Faut-il écarter les Britanniques des négociations commerciales en cours entre l’Union européenne (UE) et des pays tiers ? Depuis l’activation de l’article 50 du traité de Lisbonne par Londres, le 29 mars dernier, la question circule dans les coulisses de la Commission européenne. « Le Royaume-Uni deviendra d’ici peu un pays concurrent, qui cherchera à conclure ses propres accords », commente un fonctionnaire de la direction générale du Commerce à Bruxelles.
Relayée par les médias, la rumeur a été mal accueillie à Londres. « Tant que nous serons membres à part entière de l’UE nous respecterons nos obligations si nos droits sont eux aussi respectés », a rétorqué un porte-parole de Theresa May la semaine passée. Mais à Bruxelles comme dans les autres capitales européennes, la possibilité que les Britanniques entament leurs propres pourparlers de libre-échange bilatéraux avant la fin des négociations sur le ‘Brexit’, est vue d’un très mauvais œil. « Nous pouvons mener les travaux préparatoires pour jeter les bases de nos futures relations commerciales », s’est justifié Liam Fox, le secrétaire d’État britannique au Commerce extérieur lors d’une visite officielle en Australie début avril.
Un double jeu qui inquiète les leaders européens
Un double jeu qui inquiète les leaders européens alors que les discussions pour définir les limites d’un futur accord UE /Australie viennent tout juste d’être finalisées, dernière étape avant le lancement officiel des négociations de libre-échange. D’autres pourparlers sont également en préparation avec la Nouvelle-Zélande, les Philippines ou les pays du Golfe. Autant de pays avec qui le Royaume-Uni souhaiterait aussi négocier après sa sortie de l’UE. Une situation qui mettrait donc Londres et Bruxelles en concurrence dans la course pour conclure les meilleurs accords possibles.
« Les Britanniques, qui ont aujourd’hui accès à tous les documents confidentiels décrivant les offres et les stratégies de l’UE, peuvent représenter une menace pour nos intérêts », confiait récemment au Moci un diplomate français au Conseil. Selon lui, au moins trois États membres auraient proposé d’exclure les représentants britanniques des comités de politique commerciale où les attachés des représentations permanentes des 28 discutent chaque semaine des stratégies de négociations et des informations distillées par la Commission sur les progrès des pourparlers en cours.
Mais si l’idée est évoquée, sa mise en œuvre risque de donner lieu à de nouvelles empoignades juridiques entre Londres et Bruxelles. Sauf si les Européens parviennent à démontrer que les « travaux préparatoires » menées par l’équipe de Theresa May sont en réalité de vraies négociations commerciales et donc en violation des traités. Une préoccupation partagée par Michel Barnier, le négociateur en chef de la Commission européenne sur le Brexit. « Nous devons débattre de la meilleur manière de traiter les informations sensibles dans le contexte des négociations commerciales en cours, auxquelles les Britanniques continueront à avoir accès tant qu’ils seront membres à part entière de l’UE », s’est-il inquiété le mois passé, lors de la réunion hebdomadaire des Commissaires et du président de l’exécutif européen.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles