Les négociations vont pouvoir « entrer dans le vif du sujet », confiait un diplomate à l’issue du sommet européen qui s’est tenu les 14 e 15 décembre derniers à Bruxelles.
Réunis à Vingt-sept, lors du deuxième jour, les dirigeants venaient de donner leur feu vert au lancement de la seconde étape des pourparlers sur le ‘Brexit’, celle qui définira les contours de la future relation commerciale entre l’UE et le Royaume-Uni. « Il est évident que la deuxième phase sera plus exigeante, plus complexe », a prévenu Donald Tusk, le président du Conseil européen au cours d’une conférence de presse qui clôturait la rencontre. D’autant plus que de part et d’autre, les ambitions sont encore divergentes sur le contenu d’un tel accord.
Theresa May veut du « sur mesure »
Après les difficultés rencontrées lors de la première phase – qui visait à fixer les termes du divorce – la seconde s’annonce donc périlleuse même si le climat entre les négociateurs semble s’être réchauffé au cours de ces dernières semaines. Ce premier accord entériné par les Vingt-sept, aurait créé « un nouveau sentiment d’optimisme dans les négociations », s’est félicitée Theresa May devant la Chambre des Communes. « Nous allons quitter (l’UE) mais nous allons le faire en douceur et de manière ordonnée, en établissant un nouveau partenariat étroit et spécial avec nos amis tout en reprenant le contrôle de nos frontières, de notre argent et de nos lois », a ajouté la Première ministre britannique.
Mais reste à savoir quel type d’accord sera scellé entre Londres et Bruxelles. Et l’exercice est inédit puisque le Royaume-Uni est le premier Etat membre à quitter le bloc. Selon la locataire du 10 Downing Street, « ce sera un accord commercial sur mesure ». Une garantie qu’elle aurait obtenu « de l’un des membres haut placé de l’équipe de négociation » à Bruxelles, a-t-elle déclaré lundi 18 décembre.
Un accord sur le modèle CETA incluant le secteur financier
Dans un camp comme dans l’autre c’est pour l’instant l’accord de libre-échange conclu récemment avec le Canada, le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement ou AEGC dans son sigle français) qui sert de référence. « Etant donné les exigences britanniques, il reste un modèle possible, un free trade agreement sur le modèle du Canada. (…) Ce sont nos amis britanniques qui indiquent ces lignes rouges (…) Donc, ce sera sur ce modèle là que nous travaillerons », a expliqué Michel Barnier, le négociateur en chef côté européen. Mais ce modèle exclut de facto les services financiers. « Il n’y a pas à l’heure actuelle, d’accord de libre échange ouvert aux services financiers. Ça n’existe pas! », a rappelé le Français dans une interview accordée au quotidien The Guardian lundi 18 décembre.
Une annonce qui a douché les espoirs de Londres. Les Britanniques souhaitant préserver, pour leurs banques et leurs entreprises du secteur financier, le fameux passeport européen les autorisant à opérer librement au sein du marché unique. David Davis, le ministre en charge du ‘Brexit’, suggère donc un « CETA plus, plus plus », sorte d’accord taillé sur mesure qui inclurait de nouveaux services, notamment les services financiers, et des arrangements spécifiques dans d’autres domaines comme l’aviation, le nucléaire, la gestion des données, etc. Et selon lui, les pourparlers ne prendront pas sept ans, comme ce fut le cas pour le CETA, l’UE et le Royaume-Uni étant déjà alignés sur le plan réglementaire.
Un calendrier serré
Le calendrier s’annonce néanmoins très serré pour sceller un tel accord. Les Vingt-sept sont prêts à ouvrir dès janvier 2018 la négociation sur une période de transition d’environ deux ans demandée par Londres. Mais pendant cette parenthèse, le Royaume-Uni devra continuer d’appliquer les règles européennes, sans participer à « la prise de décision » au sein de l’UE, souligne le texte entériné lors du sommet.
Et les dirigeants européens ne prévoient d’adopter qu’en mars 2018 des directives de négociations plus précises sur les futures relations commerciales avec Londres, à l’issue de cette période de transition. Ils veulent en effet y voir plus clair dans les intentions britanniques avant d’arrêter leur position d’ici au printemps. Pour Donald Tusk, les contacts seront d’abord « exploratoires », le Royaume-Uni devant « apporter davantage de clarté » sur l’avenir.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
Pour prolonger :
–Royaume-Uni / UE : le rôle majeur de la France dans les coulisses du ‘Brexit’
–UE / Royaume-Uni : le Medef n’exclut pas un scénario catastrophe pour le ‘Brexit’
–UE / Royaume-Uni : les banques et les douanes face au scénario d’un ‘Brexit’ dur