Une fois n’est pas coutume, la marque ombrelle de la Ville durable pour l’export, Vivapolis, qui favorise depuis 2013 la constitution d’offres françaises globales associant divers acteurs publics et privés sur les marchés internationaux du développement urbain, va être… importée en France. Mais le débat sur la forme juridique que va prendre cet « Institut pour la Ville durable » (IVD) n’est pas encore tranché entre les partisans d’une structure associative traditionnelle, projet que soutient l’équipe de préfiguration, et ceux qui préfèreraient une structure légère, en réseau, à la façon du Vivapolis de l’export.
C’est dans une communication conjointe prononcée lors du conseil des ministres du 23 décembre que les quatre ministres des Affaires étrangères et du développement international, Laurent Fabius, de l’Ecologie, du développement durable et de l’énergie, Ségolène Royal, du Logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité Sylvia Pinel et de la Ville, de la jeunesse et des sports, Patrick Kanner, ont annoncé la création d’un « Institut pour la Ville durable » Vivapolis, qui doit devenir à la fois le laboratoire et la vitrine du meilleur des savoir-faire français en matière de développement urbain tout autant sur le territoire national qu’à l’international.
Quatre grands axes d’action lui sont fixés dans la communication des ministres : l’appui aux projets innovants, la recherche, la formation et le soutien au développement international de l’offre française. Mais la formulation sur les contours concrets de cet « Institut » est suffisamment vague pour laisser planer le doute sur la forme administrative finale : « le gouvernement salue donc la création d’un nouveau lieu de partage et de réflexion sur la ville durable : le réseau d’acteurs français Vivapolis, l’Institut pour la ville durable qui doit aider à renforcer la visibilité de la France sur ce marché » est-il notamment précisé. « Il constitue un cadre complémentaire d’échanges et de coordination, pour fédérer les moyens et l’expertise autour d’une conception partagée de la ville durable. »
Rien n’est dit de précis sur la forme juridique que doit prendre l’IVD ni si elle suivra les préconisations de l’équipe de préfiguration conduite par Valérie Lasek, ex. membre du cabinet de Cécile Duflot, alors ministre de la Ville, qui a travaillé avec le support de l’Anru (Agence nationale pour la rénovation urbaine). Autant dire que les ministres ont préféré reporter cette clarification à plus tard.
Deux points de vue s’affrontent, « le débat n’est pas tranché »
Concrètement, deux points de vue s’opposent : le point de vue de l’équipe de préfiguration, qui a déposé début décembre des statuts pour une association loi 1901 dont la gouvernance et l’organisation, très institutionnelle, reposerait d’entrée sur différentes « sphères » : État, collectivité locale, entreprises, experts et autres acteurs de la ville » et qui abriterait en quelque sorte le réseau (voir sur vivapolis-ivd.com/); le point de vue des actuels animateurs et membres du Vivapolis existant, partisans d’une structure plus légère et essentiellement destinée à servir de véhicule de financement pour certains projets, laissant le rôle principal au « réseau », pour préserver la souplesse d’action.
La « description du futur dispositif correspond bien à nos souhaits mais cela nécessite, comme nous l’avons proposé, de faire évoluer les statuts déposés », a d’ailleurs écrit, début janvier, à ses membres le bureau de Vivapolis en réagissant à la communication des ministres. « Notre objectif est de préserver le fonctionnement en réseau pour les activités de partage et de réflexion et de limiter la création d’une structure juridique à la recherche de financements pour porter certaines actions du réseau », ajoute le courriel daté du 2 janvier, qui est co-signé par Patrick-Yann Dartout, André Durbec et Michèle Pappalardo. Il s’accompagne de contre-propositions, avec la création d’un « Réseau de la Ville durable » et d’une association Vivapolis.
Un bilan honorable
Le fait est que le Vivapolis actuel, qui ne repose sur aucune structure juridique et administrative, a déjà un bilan jugé honorable, d’ailleurs salué par la communication des ministres : « Cette initiative a permis de promouvoir le savoir-faire et d’encourager les synergies entre filières pour être compétitif à l’international– avec notamment des projets d’éco-quartiers en Chine (Wuhan, Shenyang, Chengdu), au Mexique (Campeche), aux Émirats arabes unis (Masdar), deux projets pilotes de démonstrateurs numériques de ville durable à Santiago du Chili avec Artelia et Veolia, à Astana, capitale du Kazakhstan, avec Eiffage, Egis et Engie », lit-on dans leur communication.
Le potentiel du marché mondial des projets « ville durable » est estimé à 250 milliards d’euros. Une « opportunité économique » non négligeable, note la communication des ministres, à l’heure où les 11 premiers projets de « démonstrateurs industriels pour la ville durable », des projets pilotes grandeur nature devant ensuite servir de vitrine, vont pouvoir être lancés*.
« Le débat n’est pas tranché », estime pour sa part un bon connaisseur du dossier au sein du réseau Vivapolis, relevant que pour le moment, aucune annonce plus précise n’a été faite, par exemple concernant la date d’une assemblée générale constitutive de l’IVD. Notre interlocuteur relève non sans malice que, selon des fuites dans la presse (Canard enchaîné du 30/12/2015, notamment), Laurent Fabius et Ségolène Royal, pour une fois sur la même longueur d’onde, auraient fait part, lors du conseil des ministres du 23 décembre, de leur opposition à la création d’un nouveau « bidule ». Un signe ?
Christine Gilguy
Pour en savoir plus :
Téléchargez la communication des ministres : www.gouvernement.fr/conseil-des-ministres/2015-12-23/la-ville-durable
Consultez la liste des 11 projets de démonstrateurs industriels : www.developpement-durable.gouv.fr/11-laureats-de-l-appel-a-projets.html