L’Union européenne (UE) et la Nouvelle-Zélande se sont engagées à lancer des pourparlers pour conclure un accord de libre-échange.Une perspective qui n’est pas sans susciter des craintes dans certains milieux d’affaires européens, notamment agroalimentaire, ce petit pays de moins de 5 millions d’habitants étant un très grand exportateur de viande et de produits laitiers.
Rappelons que l’annonce a été faite à l’occasion de la visite du Premier ministre néo-zélandais, John Key, le 29 octobre à Bruxelles, où il a rencontré le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et celui du Conseil européen, Donald Tusk. « Nous nous engageons aujourd’hui à entamer le processus de négociation pour dégager rapidement un accord de libre-échange complet et approfondi », avaint déclaré les trois responsables dans un communiqué commun. Celles-ci devraient démarrer « aussitôt que possible ». Parallèlement, la commissaire au Commerce, Cecilia Malmström rencontrait, le jour même, son homologue néo-zélandais, Tim Groser, pour discuter de la portée du futur accord.
Ne pas perdre son influence « dans cette région vitale d’Asie-Pacifique »
Pourquoi un tel projet pour deux blocs qui n’ont pas vraiment de souci à commercer ensemble ?
Cette perspective « présente des opportunités pour les uns et les autres. Nos entreprises ont beaucoup à gagner en Europe où nous voulons élargir notre base de consommateurs », a indiqué John Key. Pour les Européens, le lancement de ces négociations s’inscrit dans les priorités de la nouvelle stratégie commerciale, présentée à Bruxelles le 14 octobre dernier et intitulée « Le commerce pour tous: vers une politique de commerce et d’investissement plus responsable ». Les Etats d’Asie-Pacifique sont en effet dans le viseur de Bruxelles, en particulier depuis la conclusion du vaste accord de libre-échange que constitue le Partenariat transpacifique (TPP) – signé récemment entre les Etats-Unis et onze autre pays de la région.
Mais au sein de l’UE, certaines voix s’élèvent déjà pour critiquer la stratégie de la Commission européenne. Si la Nouvelle-Zélande a tout à gagner dans l’ouverture d’un marché de 500 millions de consommateurs, les gains attendus pour l’UE sont « plus discutables », estiment plusieurs fédérations européennes, en particulier dans le secteur de l’agro-alimentaire. Leur crainte ? Voir les produits agricoles, notamment la viande néo-zélandaise, inonder le marché européen, « alors que leurs agriculteurs sont soumis à des règles environnementales bien moins contraignantes », souligne Eddie Downey, responsable de l’association des fermiers irlandais. « Les négociateurs européens devraient plutôt se concentrer sur les pourparlers en cours avec le Japon ou la Chine, où la demande en produits alimentaires de qualité ne cesse d’augmenter », ajoute ce responsable.
En 2014, la Nouvelle-Zélande était classée à la 51e place sur la liste des principaux partenaires commerciaux de l’UE. L’Union est quant à elle le 3e plus important partenaire commercial de l’île, après l’Australie et la Chine. « La Nouvelle-Zélande a certes bien plus à gagner d’un accord bilatéral de libre-échange », admet une source au sein de l’exécutif européen qui souligne néanmoins la nécessité, pour l’UE, de ne pas perdre son influence « dans cette région vitale d’Asie-Pacifique ».
Interviewé par le Financial Times lors de son passage à Bruxelles, John Key reconnaissait l’importance stratégique, pour son pays, de renforcer les liens commerciaux avec les Etats du bloc européen. « Nous avons largement bénéficié du boom économique de la Chine mais notre pays, de 4,5 millions d’habitants, ne peut pas être dépendant d’une seule nation (…). Ce serait facile mais imprudent de ne compter que sur la Chine et sa demande croissante en produits laitiers et en viande ». Le premier ministre néo-zélandais s’inquièterait aussi de la concurrence de certains pays d’Amérique latine, tels que l’Argentine, le Brésil ou le Chili, également exportateurs de produits comme les fruits, le vin ou la viande.
Alors que les négociations sont au point mort entre l’UE et le Mercosur, les responsables à Welligton, souhaiteraient éviter une situation qui privilégierait leur accès au marché européen, les produits néo-zélandais restant soumis à d’importantes barrières tarifaires et autres obstacles non tarifaires au sein de l’UE.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles