Comment boucler le futur cadre budgétaire pluriannuel (2021-2027) sans la contribution du Royaume-Uni ? Alors que les négociations du ‘Brexit’ ont tout juste débuté, la Commission européenne a lancé, en son sein, une réflexion pour répondre à cette épineuse question. « Les Britanniques ne seront plus membres de l’UE, or ils sont des contributeurs nets. Nous aurons donc un trou de 10 à 11 milliards à combler chaque année », s’est inquiété Gunther Oettinger, le Commissaire en charge du dossier.
Avec un budget annuel de 150 milliards d’euros, l’UE dispose de moyens réduits comparé, par exemple, aux Etats-Unis, qui au niveau fédéral ont dépensé 3400 milliards d’euros en 2016 ! Alors que les Etats fédérés contribuent à hauteur de 20 % de leurs revenus au budget fédéral, celle des Etats membres n’est aujourd’hui que de 1 %. Or 80 % du budget européen environ est alimenté par les Vingt-huit, le reste provient des droits de douane de la TVA ou des amendes au titre des entraves à la concurrence.
Vers une réduction des fonds de cohésion et des dépenses de la PAC
Le ‘Brexit’ n’est pas le seul casse tête auquel l’exécutif européen va devoir trouver des réponses. De nouveaux postes de dépense sont en effet apparus, au gré des crises et des évolutions sur la scène internationale, comme par exemple la nécessité de renforcer les contrôles aux frontières extérieures de l’UE, la lutte contre le terrorisme ou la création d’une Europe de la défense et du fonds dédié à la mise en œuvre de cette nouvelle politique commune.
« Soit nous dépensons moins, soit nous augmentons les revenus », a résumé le Commissaire allemand en charge du budget. Cette donnée de base – comment faire plus avec moins – a donc conditionné la réflexion sur l’avenir des finances de l’UE, concoctée par les équipes de Gunther Oettinger et de sa collègue à la Politique régionale Corina Cretu. Et la question du trou laissé par les Britanniques après leur départ contraint l’exécutif à remettre à plat les priorités qui ont, au cours de ces dernières décennies, guidé l’élaboration du cadre budgétaire pluriannuel.
Actuellement, les trois quarts du budget sont dédiés à deux postes : l’agriculture et la pêche (39 %), et la politique de cohésion régionale (34 %). Conclusion ? « Des choix difficiles devront être faits », commente un collaborateur du Commissaire allemand. Une façon de préparer les esprits à une réduction future des fonds de cohésion et des dépenses dans la politique agricole commune (PAC).
Les cinq scenarii de la Commission
Mais plutôt que de définir seule les orientations du prochain budget, la Commission a préféré présenter cinq scénarii, laissant aux Etats membres la responsabilité de trancher.
Allant du statut quo, c’est à dire « s’inscrire dans la continuité », à « faire plus ensemble dans tous les domaines d’action », cinquième schéma évoqué, c’est visiblement la « réforme radicale », 4e scénario, qui aurait aujourd’hui la préférence de Bruxelles. En bref, l’UE agirait davantage dans certains domaines au prix de nettes réductions de voilure dans d’autres. La part allouée à la PAC et à la cohésion – sujet tabou pour certains Etats, en particulier à l’est du bloc, grands bénéficiaires des fonds de cohésion – serait donc réduite pour mettre l’accent sur quelques priorités très affirmées telles que la compétitivité, la sécurité ou l’action extérieure.
Au delà du redéploiement des fonds, Gunther Oettinger propose aussi des pistes pour de nouvelles recettes, excluant à ce stade la création d’un impôt européen. Parmi celles-ci figurent notamment le paiement de frais, de l’ordre de 5 euros, par les personnes franchissant les frontières de l’UE, qui s’appliquerait donc aux Britanniques après le Brexit. La mise en œuvre de taxes environnementales et énergétiques ou la récupération du produit des enchères du système d’échange de quotas d’émission de CO2, sont également évoquées dans le document de réflexion.
L’idée allemande de conditionner l’accès aux fonds structurels au respect de l’Etat de droit, de valeurs démocratiques et des décisions de l’UE est également sur la table. Mais elle a déjà provoqué une levée de bouclier à Varsovie et à Budapest, deux pays directement visé par la proposition défendue par Angela Merkel.
Le débat est donc lancé et les discussions devraient se poursuivre jusqu’à l’année prochaine. Jean-Claude Juncker a prévu de livrer ses conclusions et recommandations sur le sujet lors de son prochain discours sur l’état de l’Union en septembre. Günther Oettinger compte quant à lui présenter un premier projet de cadre pluriannuel d’ici l’été 2018. Un léger retard sur le calendrier normalement prévu mais qui devrait, selon un haut responsable à Bruxelles, permettre d’y voir plus clair « sur les conditions de sortie, notamment financières, du Royaume-Uni ».
Kattalin Landaburu, à Bruxelles