Dans le vin, le Covid-19 invite l’acheteur de vin en Italie à changer de comportement. « Les prix baissent et il va falloir que les exportateurs français fassent des efforts pour rester sur le marché », prévenait ainsi Delphine Chemla, gérante de l’importateur Vini di Francia, fournisseur notamment du réseau Horeca (Hôtels-restaurants-cafés), lors d’un wébinaire organisé le 28 mai par Vitisphère et Business France.
Le pays est fortement impacté par la pandémie et la Banque d’Italie y prévoit une croissance en chute libre à – 9 % cette année, ce qui inquiète les exportateurs français. Parallèlement, le chômage s’élèverait à 15 %.
L’Italie est le premier producteur mondial de vin (49,2 millions d’hectolitres en 2019) et les Italiens deviennent chauvins comme les Français, si ce n’est plus », selon Delphine Chemla. D’où la nécessité de renforcer sa compétitivité avec des prix plus bas et une présence accrue, via des dégustations et des tournées avec les clients.
Le label bio ne suffit pas
Même aujourd’hui, le fait de posséder le label bio ne suffirait pas si le prix est considéré comme trop élevé, notamment par rapport aux produits locaux. Le champagne « est à l’arrêt », remarquait encore Delphine Chemla, et ce sont les blancs et les rosés, il est vrai servis par un printemps particulièrement chaud, qui en ont bénéficié. Donc des vins frais : dans le blanc, le muscadet, le sancerre, le bordeaux, le provence, et dans le rosé, les côtes de provence.
Le vin, qui n’est pas un produit de première nécessité, fait les frais d’une « situation qui était déjà fragile avant la crise » et aujourd’hui « on ne sait pas le temps qu’il faudra à l’économie italienne pour retrouver une normalité », expliquait Antoine Erhel, conseiller agricole à l’ambassade de France à Rome.
D’après les estimations, la baisse du chiffre d’affaires du tourisme serait de l’ordre de 10 milliards de dollars, les ventes en restauration auraient plongé de 93 % en mars et avril et la consommation hors domicile pourrait reculer de 40 % cette année, ce qui représentait une perte de 34 milliards d’euros.
Les hôtels n’ont pas encore rouvert
Alors que les commerces, à l’exception des pharmacies, magasins d’alimentation et cavistes, ont été fermés à partir du 11 mars, les commerces de détail, bars et restaurants n’ont pu rouvrir que le 18 mai. « J’espère que les hôtels vont pouvoir aussi reprendre leur activité », confiait Delphine Chemla. Un espoir d’autant plus vif que les restaurants écoulent leurs stocks et que la demande chez les cavistes depuis le confinement reste faible.
Pour compenser les pertes, Vini di Francia a investi sur les réseaux sociaux, avec des pages Facebook et Instagram, des présentations des régions françaises (champagne, bourgogne, bordeaux, loire, provence) qui ont remporté du succès et des offres de box en ligne à des prix abordables.
Distribution : les gagnants et les perdants
L’e-commerce est avec la grande distribution le grand gagnant du Covid-19. L’application Winelivery a ainsi accru ses ventes de 25 % la première et de 250 % la deuxième semaines de confinement, pendant que des sites de commerce digital ont aussi enregistré des performances remarquables : Tannico, doublement des commandes pendant les dernières semaines de mars ; Vino 75, quintuplement des ventes en volume ; et Bernabai, + 150 % des ventes du 1er au 10 mars.
La grande distribution, qui a accru son chiffre d’affaires de 7,9 % en volume et 6,5 % en valeur du 1er janvier au 19 avril, a aussi largement développé la vente en ligne. Les autres distributeurs, notamment quand ils étaient proches du CHR, ont beaucoup perdu et, pour compenser, ont muté du B to B au B to C via la vente en ligne et se renforcés sur les réseaux sociaux.
Quant au CHR, pour palier la fermeture obligatoire du 11 mars au 18 mai, des solutions de livraison et de take away ont été proposées aux acheteurs.
Enfin, parmi les cavistes, « les points de vente restés ouverts ont accusé une baisse de 50 à 80 % selon les estimations », d’après Angélique Petelet, chargée de Développement export à Business France Italie. Ils ont investi dans la communication en ligne et le service à domicile. Les achats d’effervescents et de produits haut de gamme y sont en retrait à l’avantage des vins régionaux et quotidiens. Ce sont surtout les produits compris entre 10 et 12 euros qui y sont prisés.
Pour maintenir le lien avec la profession et le particulier, Delphine Chemla conseille d’utiliser l’instrument digital et les réseaux sociaux en particulier. Les dégustations en ligne lui paraissent adaptées à la demande. Mais il faut aussi se montrer disponible et se tenir prêt à se rendre sur le terrain.
François Pargny