Les indications géographiques (IG) resteront-elles protégées après le ‘Brexit’ ? Une question qui inquiète visiblement les responsables à Bruxelles. Dans un document d’orientation publié le 6 septembre, la Commission demande en effet à Londres de lever les incertitudes sur le sujet et de mettre en place, après la sortie du pays de l’Union européenne (UE), « une législation nationale assurant l’avenir de la protection. Cette protection devrait être comparable à celle qui est fournie par le droit européen », peut-on lire dans le document.
À l’heure actuelle 1 150 produits bénéficient de statut d’indication géographique protégée, dont 59 seulement au Royaume-Uni. En quittant l’UE, le pays ne sera plus obligé de respecter la législation européenne en la matière et pourra donc, légalement, rebaptiser du vin mousseux au nom de ‘champagne anglais’ ou du jambon de Parme, ‘british Parma ham’, déplorent, dans un récent rapport, les membres de la Commission agriculture (AGRI) au Parlement européen (PE). « Paradoxalement les IG britanniques resteront protégées au sein de l’UE, si la décision de garantir cette protection n’est pas abrogée », précisent les auteurs du document. Les eurodéputés insistent donc sur la nécessité d’inclure la réciprocité de cette reconnaissance dans le futur accord qui sera conclu entre Londres et Bruxelles. Une question qui a d’ailleurs systématiquement posé problèmes dans les négociations menées par la Commission avec d’autres partenaires tels que le Canada, les États-Unis, le Japon ou même la Chine.
PAC et accords commerciaux
Mais le rapport de la Commission AGRI ne se limite pas aux IG. Il pointe également les autres menaces qui pèsent sur le secteur agricole européen à l’issue du ‘Brexit’. Le retrait du Royaume-Uni entraînera notamment un trou conséquent dans le budget de la Politique agricole commune (PAC), estimé entre 1,3 et 3,5 milliards d’euros, « si l’UE décide de maintenir le niveau actuel des dépenses pour les 27 États membres », indique le rapport.
Autre préoccupation soulevée dans le document : l’impact du ‘Brexit’ sur les accords commerciaux déjà négociés par l’UE, dans la mesure où la taille du marché, ouvert à leurs entreprises, sera réduite une fois le divorce prononcé. « Les pays tiers concernés pourront légitimement se plaindre », insistent les eurodéputés. Ils suggèrent donc que le Royaume-Uni maintienne les normes européennes pendant la période de transition qui devrait, en toute vraisemblance, précéder la conclusion d’un nouvel accord commercial entre les deux blocs.
Car les relations pourraient rapidement s’envenimer si Londres décidait, par exemple, de changer son approche sur les OGM ou d’autoriser, comme aux États-Unis, le poulet chloré. Cette pratique « ne pose pas de problème pour la santé », avait assuré, en juillet dernier, Liam Fox, le ministre britannique du Commerce. Des déclarations ensuite contredites par Michael Gove, son homologue à l’Agriculture, indiquant que son gouvernement n’allait pas « remettre en cause ses pratiques concernant le bien-être animal ou l’environnement dans le but d’obtenir un accord commercial ».
Mais à ce stade rien ne garantit que cet engagement soit effectivement respecté à l’issue des négociations. « L’aile conservatrice du parti de Theresa May, les partisans d’un ‘Brexit dur’, plaident pour que le pays fassent d’importantes concessions en termes de normes afin de faciliter la conclusion de futurs partenariats avec des pays tiers », analyse le quotidien The Guardian. Un risque jugé néanmoins limité par les membres de la Commission AGRI. Selon eux l’administration britannique n’aura ni le temps, ni les moyens de mener des négociations parallèles à celles du ‘Brexit’ alors qu’ils ont perdu, « l’expérience et le savoir-faire de ce type de pourparlers depuis leur adhésion à l’UE en 1973 », soulignent les eurodéputés.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
Pour prolonger :
– UE / Royaume-Uni : la BEI aussi se cherche un avenir ‘post-Brexit’
– Dossier spécial Brexit : du référendum britannique au début des négociations avec l’UE