio, Joël Delaunay…), « ce sont les Sud-Africains qui ont vendu le plus avec des Bib et des produits moins chers. Ils sont numéro un pour les blancs et les Italiens pour le rouge, alors que pour les effervescents, c’est le cava d’Espagne qui a le plus progressé. En Bib, les grandes marques ont le plus gagné, mais avec des produits bon marché ».
Le rosé, le plus demandé
En Suède, les ventes du monopole public ont augmenté de 24 % dans le rosé, mais Systembolaget a aussi enregistré + 20 % pour les rouges et les spiritueux. En Finlande, les hausses d’Alko sont encore supérieures : + 40 % pour les rosés, + 35 % pour les rouges et + 28 % pour les blancs. La chaîne de grande distribution Stocksmann y a accru aussi ses ventes en ligne de 73,5 %. Un chiffre qui était de + 50 % chez ses homologues Mathem en Suède et Nemlig au Danemark.
Dans ce dernier pays, si les achats en grande distribution se sont contractés, cette moindre performance a été en partie compensée par l’émergence du e-commerce. « Le rosé, qui explose depuis 2018, les vins mousseux et les pétillants sont les produits les plus recherchés », notait Xavier Gras, directeur commercial auprès de l’importateur Oskar Davidsen et la chaîne de cavistes Skjold Burne (groupe Taster Wine), fondée à Copenhague.
Les Danois, qui aiment retrouver ce qu’ils ont consommé sur leurs lieux de vacances, boivent des vins européens et le rosé n’est plus seulement versé à l’apéritif, mais aussi en dehors et pendant les repas. Par ailleurs, Xavier Gras observe un retour des crémants, notamment de Bourgogne et d’Alsace.
Enfin, ce Français installé au Danemark parie sur l’émergence de vins à bas niveau d’alcool et non-alcooliques. Déjà dans la bière, le géant Carlsberg réaliserait des ventes « vertigineuses », surtout depuis l’apparition du coronavirus, avec des produits sans alcool.
S’adaptant à la nouvelle donne, les monopoles ont développé un nouveau service : la commande de produits jusqu’alors non listés, de façon à la répondre de consommateurs avertis frustrés par la fermeture des restaurants.
Parmi les solutions trouvées par les restaurateurs, les importateurs et les cavistes pour résister à la crise figurent la livraison à domicile, le prêt à emporter et les dégustations en ligne.
La restauration au plus mal
Fermés depuis mars, sauf en Suède, les restaurants n’ont rouvert que le 6 mai en Norvège, le 18 mai au Danemark et la reprise de leur activité serait envisagée en Finlande le 1er juin prochain.
Au regard des fondamentaux économiques et de l’envie des consommateurs de renouer avec la vraie vie, la zone des pays nordiques apparaît plutôt résiliente. Le scénario le plus probable est celui d’une courbe en V. Après un effondrement cette année du produit intérieur brut (PIB) de – 4,3 à – 6 %, Swedbank anticipait au 13 mai une remontée de + 1,9 à + 3 % du PIB en 2021.
Les circonstances sont favorables, si l’on considère que la période estivale arrive, ainsi que la fête de la Saint-Jean (24 juin), traditionnellement favorable à la consommation. « La plupart des entreprises sont aussi au taquet pour la reprise déjà prévue au deuxième semestre », se félicitait Cecilia Enkfeldt.
Quant à la restauration, selon elle, il faut s’attendre à ce qu’elle reparte, mais « avec prudence ». Parmi les formats, « les bistrots seraient les moins impactés », alors qu’un certain nombre de restaurants étoilés, en revanche, devraient fermer.
Au Danemark où il aurait une suroffre dans la restauration depuis des années par rapport au nombre d’habitants, une hécatombe n’est pas à exclure. « Une remise à plat est souhaitable », selon Xavier Gras, qui s’attend à la fin juin, période correspondant à la fin des aides d’État aux entreprises et salariés du secteur, au début d’une vague de dépôt de bilans qui pourrait frapper entre 25 et 30 % des entreprises.
Pour sa part, l’importateur Oskar Davidsen a subi une chute de 60 % dans le secteur Horeca. Cette perte a été en partie compensée par une hausse de 50 % des ventes en ligne en avril par rapport au même mois en 2019. La priorité a été mise sur une offre d’appellations connues (Châteauneuf-du-Pape…) et certains types de vin très populaires, comme le rosé.
L’indispensable partenariat entre importateurs et fournisseurs
Parallèlement, l’importateur danois a lancé des caisses « propriétaires » (smagekasse) ou producteurs, en ligne et dans ses 35 boutiques, à des prix inférieurs de 15 %. « Une solution qui n’aurait pu être envisagée sans un partenariat et une compréhension réels avec nos fournisseurs », insistait Xavier Gras. Livrées pour un montant de 50 à 130 euros, ces caisses contenaient six vins différents d’au moins trois producteurs.
« Nous étions très transparents vis-à-vis de consommateurs finaux qui avaient du temps à consacrer à examiner notre offre de caisses mixtes », soulignait encore Xavier Gras. Ces consommateurs, selon lui, « très avertis, savent qu’il y a énormément de volumes disponibles et ont été très habitués à des offres très basses ».
Il ne serait donc pas envisageable de revenir aux prix d’avant le Covid-19. C’est pourquoi il paraît indispensable que tous les partenaires fassent preuve de « flexibilité » en prenant en compte la « réalité du marché ». Selon lui, il faut s’attendre à « une forte pression sur les prix ».
François Pargny