Lors de la table ronde organisée, le 6 décembre à Paris, par l’Association dialogue franco-russe, sur la Russie, si le contexte politique national et international a été largement abordé*, l’économie et les échanges avec l’Union européenne (UE) et la France en particulier ont également fait l’objet de plusieurs présentations. Principal message envoyé : elles sont « inefficaces » et « nuisibles », au moins pour trois raisons, selon les « anti-sanctions » :
1./ Elles sont contreproductives parce que « l’économie russe est résiliente », a notamment défendu Jean-Pierre Thomas, président de Vendôme Investissements, au point, a-t-il affirmé, que « certains agriculteurs russes connaissant un fort développement ne veulent pas sortir des sanctions » et que « le système de substitution aux importations dans l’agriculture se répand dans d’autres secteurs, comme la chimie ».
Selon lui, même si la Russie « souffre », la situation s’améliore, le chômage atteint 5,6 %, « les équilibres budgétaires sont respectés et l’endettement n’est que de 25 % du PIB », la croissance économique redeviendrait positive cette année.
Tout comme Jean-Pierre Thomas, Alexandre Tourov, chef de la représentation commerciale russe en France, a insisté sur la « modification structurelle de l’économie » de son pays, rappelant au passage que la Russie est classée au 40e rang dans le rapport Doing Business 2017 de la Banque mondiale et que Vladimir Poutine a fixé comme objectif de figurer dans le Top 20 en 2018.
Par ailleurs, selon lui, « la baisse du commerce extérieur est finie » et « pour la première fois, le gaz et le pétrole comptent pour moins de 20 % dans les exportations ». Les livraisons de produits agricoles auraient même « dépassé celles d’armement », la production industrielle aurait cru de 1 % et la fabrication de camions de 26 %.
La place de Moscou en Asie centrale
2./ Les sanctions sont aussi inefficaces, parce que la Russie s’est tournée vers l’Asie. Un argument avancé par Alexandre Tourov ; « La Chine nous donne les crédits pour faire nos projets et nous intégrons des technologies françaises avec des financements chinois », a-t-il précisé, avant de citer le cas de la ligne à grande vitesse Moscou-Kazan, un projet s’inscrivant dans le cadre de l’initiative stratégique de Pékin « route de la Soie ».
« N’oublions pas la Russie voit d’abord son intérêt dans cette route de la Soie, dans la mesure où elle capable de développer son propre espace dans la région, en Asie centrale, ayant déjà conclu l’Union douanière Russie-Biélorussie-Kazakhstan, puis l’Union économique euros asiatique avec l’ajout de l’Arménie et du Kirghizstan », a précisé Yves Pozzo di Borgo, sénateur de Paris, vice-président du groupe d’Amitié France-Russie.
3./ Les sanctions sont encore contreproductives, car les premières victimes en sont les Européens, les Français en particulier. Et Jean-Pierre Thomas d’expliquer que les Européens risquent de se retrouver « isolés » si, « les Américains repartent plus vite que nous » avec un nouveau président, Donald Trump, enclin à un rapprochement avec Vladimir Poutine.
Attention au pragmatisme américain
Selon lui, entre 2011 et 2015, les sanctions se seraient traduites par « une perte en matière de commerce international de 48 milliards d’euros, dont 68 % pour la seule Europe ». Et d’affirmer que cette année les États-Unis accroissent leur commerce avec la Russie. Des propos relayés par Rémi Paul, vice-président de Thales Russie et de la Chambre de commerce franco-russe (500 entreprises), qui pointait à Paris le fait que « de nombreux Russes se sont relocalisés aux États-Unis ». Et d’expliquer qu’il y a « une répulsion-fascination avec les États-Unis » et que « les Américains étant très pragmatiques », il faudra être « très vigilant ». Ils pourraient notamment profiter d’une certaine « marge de manœuvre » pendant une période, dite « zone grise », suivant la levée éventuelle des sanctions occidentales.
François Pargny
(*) Lire à ce sujet l’article dans la LC de cette semaine : UE / Russie : la droite française fait le forcing pour une levée des sanctions
Pour prolonger :
– UE / Russie : Moscou échappe à de nouvelles sanctions grâce au lobbying italien
– Export / Commerce de gros : Rungis s’exporte en Russie et aux Émirats avec des offres clés en mains
– UE / Russie : vers un réchauffement graduel des relations bilatérales ?
– Russie / Développement urbain : Moscou veut devenir la première mégapole du monde
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